2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Le Repas de l'Agneau Immolé

Ce 24 avril prochain, en Israël comme partout dans le monde, les familles juives vont, une fois encore, célébrer la Pâque. Car, comme le dit un vieil adage, "tout Juif, dans toutes les générations, doit se considérer comme sorti d'Egypte". C'est en effet en cette nuit de printemps que Dieu a réussi à faire sortir son peuple de la captivité.

A L'ORIGINE UNE FETE DE BERGERS

L'origine de cette fête se perd dans la nuit des temps. Les bergers du Proche-Orient avaient coutume, à la fin de l' hivernage, d'organiser une nuit de fête avant de repartir avec leurs troupeaux à la recherche des pâturages. On immolait un tout jeune agneau, mâle, sans défaut et on tâchait de son sang les piquets des tentes dans l'intention d'écarter ainsi l'influence des mauvais esprits. Puis on rôtissait l'agneau à la broche et on le consommait avec des pains sans levain, avant de se faire les adieux et de se disperser.

ENSUITE UNE FÊTE DE LIBÉRATION DES ESCLAVES

Or, une certaine année, comme nous l'avons vu dimanche dernier, Moïse prévint ses frères hébreux : "Le Pouvoir s'obstine à nous exploiter comme des esclaves mais Dieu a entendu vos cris : vous allez préparez la Pâque. Faites vos paquets, habillez-vous pour la route et nous fuirons. N'ayez crainte, YHWH est avec nous et Il nous gardera"

On immola l'agneau, on le mangea et, sans lutte, sans combat, la troupe des Hébreux parvint enfin à s'arracher du pays d'exil et de servitude.

Cet événement est considéré dans la Bible comme l'acte fondateur d'Israël. YHWH est intervenu en faveur des pauvres, c'est par son initiative qu'ils sont "passés" de la servitude à la liberté. Aussi est-il indispensable de garder la mémoire de ce jour : donc chaque année, à cette date, nous célébrerons le repas de la Pâque (=passage).

C'est un devoir essentiel qui incombe au père de famille d'entraîner ses enfants dans la célébration du repas pascal et de leur en expliquer tous les rites. La transmission est un enjeu capital car le souvenir de la libération d'Egypte est le gage de toutes les libérations futures, la certitude de n'être jamais abandonnés par Dieu.

JESUS S'OFFRE COMME LE NOUVEL AGNEAU PASCAL

A Nazareth, Joseph et Marie, fidèles à la tradition, ont toujours célébré la pâque et en ont expliqué le sens à leur fils l Plus tard, Jésus n'a jamais manqué de la manger en compagnie de ses disciples. C'est pour fêter Pâque qu'il est monté avec eux à Jérusalem au milieu de la foule immense des pèlerins.

Mais, en cette année 30, sachant qu'il célébrait sa dernière pâque - car ses ennemis avaient décidé sa perte-, à table il eut ces paroles extraordinaires qui transfiguraient tout à fait le sens de ce repas :

Il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna en disant :

" PRENEZ ET MANGEZ ; CECI EST MON CORPS LIVRÉ POUR VOUS "

Puis il prit la coupe de vin : "PRENEZ ET BUVEZ : CECI EST LA COUPE DE LA NOUVELLE ALLIANCE EN MON SANG VERSÉ POUR VOUS ET LA MULTITUDE".

Comment ses apôtres ont-ils vécu ce repas ? Que comprirent-ils de ces phrases ahurissantes ? Rien. Une heure plus tard, dans le jardin de Gethsémani, lorsque les soldats surgirent pour arrêter leur Maître, ils s'enfuirent dans la nuit.

Mais peu de temps après, alors qu'ils restaient écrasés par l'événement tragique de la croix comme par l'expérience brûlante de leur lâcheté, Jésus revint vers eux. Sans colère, sans reproche.

IL ETAIT VIVANT !

Leurs c½urs s'ouvrirent et le souvenir de la dernière cène éclaira le sens des événements : Jésus s'était substitué à l'agneau pascal !

Alors qu'ils l'avaient suivi dans l'attente fébrile de la révolution et de la victoire sur l'ennemi, ils comprirent que Jésus, victime innocente que

ses bourreaux avaient exécutée en croix, s'était en fait volontairement immolé par amour pour ses amis.

Dieu nous aimait donc à ce point ? Là était donc la véritable libération : être retiré hors de la prison du péché, de l'ambition, du désespoir et recevoir gratuitement le pardon. Ne pas faire couler le sang des ennemis mais avoir foi en l'Amour de Dieu à jamais affirmé dans la Croix et le sang répandu de Jésus l'Agneau de Dieu.

L'EGLISE CÉLÈBRE LE DON DE L'AGNEAU

Stupéfiante nouvelle ! Bouleversante bonne nouvelle !

Eclairés par le don de l'Esprit, les apôtres comprirent qu'il fallait actualiser la libération, en faire profiter l'humanité entière. Il fallait désormais refaire ce rite - non plus chaque année mais toutes les semaines, le lendemain du sabbat (samedi) donc le dimanche puisque c'était le jour où Jésus était ressuscité. Toute peur vaincue, ils s'encoururent partout afin d'annoncer la Bonne Nouvelle et créer des communautés.

L'Eucharistie commençait à faire l'Eglise !

" Le Christ, notre Pâque, a été immolé :

célébrons donc la fête dans la pureté et la vérité"

écrit S.Paul aux nouveaux chrétiens de Corinthe, dès l'année 55 (25 ans à peine après la crucifixion)

Drame de notre Eglise d'Occident : la transmission du Repas du Seigneur ne s'effectue plus. Pourquoi ? Le mode de vie basé sur l'argent est-il en train de dissoudre la foi ? Sommes-nous vraiment un peuple qui est réuni par le sang de l'Agneau et qui part "en exode" ? Car il ne suffira jamais d'être un brave homme, un jeune dévoué pour être fidèle au baptême et se dire chrétien. Les païens sont tout autant respectables, gentils, généreux, philanthropes...

Les premiers chrétiens ne s'affirmaient libres qu'en participant à l'assemblée et en célébrant le sacrifice de Jésus.