Dans la vie, mais également dans nos églises, il y a parfois des personnes qui croient que parce qu'elles crient plus fort que les autres arrivent à mieux imposer leurs idées. Elles ont alors l'impression qu'elles ont gagné leur bataille sans se rendre compte qu'elles sont entrées dans un mécanisme épuisant puisqu'elles restent constamment sur la défensive de peur de devoir à nouveau se battre pour leur vérité. A court terme, elles gagnent sans doute mais à moyen et à long terme elles sont souvent perdantes en imposant leurs vues. Elles s'imposent et petit à petit font le vide autour d'elles mais sans s'en rendre compte tellement est peuvent être aveuglées par leur entêtement. Alors, est-ce par manque d'intelligence, par peur de la nouveauté, par bêtise ou le sentiment d'avoir des droits acquis ? Je n'en sais rien.
Par contre, les lectures du jour nous font découvrir que si quelqu'un s'impose cela peut sans doute s'expliquer humainement, cependant, une telle attitude est inacceptable d'un point de vue chrétien.
En effet, l'évangile nous montre un certain visage du Christ : Jésus ne s'impose pas, il en impose et c'est peut-être ce que les gens qui crient plus fort n'ont pas encore compris. Il y a une nuance entre s'imposer et en imposer. Jésus refuse en tout cas d'entrer dans la spirale de l'imposition par la force, par le pouvoir. Non, il choisit d'en imposer par sa connaissance qu'il a de Dieu, par la manière dont il vit sa vie et bouscule celles et ceux qui croisent sa route. Il choisit donc de convaincre et non de contraindre. Et la nuance n'est pas banale. En ce sens, il permet à chacune et chacun de faire son propre chemin de foi, d'avancer et de reculer sur celui-ci en fonction de son histoire personnelle. De cette manière, il remplit sa mission de Fils de Dieu en étant un vrai prophète. Un prophète, par définition, est quelqu'un qui dénonce ce qui lui semble être contraire au projet de Dieu. De cette manière, il dérange car il refuse d'entrer dans la dynamique perverse du " on n'a toujours fait comme cela et je ne vois pas pourquoi on changerait ".
Par ses paroles, le prophète réveille les paresseux qui se sont enfermés dans leur confort et ouvre les yeux des autres vers là où se trouve la vie réelle, l'essentiel. Le prophète ne dénonce pas pour son plaisir, il ne cherche pas à s'imposer par la force. Non, le prophète a compris, comme le Christ mais aussi comme saint Paul, que c'est dans la fragilité que se trouve la force. C'est parce que je suis faible qu'alors que je suis fort, clame l'apôtre aujourd'hui. Et il a raison. Il avait compris que la force n'est que du court terme tandis que partir de ses propres fragilités pour vivre en qualité de prophète permet alors d'habiter ses mots, ses gestes, en fait sa vie tout entière. Souvent d'ailleurs, les gens que nous respectons, sont celles et ceux qui construisent leur vie à partir de leurs fragilités. Comme si nous étions invités à découvrir et surtout à vivre de cette maxime : " ma plus grande force, c'est que je suis fragile mais je le sais ".
En agissant de la sorte, je ne me leurre pas sur qui je suis. J'apprends à m'accepter tel que je suis pour avancer sur mon chemin d'accomplissement de ma destinée. Je prends conscience que je ne suis pas détenteur de la vérité mais d'une petite parcelle de celle-ci. Mais si je pose cette parcelle en Dieu, alors peut commencer pour moi la réalisation de ma vocation de prophète. Toutes et tous par notre baptême, nous sommes conviés à prendre notre bâton de prophète et à agir pour la construction d'un monde, d'une église où règne la paix. Comme prophètes, nous devenons des personnes qui dérangent, dénoncent ce qui est contraire à l'évangile non pas par la force, la violence verbale ou physique. Nous ne nous imposons pas mais nous avons comme objectif d'en imposer par la sagesse de nos propos qui prennent leurs sources dans la méditation des Ecritures, la prière personnelle, la rencontre fraternelle.
Le Christ nous laisse alors avec ces questions : Est-ce que je convainc ou je contrains ? Est-ce que je m'impose ou j'en impose ? En d'autres termes, suis-je un aboyeur ou un prophète, là où je vis ? Nous ne pouvons, en tout cas pas oublier que telle est notre mission depuis notre baptême. S'il en est ainsi, chacune et chacun d'entre nous, nous avons du pain sur la planche. Que le pain de l'eucharistie, nous donne alors la force d'accomplir avec sagesse et conviction cette tâche.
Amen.