RAPPEL : j'ai proposé en cette période d'Avent-Noël de relire les 11 premiers chapitres de la Genèse : la longue attente du Sauveur.
Grandiose est la page inaugurale qui sert de portique à la Bible : un Dieu bon et unique a créé un monde et l'a confié à l'homme fait à son image. Nous avons relu cette vision splendide, oui mais, hélas, telle n'apparaît pas notre réalité !
Car il y a le mal. L'horreur à chacun de nos pas. L'image de Dieu défigurée, piétinée, saccagée ! Le scandale intolérable. Pour beaucoup le mur infranchissable sur le chemin de la foi. Pourquoi ?...
Un autre auteur va tenter de jeter une lueur sur notre drame : les chapitres 2 à 4 de la Genèse content ce qui reste à jamais l'histoire la plus célèbre du répertoire, celle qu'un humoriste résumait ainsi : " Une pomme, deux poires...et un tas de pépins !".
ADAM ET EVE DANS LE PARADIS
Adam et Eve dans un paradis où rode un astucieux serpent, un péché tellement énorme que nous en subissons pour toujours les conséquences : pouvons-nous encore accepter cette légende ?....
Tout l'embrouillaminis régnant sur cette histoire vient du fait que nous la lisions comme un reportage sur nos ancêtres, ce couple qui aurait vécu quelque part, dans un jardin d'Eden, il y a des dizaines de milliers d'années. Or ce récit a été écrit en Judée, environ 5 siècles avant notre ère par un homme qui, comme nous, s'est trouvé devant l'évidence : s'il n'est pas permis de sommer Dieu de nous expliquer la raison des calamités naturelles, il est en tout cas nécessaire de s'interroger à propos de l'homme. Pourquoi l'être humain, quel qu'il soit, même muni de la Loi de Dieu comme les Israélites, commet-il immanquablement du mal ? Afin de cerner cette universalité, l'auteur de génie projette à l'origine notre péché : "ainsi est et reste la condition humaine..."
Dieu nous a placés, hommes et femmes, dans un monde à cultiver, à remplir, à garder. Tout nous est donné afin que nous en jouissions. Plaisir de découvrir, d'inventer, de maîtriser, de goûter, d'admirer, de consommer : notre vocation divine nous porte à la joie et à l'émerveillement. Dieu nous a faits pour le bonheur.
Mais à une condition : que nous acceptions la loi du bien et du mal, que nous comprenions qu'il y a des limites à ne pas outrepasser :
" Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais non de l'arbre de la connaissance du bien et du mal ...sinon tu mourras".
La Bible ne parle pas de "pomme", ne dit pas que Dieu interdit les relations conjugales puisqu'il a créé le couple. Elle dit que l'humanité doit accepter une limite à son instinct de possession et de jouissance, qu'elle doit refuser de se livrer à la toute-puissance.
Or c'est là que nous achoppons. Tous, et à tout âge. Voyez l'enfant attiré par la prise électrique que papa lui a sévèrement interdit de toucher ; l'adolescent rageur parce que ses parents lui ont intimé l'ordre de rentrer avant 23 h. ; l'automobiliste excédé par tous ces signaux qui briment son envie d'utiliser la puissance de son engin ; le savant fasciné par telle découverte qu'il soupçonne périlleuse pour l'avenir de l'humanité ; l'Occidental nanti dont rien ne peut réfréner la frénésie consommatrice...
Le "péché originel" ne se confond pas avec la maraude de quelques hominidés ; il est cet instinct foncier qui est "à l'origine" de tous nos manquements, cet élan qui nous pousse à refuser toute Loi de Dieu, à renverser toute barrière, à déclarer que la liberté est la faculté de choisir sans aucune restriction. Et cela d'autant plus que l'infraction semble ajouter au plaisir. "Il est interdit d'interdire !"
Illusion désastreuse !
LE JARDIN PERDU
Il est faux de penser que Dieu veut nous châtrer : au contraire il veut nous protéger de nous-mêmes. S'il défend, c'est pour nous protéger, pour nous défendre contre nous-mêmes !
Dieu "donne ordre" non pour nous imposer un carcan, mais pour "mettre de l'ordre" en nous et dans la création. Car lorsque nous nous rebellons contre Lui, cette rupture entraîne une cascade de dérèglements :
la relation confiante envers Dieu est perdue,
les conjoints se dissimulent leur fragilité et s'accusent mutuellement ;
le rapport à l'enfant se révèle douloureux
le lien au sol devient une lutte pénible, un combat exténuant.
Et l'humanité glisse à la mort.
Tel est notre monde. Le jardin de l'innocence est à jamais perdu, c'est irrémédiable. Irrémédiable ? Par nous, oui, mais pas par Dieu. Tout de suite, notre auteur nous empêche de tomber dans le désespoir.
LA PREMIERE BONNE NOUVELLE DE LA BIBLE
Nous nous sentons loin de Dieu mais celui-ci, loin de nous damner, se met en recherche de l'homme :
" Adam, où es-tu ? ... Où en es-tu ?"
Et il nous fait une grande Promesse. S'adressant à ce serpent (qui symbolise le mal-déjà-là nous incitant au refus), il dit ces mots mystérieux :
" Oui je mettrai l'hostilité entre toi et la femme,
entre ta descendance et la sienne ;
elle te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon"
En effet, un jour, une descendante d'Eve - la jeune Marie de Nazareth - aura un petit garçon ; ce Jésus subira la haine criminelle, les terribles assauts du mal. Au contraire d'Adam il ne cherchera pas à déployer sa toute-puissance, à échapper aux limites et à la mort. Il acceptera celle-ci et en fera le don de son amour.
Ainsi il écrasera le pouvoir absolu du péché. Et à tous ceux qui croient en lui, qui acceptent de marcher sur ses traces, il assurera que le mal est radicalement vaincu. Avec lui, en lui, la condition humaine (la race d'Adam) pourra devenir christique, consacrée à Dieu.
Non, nous ne rentrerons plus jamais dans le jardin des Délices de nos rêves : mais nous pourrons entrer dans le paradis qui n'est rien d'autre que la communauté, la communion éternelle avec Jésus où les "images de Dieu" sont restaurées et, mieux encore, recréées par le sang du Christ.
Sur la croix du Golgotha, Jésus est le nouvel ARBRE DE VIE : heureux ceux qui tendent humblement la main pour manger "son Fruit", l'Eucharistie, don d'un Dieu qui transforme ses "images" et en fait ses "enfants". Dans sa Vie. Pour toujours.