LE TÉMOIN NÉCESSAIRE ET À DÉPASSER
Les premiers chrétiens rencontraient d'autres communautés qui affirmaient que c'était Jean-Baptiste qui était le Messie : Jésus n'avait-il pas été son disciple, baptisé par son maître ? C'est pourquoi, comme les 4 évangiles, l'année liturgique commence avec la présentation de cet immense personnage qui s'efface pour montrer comment Jésus accomplit et dépasse l'ancien testament.
LA CONVERSION, 3ème EXODE
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : « A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route » (Isaïe 40, 3)
Jean portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui, et
ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Jadis, Dieu, par l'intermédiaire de Moïse, avait dit aux Hébreux esclaves en Egypte : « SORTEZ ! » et l'aventure d'Israël avait commencé avec l'Exode. Mais, arrivé sur sa terre, le peuple n'avait pas vécu selon la Loi de son Dieu et finalement il avait été déporté à Babylone.
Là-bas, pris de pitié, Dieu avait à nouveau décidé de libérer son peuple et un prophète avait proclamé la Bonne Nouvelle d'un nouvel Exode : « Préparez la route... »...on rentre au pays (Is 40, 1). Hélas, même scénario : Perses, puis Grecs puis Romains avaient écrasé et occupé le pays.
La grandeur du prophète JEAN est qu'il a mission d'annoncer le 3ème et dernier Exode : il ne s'agit plus d'un changement de lieu ni de l'investiture d'un meilleur roi car Dieu lui-même veut instaurer son Règne de la libération définitive. Pour cela une condition : la CONVERSION, remise en question du comportement de la personne, retournement.
En même temps Jean se présente sous l'accoutrement du prophète Elie (2 Rois 1,8) dont l'ultime prophète des Ecritures, Malachie, annonçait la venue pour la fin des temps (Mal 3, 23)
Aujourd'hui encore ne rêvons pas d'un bonheur qui viendrait par un changement de pays, de lieu ou de condition et qui serait assuré par un nouveau leader, une nouvelle idéologie. Reconnaissons nos esclavages, forcés...ou voulus. Chacun reçoit l'injonction salvatrice : CHANGE...MODIFIE TES IDEES, TES PROJETS, TES COMPORTEMENTS...DESIRE SORTIR DE TON ESCLAVAGE.
En sommes-nous capables ?... Pas sûr !! Le Baptiste lui-même, on le verra, va en douter.
UN RITE DOIT PROVOQUER DES ACTES.
Voyant des pharisiens et des sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit :
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion, et n'allez pas dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père', car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
La promesse lancée par Jean se répand dans tout le territoire et les foules, assoiffées d'indépendance, affluent pour écouter le prophète. Parmi elles, des laïcs (pharisiens) et des prêtres (sadducéens), de bons croyants secoués par la prédication : chacun reconnaît ses fautes et accepte d'être plongé et baptisé par Jean dans les eaux du Jourdain.
Mais Jean n'est pas dupe : un rite bien effectué et une confession pieuse ne suffisent pas s'ils ne sont pas suivis par une mise en pratique, par une vie nouvelle, par des actes. Se targuer d'être Juif - ou chrétien -, de faire partie du peuple de Dieu, d'avoir des ancêtres prestigieux ne suffit pas. La parole doit provoquer des actes, des fruits.
Et il s'agit d'aller vite car la fin du monde approche, dit Jean, Dieu vient et il hachera dans toute stérilité, il précipitera au feu de la damnation les vies infécondes.
LIMITES DE JEAN : IL FAUT UN AUTRE, DIFFERENT.
Moi, je vous baptise dans l'eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales.
Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ; il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »
Jean, qui avait sans doute commencé sa mission avec enthousiasme, doit hélas déchanter : les gens viennent, avouent leurs péchés, demandent à être purifiés dans les eaux...mais sans effets marquants. La parole prophétique échoue à changer les volontés. Le rite ne parvient pas à enlever le péché, obstacle majeur pour une existence renouvelée.
Alors Jean ajoute à sa prédication : moi, je ne suis qu'un préparateur, un maître, un sage dont la parole se heurte à une inertie incurable. Mais UN AUTRE VA VENIR APRES MOI. Il ne dira pas autre chose, il ne sera pas plus éloquent mais avec lui on va passer à un autre monde de sorte qu'il y a un abîme entre lui et moi et je ne suis même pas digne d'être son esclave.
Au plus profond de la personne, dans le c½ur, dans notre esprit humain si résistant à la grâce, Jésus « qui vient derrière Jean », instillera un esprit nouveau, l'Esprit même de Dieu car c'est sur sa croix qu'il enlèvera notre péché. Outre la connaissance des messages de Dieu, il donnera la force intérieure nécessaire afin de pouvoir les mettre en pratique. La conversion, qui semblait désespérément impossible à la suite de la force du mal enraciné en nous, sera à notre portée : quiconque s'y livrera réussira - enfin - son 3ème et dernier Exode. Il sortira de l'absurde, du désespoir, de la vanité ou du mépris de soi ; il ne se limitera plus à se plaindre de l'état de la société, de la pesanteur de l'Eglise ; il s'avancera en personne sur les chemins de la Miséricorde de son Seigneur.
Mais Jean se trompe : il croit que son successeur va provoquer la fin du monde, la déflagration finale. Or ce n'est pas l'heure de la moisson mais des semailles : Jésus lancera une Parole porteuse de la flamme de l'Esprit dans les c½urs qui voudront bien l'accueillir. Il y aura beaucoup d'échecs car l'Esprit divin ne nous change pas de façon automatique et Dieu qui nous a créés sans nous ne veut pas nous sauver sans nous. Le Royaume de Dieu s'ouvrira, le feu de la Pentecôte brûlera les c½urs qui se livreront à l'amour et ainsi Christ et croyants, ensemble, pourront de concert édifier le Royaume dans le déroulement d'une histoire chaotique.
Oui, alors, un jour, après bien des combats, des souffrances et des agonies, ce sera la fin, l'heure de la moisson. L'Exode définitif, la sortie de l'esclavage du mal, sera accompli.
VERS NOËL
Nous ne rencontrons jamais Jésus directement : il y a toujours à l'origine quelqu'un qui nous a parlé de lui, qui a rendu témoignage à son Evangile. Jean-Baptiste reste le type, le modèle du « précurseur » qui, sur le seuil de la liberté, nous exhorte à la conversion, nous appelle à avouer notre faiblesse, à désirer la purification, à traduire les rites en actes concrets.
Mais surtout Jean montre Jésus ; ainsi le prêtre, la maman, la catéchiste doivent s'effacer pour montrer « celui qui vient après eux ». De même l'Eglise dénonce le mal, appelle à avouer le péché, et à désirer la purification.. Mais qu'elle n'oublie pas que l'essentiel de sa mission réside dans la suite : sans relâche tourner le regard et l'attention vers l'Unique, le Seul, l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde et permet d'entrer dans le Royaume.
L'Avent n'a de sens que par son terme : Noël. Mais pour être vrai, Noël exige un Avent de conversion, d'attente, de désir, de joyeuse impatience.
2e dimanche de l'Avent, année A
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : A
- Année: 2013-2014