27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

La Morale Familiale à la suite de Jésus

 

En route vers Jérusalem et la croix, entre la 2ème et la 3ème annonce de sa Passion imminente, Jésus donne des enseignements extrêmement ardus à propos des trois niveaux de la vie humaine:

-       sur la vie ensemble ( 9, 33-50)      : c'était l'évangile de dimanche passé.

-       sur la vie familiale ( 10, 1-16)      : évangile d'aujourd'hui

-       sur la vie économique (10, 17-31) : texte de dimanche prochain.

Souvent l'opinion publique caricature cet enseignement moral de l'évangile en le réduisant à une liste d'interdits disciplinaires : " On ne peut pas...Il est défendu de...L'Eglise ne permet pas que..." - si bien que la pratique de la foi paraît enfermée dans un code rigide que, au nom de sa liberté, l'homme moderne ne peut que rejeter comme un carcan insupportable. C'est pourquoi il est essentiel de rappeler que ces exigences ne doivent pas être entendues comme des obligations d'un code (sinon elles condamnent toute infraction) mais comme des exhortations pressantes données à des disciples qui aiment leur Seigneur et désirent le suivre jusqu'au bout.

La vie chrétienne n'est donc pas d'abord une obéissance à des lois, mais attachement à un Seigneur, décision libre de le suivre quoi qu'il en coûte. Si l'on oublie cela, la discipline de l'Eglise paraît tout à fait intolérable.

 

LE  MARIAGE

 

Un jour, des Pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre dans l'embarras, ils lui demandaient: " Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ?" Jésus dit: " Que vous a prescrit Moïse ?". Ils lui répondirent: " Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d'établir un acte de répudiation".

Jésus répliqua: " C'est en raison de votre endurcissement qu'il a formulé cette loi. Mais au commencement du monde, quand Dieu créa l'humanité, "il les fit homme et femme" (Genèse 1, 27). "A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un. Ainsi ils ne sont plus deux mais ils ne font qu'un" (Gen. 2, 24).        Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

 

Effectivement, le livre du Deutéronome disait: "Lorsqu'un homme prend une femme et l'épouse puis, trouvant en elle quelque chose qui lui fait honte, rédige pour elle un acte de répudiation et le lui remet en la renvoyant de chez lui..." ( 24, 1). La répudiation - seulement possible du côté du mari ! - était donc admise mais il y avait débat sur le sens de l'expression: "quelque chose qui lui fait honte". Pour certains, il fallait une raison grave; pour d'autres le plus léger motif suffisait. On questionne Jésus afin qu'il prenne parti d'un côté et donc se mette à dos les tenants de l'opinion adverse.

Mais Jésus évite le piège des discussions juridiques: cette loi, dit-il, est une concession du législateur due à votre "endurcissement", littéralement  "à la dureté de c½ur" - le c½ur, en hébreu, ne désignant pas le siège de l'affectivité mais le centre de la personne, là où elle raisonne et échafaude ses décisions. Au fond, dit Jésus, vous refusez  le projet de Dieu en considérant le femme comme une compagne que l'on peut prendre puis rejeter. Et il remonte au livre de la création qui exposait le sens originel du mariage :

" Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa; mâle et femelle il les créa.

Dieu les bénit et leur dit: " Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la"

                                                                                                                         ( Genèse 1, 27-28)

 

Dieu a bien créé l'humanité "mâle et femelle": la sexualité est la marque de deux êtres égaux en dignité, elle n'est donc pas le lieu du péché mais de l'amour qui attire homme et femme afin qu'ils s'attachent l'un à l'autre et  procréent la vie. Ce don réciproque réalise le projet de Dieu et donc Jésus l'interprète comme total et définitif, sans possibilité d'être remis en cause par l'homme.

En tout cas, il devrait en aller ainsi si les humains avaient le courage d'accueillir l'idée divine...- ce que même la Bible trouve très difficile puisqu'elle en vient à tolérer la rupture du couple !

Pour les disciples eux-mêmes,  ce retour à la source divine du mariage paraît une telle utopie qu'ils en restent sidérés et éprouvent le besoin d'entendre confirmation - signe que les 1ères communautés chrétiennes avaient encore du mal à accepter cet enseignement de leur Seigneur. (Marc ajoute le cas du renvoi par la femme car il écrit pour les communautés chrétiennes de Rome où les épouses avaient cette possibilité). Mais Jésus réaffirme clairement son enseignement :

 

De retour à la maison, les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question.

Il leur répond: " Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre, est coupable d'adultère envers elle.

Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère"

 

Toutes nos sociétés modernes ayant admis la possibilité du divorce, nous nous trouvons devant une situation extrêmement douloureuse, sur un lieu de grandes souffrances. S'appuyant sur ce passage et celui de la lettre aux Ephésiens, le magistère catholique maintient des positions nettement tranchées sur l'interdit du divorce et donc sur le refus de l'Eucharistie aux divorcés qui ont contracté une nouvelle union. Les critiques fusent de partout contre une discipline qui semble trop dure, qui ne tient pas assez compte des personnes. Une homélie n'apporte pas la solution mais elle peut rappeler certaines choses:

 

1) Les divorcés remariés ne sont pas excommuniés. "L'Eglise, instituée pour mener au salut tous les hommes ne peut pas abandonner à eux-mêmes ceux qui ont voulu passer à d'autres noces. Elle doit s'efforcer de mettre à leur disposition les moyens de salut...Les pasteurs ont l'obligation de bien discerner les diverses situations...J'exhorte chaleureusement les pasteurs et la communauté des fidèles dans son ensemble à aider les divorcés remariés. Avec une grande charité, tous feront en sorte qu'ils ne se sentent pas séparés de l'Eglise car il peuvent, et même ils doivent comme baptisés, participer à sa vie".                             ( Jean-Paul II: La famille chrétienne  -  1981, § 84)

 

2) Les débats se poursuivent à tous niveaux, notamment avec les autres confessions chrétiennes(qui ont des positions différentes). C'est ensemble, à l'écoute des c½urs meurtris mais aussi à la lumière de la vérité de l'Evangile, qu'il nous faut discuter, chercher ce que l'Esprit dit aujourd'hui aux Eglises.

 

3) En route vers la croix, Jésus énonce des enseignements intransigeants: " Porter sa croix...servir les autres...pas divorcer...donner ses biens....". Ses disciples écoutent mais à Jérusalem, ils lâcheront leur maître. Toutefois, peu après, lui-même, ressuscité, il ira vers eux et, sans reproches, il leur offrira son pardon. Equilibre délicat et difficile entre vérité et amour, entre netteté des enseignements et sollicitude pour les personnes. Ne pas brader l'Evangile et compatir aux faiblesses des hommes.

 

4) Benoît XVI  a la réputation d'être très strict sur la doctrine. Cependant, en juillet 2005, dans un entretien familier avec des prêtres suisses qui l'interrogeaient sur ce sujet, il répondait: "Parfois ces personnes se sont mariées par tradition sans être de véritables croyants puis, après un second mariage invalide, ils redécouvrent la foi et se sentent exclus de l'Eucharistie...". Il rappela que, préfet de la Congrégation pour la Doctrine, il avait invité souvent les conférences épiscopales et les spécialistes à étudier la question du "sacrement célébré sans la foi" et à voir "si on pourrait y trouver vraiment un élément d'invalidité, le sacrement  ayant manqué d'une de ses dimensions fondamentales...".

 

5) Jour de réflexion de nos communautés: que faire pour la préparation au mariage, pour apprendre aux jeunes à mûrir afin de prendre des décisions adultes ? Jour de prière pour les familles....

 

L' ENFANT

 

On présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher mais les disciples les écartaient vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit: " Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis: celui qui n'accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant, n'y entrera pas". Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

 

En ce temps-là, les enfants étaient très aimés mais confinés dans leurs jeux et laissés aux soins des mamans (cf. déjà au 25ème dimanche): aussi les disciples, "grandes personnes raisonnables" n'ont que faire de cette marmaille envahissante qui fait perdre du temps à  leur Maître. Voyant cela, Jésus est très fâché et au contraire il ordonne d'accueillir ces petits. Non parce qu'ils sont soi-disant innocents, candides, purs, irresponsables  mais parce que l'enfant est un petit qui vit dans la dépendance, dans la confiance, parce qu'il désire apprendre, parce qu'il est ouvert, parce que, s'il fait des bêtises, il sait que la colère de papa cèdera vite devant  le pardon. Ainsi devez-vous devenir, apprend Jésus à ses disciples. Si vous n'acquérez pas cette confiance, si vous ne faites pas cette conversion difficile ( qui est tout sauf un retour à l'enfantillage ! ), vous n'entrerez pas dans le Royaume du Père.

Non pas infantilisme et gaminerie mais confiance du fils envers son père: foi. - Non pas innocence et pureté (la psychanalyse a démoli ce mythe ) mais abandon des rancunes et pardon : charité.  - Non insouciance et divertissement mais désir de grandir, envie de poursuivre la route:  espérance

Il faut comprendre l'enfant non à partir de nos imaginations mais à partir de Jésus.

Il accepta à fond de recevoir sa vie de son Père, il décida de ne plus faire sa propre volonté mais la sienne, il fut fier de rester "le Fils". Mais y eût-il jamais homme aussi mûr, aussi adulte que lui ? Il n'avait nulle peur de l'avenir, il ne s'inclinait devant aucun des Puissants, il disait à chacun sa vérité, si risqué cela soit-il, il osa même avoir une telle confiance dans son Père qu'il était certain qu'il lui rendrait la vie s'il la donnait par amour. -

 Sommes-nous heureux d'être des enfants de Dieu assurés, fortifiés par la prière du NOTRE PERE... ?...