14e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quelques années, lorsque j'assistais à l'eucharistie dominicale, au moment précis du credo, j'avais l'impression, voire même la prétention de poser un acte politique digne de sens, au nom de cette liberté qui m'était si chère. En effet, quand l'assemblée disait d'une seule voix : je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Moi, dans mon coin, je me taisais. Je refusais de dire une telle phrase, dans un souci d'oecuménisme. Je ne croyais pas en l'Eglise catholique. Et je reconnais que j'étais assez fier de ma prise de position. Moi au moins, je n'étais pas comme un mouton qui disait n'importe quoi. Je réfléchissais. Quelle ne fut pas ma surprise, assistant à une célébration protestante en Angleterre, d'entendre l'assemblée là aussi réciter le credo et cela ne leur posait pas de problème de croire en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. J'ai dû à partir de ce jour faire le deuil de mon acte politique courageux dans mon silence. Je découvris que l'adjectif « catholique » du credo ne signifie pas Eglise Catholique avec un C majuscule. « Catholique » est doit être compris dans le sens d'universel. Au moment où le credo a été écrit, il y avait d'ailleurs des Jeux Catholiques, ancêtres des Jeux Olympiques et ils avaient la particularité d'être universels. Depuis ce jour, je n'ai plus de difficulté à dire que je crois en l'Eglise une sainte, catholique c'est-à-dire universelle et apostolique. J'étais donc loin d'être le savant courageux que je pensais être. Et tant mieux.

Il y a en effet un danger, un grand danger à vouloir tout comprendre. Le désir de connaissance nous honore mais je ne crois pas que nous pouvons nous y enfermer. Nous sommes et resterons toujours des chercheurs de Dieu. A force de vouloir tout comprendre, nous risquons de tomber dans le piège de croire que nous savons. Et si nous savons, nous n'avons plus besoin de croire puisque nous avons acquis les certitudes. Or la foi, c'est sans doute passer sa vie à tenter de comprendre ce que nous croyons mais en reconnaissant que ce qui habite au plus profond de notre être est d'abord et toujours un mystère. Un mystère qui ne peut se résoudre uniquement par les clés de notre raison. C'est ce que les tout-petits de l'évangile avaient compris, le mystère de la foi se découvre, se dévoile, se révèle peu à peu, pas à pas dans le temps d'une rencontre, d'une relation. Comme si Jésus nous disait que le mystère de la foi passe aussi par le coeur de l'être humain. Et c'est normal, puisque c'est à cet endroit précis que Dieu vit en nous. C'est parce que le coeur est le coeur de la foi que le Christ conclut ce soir (matin) : « oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger ».

Il y a cette vielle histoire qui illustre très bien cette conclusion de Jésus. Un jour, un homme voit un petit enfant qui porte sur son dos un autre enfant qui était estropié. Il avait l'air de peiner sous le poids et avançait lentement. Mais malgré cela, les deux enfants souriaient et semblaient heureux. « C'est un bien lourd fardeau que tu portes sur toi » dit l'homme. « Non monsieur, ce n'est pas un fardeau répondit l'enfant, c'est mon petit frère ». La sagesse de l'enfant, de ce tout-petit laissa notre homme pantois. Dans ses mots à lui, l'enfant nous rappelle que ce peut nous sembler lourd à porter de manière rationnelle et réelle, est souvent léger lorsque c'est vécu dans l'amour. Quand l'amour est au coeur de nos efforts, des défis que nous nous imposons pour grandir, parfois même pour survivre, le fardeau n'est plus fardeau mais expérience de vie. Seuls nous ne sommes pas capables de tout porter. Nous avons besoin les uns des autres c'est-à-dire que nous nous portons les uns les autres. Et ce que le Christ nous invite ce soir (matin) c'est d'accepter de poser en lui les fardeaux qui nous semblent insurmontables. Si ton joug est trop lourd, pose-le en celles et ceux que tu aimes. En le posant dans leur coeur, tu l'offres à Dieu qui le portera dorénavant avec toi. Bonheur ou malheur se posent en Dieu. Si nous le faisons au nom de l'amour, notre fardeau deviendra léger. C'est irrationnel. C'est également de l'ordre du mystère. Et le mystère est le coeur de notre foi au coeur de nous-mêmes.

Amen.