6e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 1, 40-45

Alexandra, petite africaine de dix ans, chante actuellement en Suisse dans une comédie musicale intitulée « Exils » : la chanson suivante. Afin de vous épargnez le son de ma voix, je préfère ce matin (soir) vous lire ces paroles : « Moi, quand je suis née, j'étais noire. Quand je suis malade, je suis noire. Quand j'ai froid, je suis noire. Tandis que toi, quand tu es né, tu étais rose. Quand tu vas au soleil, tu es rouge. Quand tu as froid, tu es bleu. Quand tu as peur, tu es vert. Quand tu es malade, tu es jaune. Dis, c'est qui, l'homme de couleur. » En quelques mots d'enfant, voilà qu'elle nous remet un peu à notre place. Les gens de couleurs, pour ne prendre que cet exemple, sont pour certains, un peu les lépreux de notre société.

Parce qu'en effet, des lépreux et des lépreuses, il en existe encore aujourd'hui. Il y a d'abord celles et ceux atteints par cette horrible maladie et qui vivent principalement en Inde. Et puis il y a tous les autres. Tous ceux et celles que nous avons enfermé, emprisonné dans des catégories bien précises au nom de leurs différences. Ils sont là et bien nombreux. Et ces derniers, nous n'arrivons jamais à nous en débarrasser. Ils portent les noms de nos exclusions. Nous pourrions appeler cette maladie la lèpre sociale. Maladie d'autant plus surprenante qu'en ces jours où tout le monde se plaît à parler de mondialisation et de communication, nous prétendons volontiers que toutes les frontières ont été abolies. Et pourtant, si nous osons regarder la réalité en face, que de frontières à nouveau tracées, que de murs à nouveau bétonnés entre les ethnies, les minorités, les nationalités, voire même entre voisins d'un même quartier. Egalement frontières des avoirs et des savoirs. Un besoin de sécurité face à la peur de l'autre, de la différence. Un moyen aussi de s'unir contre celles et ceux que nous avons décidé de diaboliser pour nous sentir bien. Des discours, des attitudes entretenues par les intégrismes, les idéologies fascistes. Et le pire, c'est lorsque nous nous croyons guéri de cette maladie, elle revient sournoisement même par le biais de la démocratie. Le cas actuel de l'Autriche est une gifle pour nos consciences. Finalement, nous n'apprenons rien de l'histoire. Nous l'aimons en éternel recommencement.

Cette lèpre sociale, je l'ai rencontrée lors de mon voyage en janvier dans la région des Grands-Lacs d'Afrique. Ces pays n'intéressent pas nos régions. Il est vrai qu'il n'y a ni or, ni diamants, ni minerais et encore moins de pétrole. Je n'ai pas la prétention de comprendre et d'expliquer le conflit ethnique qui détruit ces deux pays. Je constate simplement que l'espérance moyenne de vie y est de 38 ans, que les massacres continuent au Burundi soit du fait de l'armée, soit des assaillants appartenant à l'autre ethnie. Dans ce pays, si les accords d'Arusha n'aboutissent pas, ce sera non plus une guerre civile larvée mais un nouveau génocide. Comment peut-on espérer que les gens découvrent l'importance des valeurs de respect de l'autre dans sa différence lorsque seulement 40 % des enfants vont à l'école primaire et pire encore juste 4% iront à l'école secondaire. Dans le pays voisin, plus calme il est vrai pour le moment, la situation reste extrêmement fragile. Petit à petit l'opposition est décapitée pour nous faire croire que d'ici un an ou deux, des élections auront lieu et que la démocratie sera installée. Nous pourrons à nouveau manger à l'aise alors. Quelle farce. Et puis chez eux, il y aura aussi une génération sacrifiée de garçons, beaucoup de ceux âgés entre 12 et 18 ans sont enrôlés de force dans l'armée pour aller se battre dans un pays voisin. C'est vrai qu'à cet âge-là, il y a moins de chance qu'ils meurent du sida. Voilà donc un exemple de ravages de cette lèpre sociale : le rejet de l'autre dans sa différence.

Ne perdons cependant pas l'espoir, Jésus vient abattre les frontières, les barrières que nous avons construites. Face à l'exclu de son temps, le Christ tisse notre humanité avec le fil de l'amour. Il va au-delà des préjugés de son époque, il se laisse rencontrer par un rejeté et mieux encore : il étendit la main et le toucha. Puissions-nous aussi, à l'exemple de Jésus, partir à la rencontre de celles et ceux que nous avons nous-mêmes enfermer dans des catégories d'exclusion pour apprendre à les découvrir, les apprécier ou mieux encore les aimer. Si nous y arrivons, alors notre foi nous aura transformer.

Amen.