L’hymne des laudes de ce dimanche commence dans un premier éblouissement
« Aujourd’hui, revêtu de lumière, Jésus,
Tu révèles ta gloire aux témoins.
Choisis par le Père ».
Il continue son avancée, mais dans une sombre souffrance:
« Demain, dépouillé
Devant Tes frères,
A l’heure où sur la croix
Tu ouvriras les bras
Tu seras l’humilié.
Et se termine dans un jaillissement de vie
« Vienne le troisième jour,
Tu te lèveras d’entre les morts,
Revêtu de Lumière !
Cette hymne à l’instar des lectures d’aujourd’hui nous parle de lumière, de souffrance mais aussi de la nécessité de cheminer, d’avancer, de ne pas s’arrêter.
Le livre de la Genèse nous parle du dessein bienveillant de Dieu sur l’humanité, du dessein qui s’accomplit en faisant chemin : « Quitte ton pays et va… Et je te bénirai …..Et tu deviendras une bénédiction » : Ce n’est qu’au prix de cette marche en avant, à travers vents et marées, qu’ Abram découvrira le grand destin qui l’attend.
A sa suite, et grâce à ce premier chemin tracé, l’humanité, que nous sommes, peut, à son tour, découvrir, au long de routes parfois sèches et douloureuses, parfois lumineuses et fécondes, accomplir le destin qui est le sien, mais toujours chemin faisant, à la force de la marche, le cou tendu vers l’avenir qui l’attend.
Lorsque Jésus emmène, dans ses pas, ces trois disciples là, pour leur montrer une première fois, l’immense lumière qui l’habite, avec d’autres, Moïse et Elie, ce n’est pas pour qu’ils s’arrêtent à mi-chemin.
Mais au contraire, c’est pour que, habités à leur tour par cet éblouissante clarté entrevue, cet espoir fou mais ‘comme en attente’, ils puissent, contre vents et marées, douleurs et bonheurs, le regard tendu vers cette infinie Lumière « en promesse », continuer leur chemin terrestre jusqu’à son accomplissement.
Comme nous l’indiquent les textes d’aujourd’hui, Il semble donc vital de ne pas rester à mi-route, comme imparfaitement éclairés, la tête et le cœur restés dans la demi-obscurité mais croyant avoir tout vu et tout compris. C’est une impasse, une fausse route, de celles qui font mourir mais dans l’illusion de vivre.
A nombre d’entre nous, des révélations lumineuses nous ont été faites, des moments fugaces d’intense bonheur, parfois lors de rencontres ‘transfigurantes’, des moments privilégiés de notre vie, des illuminations soudaines au cours desquelles on a pu se dire, « mais oui c’est vrai, Dieu de tendresse est là qui se révèle ».
Ces moments restent, au fond de nous, dans un repli de la mémoire, comme des balises qui éclairent les sombres ravins. Ces moments si ténus mais parfois si lumineux, qui restent au fond de notre rétine comme un éblouissement, peuvent nous permettre, par temps de tempête, de ne pas sombrer.
Mais c’est toujours, chemin faisant, car l’arrêt sur image nous fait risquer l’arrêt de la vie. L’arrêt sur image nous fait prendre le désir pour son accomplissement, le mirage pour l’Oasis. Le mirage n’est qu’un premier reflet. : il nait d’une espérance, d’un désir intense. Pour s’accomplir, ce désir, cet espoir fou, devra se transformer au fur et à mesure du chemin jusqu’à l’accomplissement.
Exactement de la même manière, mais à contrario ces lectures nous font aussi remarquer qu’il est aussi vital de ne pas s’arrêter, fascinés par la sombre ténèbre des ravins. La fascination est semblable et mène aussi bien vers la mort. L’arrêt sur image est là aussi route vers la mort. La fascination de la souffrance est semblablement mortifère qui nous fait prendre ce sombre miroitement pour la percée du chemin. Il nous faut secouer la poussière de nos sandales, et reprendre route pour ne pas mourir de soif, à quelques encablures de l’oasis. C’est grâce, ici aussi…. ici surtout……, à la lumière entrevue dans des moments ‘transfigurants, que nous aurons la force de reprendre route.
Le témoignage d’une personne appelée Sybil, paru dans la revue A.H. (Aumôneries Hospitalières) de janvier 2017, illustre cette nécessité de continuer la transformation. Sybil est en train de perdre la vue et une personne qui rend visite à la maison de l’Arche où elle travaille lui demande si elle a peur et elle répond : « Oui j’ai peur, parce que ce chemin vient déchirer mes certitudes, parce qu’il est difficile de quitter ce que l’on a construit (…), de quitter ses sécurités ».
Puis continuant sa route, elle dira plus tard : « Mais j’ose aussi dire que je n’ai pas peur de ne plus voir car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, moins je vois, plus je sens combien mes yeux s’ouvrent à la lumière de ma vie (…). C’est comme un passage essentiel, celui du ‘vouloir vivre’ à celui du ‘consentir à la Vie.»
Le message que l’Ancien et le Nouveau testament nous transmettent est que le chemin, pour donner vie en plénitude, pour passer de l’éblouissement momentané, à la lumière qui demeure, doit s’accomplir jusqu’au bout : la chenille doit continuer son avancée et doit passer par l’ inconnu de la chrysalide et en ressortir dans la lumière pour devenir papillon sinon elle est consumée et disparait.
C’est grâce au parcours, à l’avancée, à la transformation qui en résulte, que la lumière entrevue devient progressivement vie éblouissante, que la lumière entrevue, nourrissant le cœur et l’âme permet, traversant montagnes et ravins, d’arriver à l’oasis.