19e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Jn 6, 41-51

Il y a quelques jours, une amie, un peu forte me confiait que le simple fait de regarder un menu à l'extérieur d'un restaurant lui faisait déjà prendre au moins 400 grammes. Elle en avait assez de passer sa vie à faire des régimes et ce d'autant que son mari n'arrête pas de manger de tout et s'empiffre de bonbons sans pour autant prendre un gramme. Elle vit donc l'injustice flagrante au quotidien. Vous imaginez bien toute la compassion que je peux avoir pour un tel problème existentiel. Je la rassurai en lui disant que même si un rien lui profitait, elle, au moins n'apparaissait pas comme quelqu'un d'austère, de sévère comme son mari et que son petit côté rondouillard donnait plutôt confiance aux gens. Son mari s'est insurgé contre mes propos. Je lui alors rappelé que quand on mange autant que lui et qu'on ne prend pas un gramme, on doit avoir la décence de se taire. Il éclata de rire et ne se gêna pas pour reprendre quelques biscuits salés.

Comme quoi, le rapport à la nourriture et surtout, les effets de la nourriture sur notre métabolisme varie d'une personne à l'autre. Il en va ainsi dans la vie, alors l'évangile de ce jour nous invite à nous poser la question de savoir s'il n'en va pas de même dans la foi. Le Christ nous annonce avec une certaine force qu'il est le " pain de vie ". Nous avons besoin de manger pour vivre et voilà que Jésus nous annonce que la nourriture qu'il nous propose ne nous rassasiera non seulement un jour mais toujours.

En effet, dit-il, si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Quelle belle promesse de découvrir que nous vivrons à jamais dans le c½ur de Dieu. Encore faut-il avoir faim de Dieu, c'est-à-dire désirer goûter et manger de ce pain de vie. En nous surgit ce désir de Dieu qui se concrétise par notre rencontre personnelle et intime avec le Fils de Dieu. Plusieurs chemins s'offrent à nous : la méditation des Ecritures, l'eucharistie, la prière entendue comme un dialogue personnel entre Dieu et nous. Ces rencontres varient d'intensité au cours de nos vies respectives et il peut aussi nous arriver d'avoir un peu moins faim de Dieu, parfois parce que nous nous sentons rassasiés de lui, parfois parce que nous traversons un temps de désert intérieur, parfois encore parce que nous sommes submergés par la vitesse de la vie ou par des événements qui nous dépassent complètement jusqu'à pouvoir nous annihiler. Puisque, par les circonstances de la vie, nous pouvons passer par une période où nous ne ressentons pas le besoin de nous nourrir de ce pain de vie, il est sans doute bon de se demander comment faire pour retrouver ce goût de Dieu. Pour ce faire, je vous propose de reprendre un extrait d'un livre dont je vous ai déjà parlé.

Il s'agit d'Oscar et la dame rose d'Eric-Emmanuel Schmitt. Je vous le livre. Si tu écrivais à Dieu, Oscar ? Ah non, pas vous, Mamie-Rose ! Quoi, pas moi ? Pas vous ! Je croyais que vous n'étiez pas menteuse. Mais je ne te mens pas, répondit-elle. Alors pourquoi me parlez-vous de Dieu ? On m'a déjà fait le coup du Père Noël. Une fois suffit ! Oscar, il n'y a aucun rapport entre Dieu et le Père Noël. Si. Pareil, répondit l'enfant. Bourrage de crâne et compagnie. Est-ce que tu imagines que moi, une ancienne catcheuse, cent soixante tournois gagnés sur cent soixante cinq, dont quarante trois par K.-O., l'Etrangleuse du Languedoc, je puisse croire une seconde au Père Noël ? Non, répondit Oscar. Et bien je ne crois pas à Père Noël mais je crois en Dieu. Voilà. Evidemment, dit comme ça, ça changeait tout, se dit l'enfant. Et pourquoi est-ce que j'écrirais à Dieu, demanda-t-il. Tu te sentirais moins seul. Moins seul avec quelqu'un qui n'existe pas ? Fais le exister. Mamie-Rose se penche ensuite sur Oscar et lui dit : chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Si tu persistes, il existera complètement. Alors, il te fera du bien. Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'inscrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas. Et en plus, à Dieu, tu peux lui demander une choses par jour comme par exemple : du courage, de la patience, des éclaircissements.

Et aujourd'hui, nous, de notre côté, fort de ce dialogue entre Mamie-Rose et Oscar, nous sommes invités à demander à Dieu de nous rendre joyeux et de nous nourrir du pain de vie car nous avons cette conviction intime que ce pain-là nous donnera la vie éternelle.

Amen.