3eme dimanche de Carême B

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 8/03/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Je suppose qu’il vous est déjà arrivé de vous rendre dans un magasin ou une grande surface, mais de repartir avec autre chose que ce dont vous aviez besoin ou que vous comptiez acheter… Le constat est banal… Et nous faisons également, je pense, des expériences similaires dans nos relations et nos rencontres humaines. C’est ce qu’il y a d’amusant dans cet extraordinaire chapitre de Saint Jean que nous venons d’entendre, et qui manie à merveille le double sens !
Au puits de Sykar, Jésus n’a finalement pas reçu l’eau qu’il était venu chercher. Fatigué et assoiffé, —littéralement é-puisé— Jésus veux étancher sa soif. Mais si nous nous en tenons au texte, la Samaritaine ne lui donne pas à boire.

D’autre part, cette femme n’est pas pas repartie avec l’eau dont elle pensait avoir besoin. Perdue, affectivement é-puisée, la Samaritaine repart sans ce pour quoi elle était venue, mais avec bien davantage qu’elle n’osait espérer !

Voilà l’expérience de toute rencontre en vérité. Nous repartons avec bien plus que ce que nous n’imaginions recevoir.

Ce dialogue se passe à midi, lorsqu’il n’y a pas d’ombre, pas de masque, pas de fuite possible. Comme pour nous confronter à l’essentiel. Cette rencontre de l’évangile, c’est l’image de toutes nos rencontres lorsqu’une personne —par sa parole, par un geste ou une simple attention— nous aide à faire la vérité sur nous-mêmes, nouys magnifie, nous pousse à creuser en nous le désir de vérité, le désir d’aimer et d’être aimé en retour. 

Ce désir inscrit au plus profond de nous sera toujours plus grand que nos besoins de surface, ou de grande surface ! Car « toute demande est toujours une demande d’amour », écrira d’ailleurs le psychanalyste Lacan.

Voilà ce que nous invite à redécouvrir cet Evangile baptismal : 
nous abreuver à la source de ce qui nous porte réellement.  

C’est ce qu’offre Jésus à cette femme de Samarie: il lui permet d’être elle-même, quelles que soient ses histoires ou son passé. Il lui permet de quitter l’angoisse, d’abandonner la honte, le regard qui juge —son côté cruche peut-être?— pour ne plus se cacher, pour revenir à la ville et se montrer aux autres telle qu’elle est! Il suffit parfois de quelques mots pour redonner courage, pour remettre quelqu’un face à lui-même en toute vérité. Comme pour la Samaritaine, nos parcours ont peut-être été semés d’erreurs, d’impasses, de zones d’ombres, d’échecs que nous essayons de fuir. Ceux-ci ne constitueront jamais la fin de notre histoire. 

Les événements heureux et plus difficiles, les rencontres joyeuses ou douloureuses ne s'effacent jamais complètement mais s'inscrivent en nous dans le puits de notre coeur. Que nos eaux soient stagnantes, que la nostalgie ou l’incapacité d’avancer s’installe, Dieu nous rencontrera toujours-là, dans notre coeur, en ce lieu très précis où nous pouvons venir seul nous ressourcer.

La Samaritaine, c’est vous, c’est moi, avec des citernes et des eaux dormantes. Encombré de questions probablement, de problèmes à gérer sans doute, de difficultés familiales ou sentimentales peut-être…Mais quelles que soient nos routes, lorsque nous nous penchons à la margelle de notre coeur pour nous désaltérer, nous sommes ramenés non plus à nous-mêmes, mais nous pouvons ouvrir à l’altérité. Voilà l’extraordinaire chemin de la Samaritaine. Elle fait l’expérience d’un puits profond… Lorsqu’on se penche à l’intérieur, l’eau au fond ne nous renvoie pas notre image, de façon narcissique, mais nous amène à quelque chose de plus profond encore ! Alors, se « désaltérer » à son propre puits, devient s « altériser »,  s’ouvrir au coeur de l’autre.


La question qui nous est posée est dés lors toute simple: quels sont nos lieux de ressourcements? Quel est ce puits, ce réservoir émotionnel qui ne demande qu’à être rempli? Quel est ce puits, ces lieux d’équilibre, qu’il nous faut remplir, auquel nous devons parfois nous abreuver pour ne pas nous épuiser?

Pour le découvrir, nous serons toujours invités à nous asseoir à la margelle de notre coeur, pour y relire notre histoire, en vérité, sans honte ni fierté, en plein midi, à la lumière du Christ. Ce puits en nous, rien ne pourra nous l’enlever —ni la vieillesse, ni la maladie— car il trouve sa source en Dieu. Il est ce lieu où naîtra toujours une source jaillissante et où l’Esprit nous rejoint sans cesse.

Tel est bien le chemin que nous sommes invités à emprunter. Faire la vérité sur soi par le détour de ceux que nous risquons d’aimer. Alors, nous découvrirons un source de vie et un amour toujours plus profond que nous ne l’imaginons. Amen.