4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Une grand-mère demanda un jour à son petit-fils ce qu'il voudrait faire lorsqu'il sera grand. Moi, bonne-maman, répondit-il, lorsque je serai grand je serai rentier. Rentier, s'étonna d'abord la grand-mère mais cela veut dire que tu vas devoir beaucoup travailler pour le devenir. Pas du tout, rétorqua le petit-fils, j'ai tout prévu. C'est papa et maman qui vont devoir encore plus travailler car moi j'hériterai et je serai alors rentier. La grand-mère prit son petit-fils dans les bras, l'embrassa et se réjouit de l'esprit très imaginatif mais quelque peu naïf de celui-ci. Laissons alors un instant place à notre propre imagination et envisageons la situation où nous serions allés voir nos parents pour leur dire : « je viens chercher ma part d'héritage, je me rends compte que j'en aurai plus d'utilité aujourd'hui que dans une cinquantaine d'années ». J'imagine leurs têtes ; comme si nous avions un droit à hériter. La réponse que j'aurais sans doute reçue aurait été du style : « rêve mon fils, n'arrête pas de rêver, cela fait tout ton charme mais dis-toi bien que ce rêve restera un beau rêve qui ne se réalisera pas comme tu l'aurais souhaité. Et en attendant, termine ton assiette puis va aider tes frères et s½ur à la vaisselle ». S'il en a été ainsi pour la majorité d'entre nous, je ne comprends pas pourquoi ce père de la parabole de l'évangile que nous venons d'entendre dilapide ainsi son patrimoine en le donnant sans rechigner à son fils. La clé de compréhension de ce passage se trouve peut-être bien dans le tableau du fils prodigue de Rembrandt qui peut être admiré au musée de l'Hermitage à Saint-Pétersbourg. Et plus spécifiquement encore dans ce détail des mains du Père. Pour entrer dans ce mystère, observons un instant nos propres mains. Elles disent elles aussi à leur manière quelque chose de nos vies. Certains prétendent qu'il est même possible de lire les lignes de la vie dans la paume de nos mains. Quoiqu'il en soit, il y a les mains des personnes qui ont travaillé la terre ; il y a celles des manuels et des bricoleurs ; il y a celles des gens de bureau. Puis, dans un autre registre, il y a ces mains qui ont offert tant de caresses, signes de tendresse. Il y a ces mains qui nous ont porté et qui ont effacé les larmes qui perlaient dans nos yeux. Il y a toutes ces mains tendues en guise d'amour et d'amitié et il y en a tant d'autres encore. Nos mains sont ainsi porteuses de nos vies car elles en ont porté des choses au fil des années. A la fois nos joies mais également nos peines, nos souffrances et nos maladies. Et, il est vrai que parfois aussi, elles ont porté de nombreuses choses bien inutiles et souvent superflues à notre quête du bonheur et ce, contrairement aux messages de la publicité. Nos mains ont parfois couru après le temps, oserais-je me permettre de dire après le vent. Un peu à l'instar du fils prodigue de l'évangile. Il s'en est allé les mains pleines d'argent à la poursuite d'une vie insensée au rythme de l'instant présent et du plaisir immédiat et surtout une vie sans fondement. Ces mains-là se sont vites retrouvées vides de sens, voire pire encore, absentes de vie. Quelques soient nos mains aujourd'hui, l'évangile nous invite à les ouvrir pour offrir le tout de ce que nous sommes à ce Père qui nous attend et nous accueille. Qui que nous soyons, quoique nous ayons pu faire, nos mains sont belles de nos vies, ridées de nos questions sans réponses, calleuses de nos blessures et de nos souffrances. Elles sont nôtres et nous sommes conviés à prendre ou reprendre une fois encore le chemin vers le Père qui nous accueille avec ses propres mains comme l'a si bien peint Rembrandt. Dans ce tableau, la main gauche du Père est une main d'homme qui soutient et protège. Nous ne devons plus craindre ni notre passé ni notre avenir. Dieu est avec nous sur la route. Il nous accompagne et nous porte lorsque nous acceptons de nous remettre à Lui en toute confiance malgré le mystère de sa divinité. Puis, il y a la main droite, une main de femme, fine et légère, une main de mère qui caresse et console, une main qui soulage nos peines. Oui, le peintre avait raison, la clé de compréhension de cette parabole est bien dans les mains masculine et féminine de notre Dieu. Forts de ce constat, offrons alors nos mains telles qu'elles sont c'est-à-dire symboles de nos existences à ce Dieu en qui nous croyons pour qu'ils les prennent dans les siennes. Par nos mains, nous serons alors reliés l'un à l'autre. D'un côté des mains humaines porteuses de nos histoires, de l'autre côté des mains divines protectrices et consolatrices, porteuses de nos vies. En ce temps de Carême, ne tardons plus, allons en toute confiance à la Rencontre de ce Dieu en nous et tendons nos mains pour nous laisser porter par la douceur de sa divinité. Amen.