4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Jules Brunin. Un nom parmi tant d'autres. Un nom que certains reconnaîtrons. Un nom inconnu pour d'autres. Jules Brunin a défrayé la chronique, il y a une vingtaine d'années dans son combat pour dénoncer les abus des enfants des homes. Il a été condamné pour avoir cherché des preuves en commettant quelques effractions puis il a été gracié par le Roi Baudouin. Un homme qui n'a jamais laissé quelqu'un indifférent dans un sens positif ou négatif. Me revient en mémoire une phrase qu'il a écrite en dédicaçant un de ses livres. Je vous la livre : « si ton c½ur est trop lourd à porter et bien, donne-le aux autres ». Ces quelques mots sont devenus pour moi une belle leçon de vie.

En effet, la vie nous rattrape souvent là où nous nous y attendons le moins. Elle est faite de surprises : certaines sont merveilleuses alors que d'autres nous font mal et surtout nous abîment. Il peut nous arriver d'être submergé d'un sentiment de solitude profonde. Nous cherchons mais en vain l'oreille attentive qui pourra nous comprendre. Et surtout nous comprendre sans nous juger ni nous condamner. Une oreille attentive qui ne ramène pas nos souffrances à elle après seulement quelques minutes de dévoilement. Une oreille qui accepte de vivre au rythme de mes silences. Vous allez me dire que là je deviens peut-être un peu exigeant mais je ne crois pas que l'écoute soit autre chose que cela. Ecouter, c'est faire taire en soi ses propres sentiments, sa propre vie pour être tout à l'autre dans son histoire. Une histoire que nous ne maîtrisons pas mais que nous ne faisons simplement qu'effleurer en laissant à l'autre se raconter. C'est cela donner son c½ur aux autres. Cet autre qui nous semble parfois bien difficile à trouver : nos amis sont parfois trop occupés pour donner un peu de leur temps et puis, ils n'ont pas toujours envie d'entrer dans les méandres de notre histoire. Enfin, il y a tout ceux que nous croisons mais sans oser nous arrêter de peur qu'ils ne nous comprennent pas ou encore nous trahissent plus tard. Pourtant, pourtant, il y a toujours quelqu'un sur cette terre qui est là pour nous prendre dans ses bras, il existe bien une épaule sur laquelle nous pouvons nous épancher. Cette dernière n'est jamais très loin. A nous de chercher, de chercher pour enfin trouver. Cette rencontre peut alors devenir le début d'une belle amitié, c'est vrai. Les autres sont là pour nous mais nous aussi nous sommes là pour eux.

L'histoire du fils prodigue nous rappelle également que nous pouvons parfois être saisi d'un vertige lorsque nous pensons à notre famille. Mais comme tant de parents l'ont affirmé, enfin je l'espère : quoique tu fasses, quoiqu'il t'arrive, nous t'aimons et nous serons toujours là. Même si nous désapprouvons, nous ne te lâcherons pas. Quelle belle sécurité pour celles et ceux qui ont eu la chance d'entendre de telles paroles : savoir qu'il y a dans un endroit, notre maison familiale, des personnes qui nous accueillerons toujours tels que nous sommes et ce, malgré nos trébuchements. Pour faire, nous devons oser revenir, reconnaître que nous nous sommes trompés, accepter que l'erreur fait partie de notre humanité : notre orgueil en prend un sacré coup, il est vrai mais quelqu'un quelque part nous comprendra. A sa manière alors lui aussi fera tuer le veau gras pour notre fête, notre retour à la vie.

Cependant, parfois nous sommes envahis d'une pensée, d'une situation enfouie au plus profond de notre jardin secret. Il s'agit alors de quelque chose que nous n'avons absolument pas envie de dévoiler. Nous nous sentons pris au piège et tellement esseulés. S'enfermer dans un tel sentiment me semble être une erreur. Tout simplement parce qu'au plus secret de notre jardin secret, Dieu a choisi d'y établir une de ses résidences. C'est à cet endroit précis que se noue en nous l'humain et le divin. Nous découvrons alors un silence merveilleux tout habité de la présence de Dieu, un Dieu qui peut nous écouter pour nous aider à nous relever et nous permettre ainsi de marcher à nouveau sur la route de notre vie. Alors reprenant la phrase introductive de Jules Brunin nous pouvons nous dire les uns aux autres : « si ton c½ur est trop lourd à porter et bien donnes le aux autres voire même à Dieu ».

Amen