6e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

AIMER PARCE QUE AIMÉ

Dans la première partie de son discours d'adieu (Jn 14 - dimanche passé), Jésus exhortait ses disciples à CROIRE en lui - seule manière de surmonter les scandales et les doutes : « Ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu : croyez aussi en moi ».
Et immédiatement il les appelait à ESPERER avec une confiance absolue: « Je vais vous préparer une place... je vous prendrai avec moi....».
Aujourd'hui, dans la deuxième partie, il nous parle d'AIMER.
Si nous acceptons de vivre cette triple attitude - CROIRE, ESPERER, AIMER -, alors, avec logique, la troisième partie pourra conclure : «  Je vous donne ma paix : ne soyez pas bouleversés » (14, 27)

SI NOUS AIMONS CELUI QUI NOUS A AIMES JUSQU'AU BOUT

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples :
« Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements.
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité. Le monde est incapable de le recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il est en vous.
Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D'ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous.
Celui qui reçoit mes commandements et y reste fidèle, c'est celui-là qui m'aime ; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. »

Le texte est encadré par une affirmation identique qu'il importe d'expliquer en détail.

AIMER JESUS. La foi chrétienne n'est pas une simple croyance en une divinité mystérieuse ni une supposition sur l'au-delà. Me croire, dit Jésus, c'est m'aimer. Qu'est-ce à dire ?
ACCEPTER SES COMMANDEMENTS. Cet amour n'est pas un sentiment qui va et qui vient, une sensation qui apparaît et disparaît selon nos humeurs mais l'accueil des commandements de Jésus. Il importe donc au point de départ de s'informer, d'apprendre le contenu de l'Evangile qui rapporte tous les enseignements de Jésus. La foi est donc obéissance au sens ancien : « ob-ouïr » : se placer en-dessous d'une Parole afin d'en être serviteur.
PERSEVERER DANS LA PRATIQUE. L'élan premier de la foi doit se prolonger jusqu'à devenir fidélité c.à.d. persévérance dans un style de vie que l'on a adopté. Il y aura certes interrogations, doutes, tentations, risques d'abandon : c'est à travers ce combat que la foi s'approfondira et prendra racines.
LE C¼UR DES COMMANDEMENTS. Jésus a énoncé plusieurs commandements à ses disciples (« Ne servez pas l'argent...Veillez...Priez... ») mais tous finalement se résument à deux :
« Vous croyez en Dieu : croyez aussi en moi » (14, 1).
Et : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (15, 12.17)
AVEC LIBERTE. « Si vous m'aimez... » : Jésus ne force pas, il n'impose rien, il ne viole pas les consciences mais il invite, il propose à une liberté qui doit se prononcer de façon personnelle. On peut refuser l'appel (le jeune homme riche), on peut décider de ne plus suivre Jésus (beaucoup de disciples : 6, 66), on peut trahir (Judas). Si on manque de courage (Pierre : 13, 38), toujours Jésus revient  (21, 15). Jamais le lien à Jésus n'enferme dans un carcan puisqu'il est amour libérateur.

ATTENTION !!! L'AMOUR DE JESUS POUR NOUS EST SOURCE. Mais le point essentiel a été dit dès le début du récit des adieux : « Jésus ayant aimé les siens les aima jusqu'au bout » (Jn 13,1). L'amour premier, fondamental, inconditionnel est celui de Jésus pour nous : il se fait notre serviteur, il donne sa vie pour nous. Sa croix et son pardon suscitent notre possibilité de l'aimer en retour. Notre amour n'est jamais premier. C'est la confiance qui conduit à l'amour et non l'inverse (Ste Thérèse de Lisieux)
« Il faut rendre aux chrétiens le sens de la grandeur qui demeure en eux » (inspiré d'une formule d'A. Malraux)
LA PREMIERE PROMESSE DE L'ESPRIT

Le c½ur des adieux de Jésus, ce sont les 5 promesses de l'Esprit dont voici la première.   

Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité. Le monde est incapable de le recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il est en vous.
Jésus va disparaître et ses disciples vont avoir l'impression d'être laissés à eux-mêmes, fragiles, ignorants, incapables de se défendre. Qu'ils se rassurent : Dieu leur donnera un autre Paraclet (= Avocat) et ce « Défenseur » ne les quittera jamais plus. « Le monde » c.à.d. la zone d'humanité  qui se ferme à Jésus et qui refuse de l'aimer, restera sceptique et moqueur car pour lui, seul existe l'esprit de l'homme avec sa conscience, sa morale, ses appétits.
Par contre, pour les disciples croyants et aimants, le don de Dieu deviendra une expérience vitale, indéfectible.  L'Esprit, c.à.d. le Souffle, la force d'amour qui vient de la Vérité de Dieu les conduira dans la Vérité et, au fur et à mesure de leur persévérance, cet Esprit leur sera présent de façon de plus en plus intime : d'abord « avec » puis « auprès de » puis « en vous ». La foi intériorise, personnalise l'Esprit.
De saint Paul à François d'Assise, de saint Vincent de Paul à l'abbé Pierre, tous les géants de la foi affirment n'être pas des héros mais des hommes animés par une Force reçue et extraordinaire.

LE CROYANT TEMPLE DE DIEU

Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.
D'ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi.
En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous.
Celui qui reçoit mes commandements et y reste fidèle, c'est celui-là qui m'aime ;
et celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Pour l'incroyant, Jésus est tout au plus une grande figure du passé, un révolutionnaire qui a échoué et qui a disparu comme tous les hommes. Mais tout de suite, les apôtres ont affirmé que Jésus vivant était revenu vers eux, qu'il n'était plus un prophète que l'on suivait, un maître que l'on écoutait, mais une présence intérieure qui à leur tour les rendait vivants d'une Vie nouvelle.
On le voit nettement dans les « Actes des Apôtres »: les disciples n'ont pas la nostalgie du temps où ils suivaient Jésus sur les routes de Galilée, ils ne sont pas tristes comme les disciples d'un gourou disparu, ils ne font pas de pèlerinage au tombeau, ils ne prient pas pour bénéficier d'apparitions.
Ils sont absolument persuadés et ils l'affirment même au prix de leur vie : ce Jésus qui était un grand prophète ou même un messie politique que l'on suivait avec fougue, nous avons découvert, depuis Pâques, qu'il est le Fils vivant en son Père, donc il vit en nous... donc nous vivons vraiment. Jésus n'est pas le fondateur d'un groupe religieux : il est dans son Eglise et l'Eglise est sa communion.
La « foi espérante et aimante » permettait à ces pauvres hommes sans pouvoir et sans éclat, d'être habités par un Dieu qui était leur Père, par Jésus Seigneur ressuscité et par l'Esprit de Vie.
Ainsi, après le temple de Salomon et celui d'Hérode, le 3ème temple, définitif, inébranlable, est fondé : il n'est plus constitué de pierres mais d'êtres humains qui ont enfin découvert le don de leur identité divine.