LA FOI EST UN REGARD QUI GUERIT
Tout le monde connaît le logo du serpent enroulé sur un bâton qui, déjà dans l’antiquité, était l’insigne du dieu Esculape, patron des médecins. Selon la bible, Moïse en serait l’inventeur ( ?) : lors d’une étape de leur longue traversée du désert, les Hébreux avaient été victimes d’une invasion de petits serpents et Moïse, sur l’ordre de YHWH, avait fait faire un serpent de bronze fiché sur un mât. Guérison était promise à ceux qui le regardaient (Nombres 21, 4). Curieux épisode teinté de magie !?
Plus tard un sage professeur en donna une interprétation spirituelle : la souffrance des morsures appelait ces hommes infidèles à la Loi à revenir à Dieu : « Quiconque se retournait (verbe qui désigne la conversion) était sauvé non par l’objet regardé mais par Toi, Seigneur, le Sauveur de tous…C’est ta Parole, Seigneur, qui guérit tout » (Sagesse 16, 1-12).
Cette histoire allait à nouveau rebondir de façon extraordinaire : c’est au Golgotha que se dressera le signe définitif du salut de l’humanité.
LA CROIX SIGNE DE L’AMOUR IMMENSE DE DIEU POUR NOUS
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.
Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
La crucifixion de Jésus était pour ses juges l’exécution d’un blasphémateur, pour ses disciples l’effondrement de tous leurs espoirs, pour la foule la fin d’un faux messie, pour tous un spectacle horrible, un signe de la cruauté des hommes capables d’inventer des supplices aussi effroyables.
Mais cet homme nu, ensanglanté, pantelant, tordu en haut d’une poutre entre ciel et terre a été vu par ses disciples éclairés par l’Esprit-Saint comme le grand « signe » de l’amour infini de Dieu.
Jésus a été mis par ses bourreaux à la place du serpent mais pour ceux qui « se retournent » et voient en lui non plus seulement une victime innocente mais le Fils que Dieu a abandonné à la méchanceté des hommes et qui volontairement donne sa vie pour pardonner aux hommes leurs crimes, ceux-là sont sauvés.
La croix de Jésus est plus qu’un fait-divers dramatique, elle n’est pas l’apologie de la souffrance, elle n’est pas la punition d’un Dieu qui exige une expiation sanglante. Elle est, pour tout croyant, le signe de l’amour infini, la révélation bouleversante d’un Père « qui nous a tant aimés… »
Le cœur transpercé de Jésus devient la source intarissable d’où s’écoule l’eau du baptême qui purifie un nouveau peuple ; il est la source du sang de l’agneau pascal immolé pour que les esclaves du mal soient guéris des blessures du serpent diabolique, échappent à la prison où il les tient et s’élancent sur les chemins de la liberté.
La poutre verticale de la croix « élève », glorifie Jésus, elle le fixe de façon définitive entre ciel et terre, entre Dieu et les hommes, médiateur pour l’éternité. La poutre horizontale écartèle Jésus afin que tout homme sache qu’un Dieu lui ouvre les bras et qu’il peut se jeter dans son cœur qui aime.
Car il n’y a qu’une condition. Non être parfait, auréolé, surchargé de mérites, impeccable. Mais croire.
Et on comprend ici la profondeur de ce mot. Il s’agit d’être conscient de ses fautes, de voir sur la croix la punition qu’elles méritent, de « se retourner » vers le crucifié, d’exulter dans la certitude d’être pardonné, de communier à un peuple qui renaît sans cesse à la liberté.
C’EST L’HOMME QUI SE JUGE LUI-MÊME
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ;
mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
Jésus n’a jamais voulu que réaliser la mission que son Père lui avait donnée et qui était définie par son nom : IESHOUAH signifie « Dieu sauve ». Il est « Sauveur » d’abord parce qu’il retire l’homme de l’ornière du mal dans lequel il s’embourbe et ensuite parce qu’il l’élève en lui donnant la Vie éternelle, la Vie divine à laquelle il ne pourrait, seul, accéder. La croix n’est donc que miséricorde offerte.
IL RESTE TOUTEFOIS QU’IL Y A JUGEMENT.
Comment ? Le Fils de l’homme est apparu sur terre parmi les hommes ; par ses actions de guérison, ses paroles de Bonne Nouvelle, son accueil de tous et finalement par sa Passion et sa mort offertes, il est apparu comme la Lumière qui brillait dans nos ténèbres, comme la Vérité que nous cherchions à tâtons. En conséquence, devant lui, tout être humain se situe et ne peut fuir dans la neutralité.
Celui qui fait le mal consciemment, non par un emportement passionnel qu’il peut regretter mais de façon décidée, en sachant qu’il blesse et qu’il écrase, celui-là n’a nulle envie d’écouter l’Evangile, de se remettre en question, de « se retourner » car il refuse que la Vérité dénonce ses agissements. Au contraire il s’endurcit, s’enfonce dans sa nuit. Et ainsi il se juge, il se condamne puisqu’il ne veut pas que la Lumière lui apporte le pardon.
A l’inverse, celui qui fait la vérité, c.à.d. qui lutte contre sa part d’ombre, qui connaît sa fragilité, qui est humilié par ses défaites et qui avoue son besoin de pardon, celui-là peu à peu avance vers la Lumière. Certes il connaît des avancées et des reculs mais il est persuadé que le chemin des béatitudes est le vrai chemin de l’homme, il cherche à faire le bien et à éviter le mal, à se donner plutôt qu’à prendre, à soutenir les faibles plutôt qu’à courtiser les puissants, à pardonner plutôt qu’à se venger, à chercher le droit et la justice plutôt que le méfait. Bref à aimer.
Cet homme simple avance peu à peu vers la Vérité car celle-ci d’abord ne se pense pas, ne se disserte pas mais « se fait » dans le concret de l’existence par des décisions, des projets, des engagements. L’homme qui « fait le vrai » échappe au jugement et il comprend que ses œuvres ne sont pas un palmarès dont il peut se vanter mais des actions qu’il a accomplies avec la grâce de Dieu.
CONCLUSION
« Dieu a tant aimé le monde ». C’est la première fois ici qu’apparaît ce verbe dans l’évangile de Jean : cette révélation doit nous émerveiller et c’est de ce Dieu-là dont nous avons à témoigner. Nous aimons peu et mal mais Lui nous aime sans se lasser. Nous nous décourageons de nos faiblesses mais Lui ne se lasse jamais de nous aimer. Non qu’il soit indifférent. Au contraire cet amour est très exigeant : il brille comme la Vérité qui débusque nos manquements et dévoile nos mensonges.
Il nous presse de « faire la vérité » c.à.d. de nous aimer les uns les autres. Et d’être une communauté dont on peut dire : « Voyez comme l’Eglise aime tant le monde ! ».
Méditons sur le sens du « signe de croix » et marchons vers Pâques, vérité de l’amour.