34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Au cours des dernières décennies, le système monarchique a connu des vicissitudes et même, dans certains pays du monde, des reculs considérables. N'est-il pas un peu vieillot, sinon inconvenant, de maintenir la fête du Christ en tant que roi de l'univers ?

Il y a, en effet, une façon tout humaine d'envisager la royauté du Christ qu'il faut s'empresser d'éliminer. Elle consiste à comparer Jésus-Christ aux puissants de ce monde qui possèdent domination, honneurs et richesses. Jésus a toujours refusé pour lui-même cette sorte de royauté. Rappelez-vous, après la multiplication des pains, il s'esquive lorsque la foule enthousiaste cherche à en faire son chef et son roi.

Et cependant, les évangiles l'attestent fermement : Jésus est roi. Voilà qui est surprenant ! car il n'a rien d'un roi. On le disait le Très-Haut, mais il fut le Très-Bas. Une étable pour naître et pas même une pierre où reposer la tête. Sa cour, n'en parlons pas : des petits, des sans grade, des bergers, des pécheurs, des lépreux, et pour compagnons des pêcheurs. Aux jours de sa souffrance, son sceptre est un roseau. Sa couronne est d'épines. Son grand manteau royal est rouge de son sang. Son trône est en fin de compte une croix. Et le peuple qui, voici quelques jours l'acclamait, cette regardait en silence, et les puissants ricanaient, et les soldats se moquaient. Seul un brigand comprend. C'est son dernier compagnon et son premier invité : « Aujourd'hui, avec moi tu seras dans mon Royaume »

.En quoi donc et comment Jésus peut-il être roi ? Le récit de Luc, que nous venons de lire, n'est pas un simple reportage sur les derniers moments de la vie de Jésus. Le langage des divers personnages montre que nous sommes devant un enseignement sur l'importance de la croix. Tout d'abord les adversaires de Jésus ne comprennent rien. Pour eux, la croix est un échec qui vient sceller les échecs de la vie du Nazaréen. « Il en a sauvé d'autres ». Beaucoup ont été témoins des faits et gestes de Jésus. Mais ne croyant pas en lui, ils n'ont vu dans les miracles et les signes opérés par le Christ que l'exercice d'un don de guérisseur.

D'autres ont été déçus. Ils espéraient avant tout un Messie qui serait un chef politique, qui redonnerait à Israël l'éclat du royaume de David, la magnificence du règne de Salomon. Et Jésus ne leur a pas apporté ce genre de salut.

Une dernière chance lui est laissée : « qu'il se sauve lui-même, s'il est le messie de Dieu. » Puisqu'il prétend être l'élu du Dieu, il n'a qu'à se détacher de la croix. Ce sera alors vraiment la preuve de sa messianité. Tout le monde sera d'accord pour faire de lui un chef, le « roi des juifs », et obéir à sa politique. L'occupant romain pourra être chassé et le royaume davidique reconstruit. Si les adversaires de Jésus ne comprennent rien au mystère de la croix, par contre Luc propose aux croyants une autre lecture, celle de la foi, que l'on pourrait dire symbolisée et exprimée par l'attitude d'un des malfaiteurs, celui que l'on a appelé le bon larron.

Si Jésus a sauvé des malades et des infirmes c'est en conformité à la volonté du Père. « Il en a sauvé d'autres », mais en vue de manifester par ces signes la bonté et la miséricorde divines envers tous. « Lui, du moins, Il n'a rien fait de mal » et pourtant il est condamné. S'il ne se dérobe pas c'est pour accomplir jusqu'au bout la volonté de Dieu son Père et sauver ainsi tous les hommes. La croix devient la preuve par excellence de la messianité de Jésus. Par elle le royaume est offert à tous.

Ainsi le Royaume de Dieu est inauguré par le pardon et le premier bénéficiaire en est un malfaiteur. Tel est le point de départ de l'accomplissement total de toute chose, selon l'expression de saint Paul

Un pardon, c'est peut-être pas grand chose, mais c'est un simple pas qui fait avancer la personne humaine, si perverse soit-elle, vers plus d'humanité, un pas qui fait avancer l'humanité vers son accomplissement. Et Luc d'ajouter encore une précision importante. Certains chrétiens de son temps pourraient penser que le salut n'est que pour tout de suite, qu'il est seulement pour plus tard, au moment du retour du Christ, « quand il viendra comme roi », c'est-à-dire à la fin des temps. Mais l'évangéliste insiste : c'est aujourd'hui que ce salut est donné à tous, à commencer par celui qui reconnaît ses torts et accepte d'être pardonné. Nos réconciliations entre nous, aujourd'hui, ne sont-elles pas le plus sûr chemin vers la paix et l'accomplissement du royaume de Jésus ?