11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Mat 10:8)

Quel rôle jouons-nous dans l'évangile d'aujourd'hui ? Sommes-nous des apôtres, envoyés donner aux autres, ou sommes-nous des brebis, fatiguées et abattues ? Avons-nous quelque chose à offrir aux gens, ou avons-nous plutôt besoin de recevoir ? Les deux sont vrais. Parfois, nous pouvons donner ; parfois, nous avons besoin de recevoir. C'est humain ; nous ne sommes pas autosuffisants, nous sommes faits pour recevoir et donner, et nous devons normalement recevoir avant de pouvoir donner.

L'évangile même nous le dit. Vers le début de l'extrait d'aujourd'hui, Matthieu les douze 'disciples', c'est-à-dire des étudiants qui doivent recevoir de leur maître Jésus, qui ont besoin d'être nourris et formés. Puis, quand Jésus est sur le point de les envoyer guérir et proclamer le royaume des cieux, Matthieu les appelle 'apôtres'. Le mot grec signifie 'envoyé' ; les douze sont maintenant ceux qui sont envoyés apporter quelque chose aux autres.

Les douze ont reçu, maintenant ils doivent donner. Mais pourquoi Jésus souligne-t-il qu'ils doivent donner gratuitement, comme ils ont reçu gratuitement ? Pourquoi pas vendre ce qu'ils ont à donner ? Si vous êtes malade, vous allez voir le médecin, il vous soigne, vous lui donnez quelques francs. Comme cela, il y a un échange, et vous en profitez tous les deux. C'est ça le commerce, et c'est cela qui nous enrichit et nous rend heureux, n'est-ce pas ? Pourquoi les disciples doivent-ils donner gratuitement ?

Moi, j'aime beaucoup la musique, ce qui implique que j'achète des CDs. Si vous me vendez un CD, il y a un simple échange économique de biens matériels : moi, je reçois le CD, qui devient le mien ; vous recevez mon argent qui désormais vous appartient ; nous sommes quittes. Le CD ne vous appartient plus, le lien qui existait entre le vous et le CD est rompu ; de même, l'argent ne m'appartient plus. Mais si vous me donnez gratuitement le CD, il existe toujours un lien entre vous et le CD ; je le reçois comme un don de votre part. D'une certaine manière, vous vous donnez à moi en me donnant ce CD, et je vous reçois en le recevant ; je vous accepte en acceptant ce que vous m'offrez, et le fait de donner et d'accepter crée un lien entre nous dont le CD est le signe. Ce petit disque peu important devient ainsi porteur d'une réalité spirituelle qui est essentielle à la vie humaine. Chaque fois que nous recevons un don, nous recevons aussi un don plus important, nous recevons la personne qui nous le donne. (C'est pourquoi, si quelqu'un que nous n'aimons pas veut nous donner un cadeau, nous hésitons, refusons même ; nous savons que, si nous acceptons le don, nous acceptons aussi la personne.) C'est ce jeu de dons de soi-même, qu'ils soient grands ou petits, qui nous enrichit mutuellement. Si, en acceptant un don, je n'y vois que la chose qui m'est donnée, je suis aveugle à une réalité plus essentielle. Si je ne veux recevoir que la chose, je m'appauvris parce que je me rends incapable de recevoir la personne qui me la donne. Si je reçois beaucoup de cadeaux, je peux croire m'enrichir en amassant des choses, mais en réalité m'appauvris. Si je suis ainsi aveugle, si je ne comprends pas ce qu'est vraiment un don, je serai aussi incapable de donner vraiment, je ne pourrai donner que des choses. C'est là la pauvreté du matérialisme, la pauvreté de certains riches qui ne savent que vendre et acheter, qui ne savent recevoir que des choses.

Dans l'évangile, Jésus ne se vend pas, il donne gratuitement ; c'est-à-dire qu'en donnant il se donne, à ce point qu'il va donner sa vie. Et Jésus est l'image de Dieu. Dieu ne se vend pas ; il nous comble de dons, et dans tous les dons que Dieu nous donne, le plus important est le plus grand est Dieu même. Les premiers disciples ont reçu ce don, c'est-à-dire ils ont reçu Jésus, gratuitement. C'est cela qui les a rendus capables de donner, à leur tour, gratuitement, de se donner aux autres.

Ce jeu de dons mutuels n'est pas une limite malheureuse de la vie humaine ; il ne serait pas préférable de vivre sans se donner. C'est plutôt ce qui fait vibrer la vie humaine, ce qui la fait chanter. Savoir donner et savoir recevoir, savoir se donner et savoir recevoir les autres, c'est un élément essentiel de la musique et de l'harmonie de notre vie.