5e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Comme c'est curieux : Marc raconte le dernier repas de Jésus avec les siens en 10 versets, Matthieu en 11, Luc en 26 et Jean...en 156 ! Ce dernier non seulement remplace le récit de l'Institution de l'Eucharistie par celui du Lavement des pieds mais en outre il met dans la bouche de Jésus un discours d'adieu qui s'étend sur 4 chapitres ( 14 à 17) !

Comment expliquer cette croissance, cette extension ? Parce que, au temps de la rédaction du 4ème évangile (fin du 1er siècle), l'Eglise s'est développée par la mémoire des Enseignements de Jésus, relus à la lumière de la Résurrection et approfondis à l'épreuve des événements traversés en plusieurs dizaines d'années. Saint Jean peut donc placer sur les lèvres de Jésus un long "Discours d'adieu" qu'il présente comme le testament du Seigneur : voilà comment il vous faudra vivre après mon enlèvement.

UNE COMMUNAUTE EFFRAYEE

L'évangile de ce jour rapporte le début de ce discours qui s'ouvre par une exhortation pressante :

" Ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi "

Bouleversés - et non simplement "troublés", comme dit la TOB.- car il y a de quoi ! En quelques minutes viennent de se produire en cascade cinq événements bien propres à faire chavirer les disciples ( le verbe est celui utilisé lors de la tempête apaisée : il y a effectivement risque grave que la communauté "coule" )

En plein milieu d'un repas, le Maître vénéré a tout à coup décidé de laver les pieds de ses disciples abasourdis. A genoux devant eux, il les presse d'accepter ce geste incongru : il y va de leur salut ????

Ensuite il leur a intimé l'ordre d'agir de la même manière les uns envers les autres ?

Puis Jésus, angoissé, tremblant, leur a annoncé qu'on allait le tuer ?

Et scandale : que sa mort serait due à la trahison de l'un d'eux !

lequel ?

Enfin il a révélé à Pierre, le n°1 du groupe, qu'en dépit de ses airs de matamore, il allait renier son Maître qu'il prétend aimer ?

Ces hommes sont en état de choc. Comme nous ! Car il n'y a pas là que des souvenirs historiques : telle est bien l'Eglise dans laquelle vit saint Jean....et que nous sommes encore aujourd'hui !

Une Eglise qui annonce non un Dieu Très Haut, Créateur lointain et majestueux, mais un Dieu Très Bas, humilié, serviteur de ses frères.

Une Eglise qui doit être une communauté non sans heurts ni défauts, mais où tous les membres doivent à tout moment se demander et s'offrir le pardon.

Qui exhibe une Croix d'ignominie en proclamant qu'elle est la révélation de l'Amour Infini de Dieu.

Et qui doit avouer que, en son sein, il subsiste une immense puissance de refus. Qui doit donc renoncer à tout orgueil et toute suffisance pour reconnaître que même ses plus hauts dirigeants, ses "éminences", ses "prélats" ( ?) ont été - et restent capables - de trahir totalement le Seigneur dont ils parlent si bien

LE SEUL REMEDE A LA PEUR : CROIRE

" Que vos c½urs ne soient pas bouleversés"

On pourrait traduire "N'ayez pas peur" ; Oui c'est bien cela que je dois vivre, assure le Seigneur, et c'est cela que vous devrez accepter.

Pour ne pas faire naufrage, il n'y a qu'une solution : CROIRE.

Le verbe est répété à huit reprises dans ce chapitre 14.

" Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi"

CROIRE : un verbe - car la foi (mot que Jean ignore) n'est pas une chose, une dot, une idée, un héritage, un sentiment... mais un ACTE.

Croire non à un Dieu créateur impassible, à un monothéisme abstrait, à une Institution puissante. Non plus à un homme Jésus, prophète, sage, thaumaturge, révolutionnaire social, martyr.

Mais faire confiance, adhérer à un seul Dieu comme à un seul homme, Jésus, esclave de ses frères et pauvre crucifié. Les deux ensemble, inséparablement, du même élan.

Cette Eglise peureuse, affolée, avec ses faiblesses, son péché, ses pasteurs fragiles est bien telle une barque secouée par des éléments déchaînés, prenant eau de toutes parts et toujours prête de couler. Et combien de savants docteurs prédisent sa disparition imminente !

Mais du fond de sa misère, accrochée à son CROIRE, l'Eglise de Jésus poursuit sa traversée. Car elle est guidée par une espérance qu'elle ne s'est pas forgée à coup d'illusions mais qui repose sur la promesse de son Seigneur :

" Je reviendrai vous prendre avec moi. Là où je suis, vous serez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin"

Thomas- notre "jumeau"- questionne sans comprendre : " ?...Nous ne savons pas ..."

Et Jésus d'affirmer :

" JE SUIS LA VOIE, LA VERITE ET LA VIE "

La connaissance de l'Evangile n'ôte pas nos épreuves, ne nous épargne pas les menaces (les pires sont en nous) mais elle nous donne de tenir. Le mât nous rappelle la Croix sous laquelle nous vivons ; l'ancre nous assure de notre finalité bienheureuse. Il nous suffit de nous laisser pardonner et de partager entre nous la Miséricorde.

Bon vent !