4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quelque jours, j'ai fait un rêve, un superbe rêve. Un des ces rêves que vous n'êtes pas prêt d'oublier lorsqu'il vous arrive de le rêver. Oh, ce rêve était tout simple et tellement merveilleux. J'ai rêvé que je devenais qui je suis. Oui, aussi étonnant que cela puisse vous paraître, j'ai rêvé que je devenais qui je suis. Rêve difficile à atteindre car il y a tant d'encombrements et de traverses sur le chemin qui me conduit à mon être.

Devenir qui je suis mais n'est-ce pas le rêve de tout être humain ici sur terre. Toutes et tous nous avons des désirs de cette sorte. Mais il n'est pas aisé de nous les avouer surtout dans notre société où nous avons appris à conjuguer le verbe avoir plutôt que celui d'être. Les messages des médias sont assez clairs et vont en ce sens, si vous voulez être heureux, il faut que vous ayez ceci ou cela et votre bonheur sera comblé. Avoir, avoir toujours avoir jusqu'à ne plus pouvoir se passer de posséder, comme si l'épanouissement de ma vie dépendait à ce point de ce que j'ai. Hélas pour nous mais les bonheurs de l'avoir sont toujours éphémères et nous en voulons toujours plus. Et si au lieu d'avoir nous essayons plutôt d'être. Verbe difficile à conjuguer et à vivre tellement il nous engage sur le chemin de nos vies. Pour pouvoir être, il faut oser arrêter la course folle dans laquelle nous nous sommes inscrites. S'arrêter pour prendre le temps de savoir qui nous souhaitons « être » dans notre for intérieur, là où se vit la rencontre entre le divin et l'humain. Devenir qui je suis, voilà ce que Jésus nous propose au milieu de ce carême. Et ça, cela ne dépend que de moi, avec l'aide des autres et du Tout Autre bien entendu mais la décision initiale m'appartient.

Mais pour oser devenir qui je suis je dois moi aussi me désencombrer, me « désaveugler » de tout ce qui m'empêche d'atteindre un tel objectif. Toutes et tous nous sommes appelés à être filles et fils de lumière. Notre destinée s'épanouit dans la réalisation, le bonheur. Comment y arriver, certains prétendent qu'il y a trop de choses sur terre qui tue le bonheur : la cigarette, l'alcool, la télé, l'ordinateur, les jeux, la voiture, le chocolat. Un peu comme si ces choses étaient mauvaises par essence, en elles-mêmes. Je ne le crois pas. Ce qui nous aveugle et nous empêche de devenir c'est l'utilisation excessive de chacun de ces exemples et la liste n'était évidemment pas exhaustive. L'excès en toute chose nous éblouit au point qu'il nous empêche d'avancer. Il n'y a pas lieu de tout supprimer mais de mieux équilibrer pour que l'excès ne soit jamais la conduite de nos vies. Dans cette quête, dans cette conquête de soi, dans ce désaveuglement, il y a lieu de prendre conscience qu'il n'y a pas que les choses qui nous encombrent mais parfois aussi les personnes. Nous sommes parfois trop conscients de ce que l'autre va penser, de ce qu'il ou elle risque d'être déçu par nos choix et nos comportements et nous nous enfermons dans une spirale du non-être. Que résonne en nous, cette phrase de la première lecture qui nous rappelle que Dieu ne s'occupe pas des apparences mais de ce qui se vit au fond de notre coeur. L'autre m'a été donné pour grandir et devenir et non pas pour reculer et diminuer.

Aveugles, nous le sommes un peu toutes et tous sur le chemin du devenir de notre être. Une lumière nous a un jour été offerte, à nous de la suivre si nous le souhaitons. L'aveugle de l'évangile a vu et ce grâce à un peu de salive et de confiance. Voilà les deux ingrédients nécessaire à notre propre désaveuglement. D'abord, la confiance dans cette relation que nous établissons chaque jour un peu plus avec Celui que nous osons nommer Dieu puis avec cette salive éternelle que sont les empreintes du Christ laissés dans les récits évangéliques. Nous avons reçu la Loi, les Prophètes et Dieu qui s'est fait l'un de nous. Puissions-nous au travers de ce qui nous a été donné ouvrir les yeux de notre coeur pour devenir celles et ceux que nous sommes appelés à être.

Amen.