Ce passage de l'évangile nous présente un Jésus, annonçant à Capharnaüm la Bonne Nouvelle de l'avènement d'un Royaume des cieux, qui instaure de nouveaux rapports sociaux. Il inaugure ceux-ci en guérissant les malades et en chassant les esprits mauvais.
A la vue des malheurs de tout un peuple, Jésus ne cherche ni à expliquer ni, à plus forte raison, à justifier le mal et la souffrance. Il est pris d'une immense compassion à la vue de l'humanité souffrante et il décide d'emblée de se battre contre les préjugés et contre l'emprise du malheur. Il faut dire qu'en son temps, il n'y avait d'assurance contre la maladie et l'invalidité. On ne s'occupait pas de soigner les malades, les infirmes et tout ceux qui étaient atteints par quelque forme de désordres mentaux. Les pharisiens et les maître de la Loi considéraient volontiers que maladie, handicaps divers, infirmités n'étaient autres qu'un châtiment de Dieu. Tous ces gens ignares, qui en étaient atteint, étaient aussi incapables de connaître et bien sûr d'observer la Loi du Seigneur. C'est pourquoi ils étaient ainsi punis. Il ne fallait pas s'en occuper puisque tous ces misérables n'avaient que ce qu'ils méritent. On ne pouvait s'opposer au châtiment divin. Aussi tous ses malheureux se sentaient exclus, mis à l'écart.
Pris de pitié pour eux, Jésus se met à les guérir, en leur rendant confiance en eux-mêmes, "Ta foi, ta confiance en Dieu et en toi-même, t'a sauvé." Il les remet debout. Ainsi nous voyons aujourd'hui le Christ tendre la main à la belle-mère de Pierre et l'aider à se lever. Le soir venu, on lui amenait tous les malades et il se mit à les guérir. Etonnant Jésus qui le lendemain matin s'enfuit tout seul dans la montagne pour prier ! Ce faisant, il repousse la séduction que peuvent exercer les prouesses d'un guérisseur. Il refuse de se laisser enfermer dans le rôle d'un « messie » accumulant les succès spectaculaires. Sa mission est d'annoncer aussi ailleurs la Bonne Nouvelle du Royaume. En effet, si tous les malades, les boiteux, les aveugles, les lépreux venaient vers lui, c'était un peu comme on va chez le rebouteux quand on a tout essayé, un peu comme on attend un miracle d'un Saint, en désespoir de cause. Et cela jusqu'à ce matin, où les apôtres lui ont dit "Tout le monde te cherche". Alors il s'est rendu compte que le pèlerinage commençait, qu'on allait bientôt le porter en triomphe, faire de lui un dieu. Et il est parti, en les laissant là. Comme s'il voulait relancer la balle. En réalité, en partant ailleurs, c'est qu'il voulait que les malheureux de Capharnaüm se prennent désormais eux-mêmes en charge, que les guéris parmi eux, deviennent des guérisseurs, que les sauvés deviennent à leur tour des sauveurs.
Il est parti. Et sans doute de village en village, il a recommencé la même chose, annonçant un nouvel ordre des choses, de nouveaux rapports sociaux. En guérissant les malades, en remettant debout ceux qui étaient écrasés, en réinstallant dans les communautés humaines ceux qui en étaient exclus, en rendant confiance à chacun. Et puis, lorsque le succès grandissait, il est à nouveau parti ailleurs, forçant ainsi chacun non seulement à devenir autonome, mais les invitant à remettre debout et à rendre confiance à tous ceux qui partageait les même souffrances et les mêmes malheurs.
Il est parti. Et depuis lors, il est l'insaisissable. L'enfermerait-on dans une pierre scellée, qu'il en sortirait vivant. Et aujourd'hui, l'accaparerait-on dans un rite, dans une pratique, dans un acte religieux, qu'il s'en échappe. L'ensevelit-on dans le tombeau de nos oublis, qu'il surgit à nouveau, un jour ou l'autre, à la croisée de nos chemins.
C'est pourquoi, dans notre monde d'aujourd'hui, impitoyable et dur, le moindre geste désintéressé, le plus petit acte d'amour, devient miracle. A nous qui avons été guéris par Lui, de devenir à notre tour des guérisseurs.