C’est la descente aux enfers. Jésus va rejoindre les hommes au plus profond de leur misère. Il avait tout d’abord guéri la belle-mère de Pierre. Cela restait dans le cadre familial. Il a ensuite guéri des hommes et des femmes posédés par des esprits mauvais. Cela restait des maladies tristes et affligeantes, mais pas dégradantes. Aujourd’hui, c’est un lépreux que Jésus guérit. On a du mal à imaginer toute la répulsion que peut provoquer la vue d’un lépreux. Ce sont des membres amputés par la maladie : des mains sans doigt, des pieds sans orteil. Ce sont surtout des visges totalement défigurés, le masque de la mort sur des êtres vivants. Partout sur la terre, à toutes les époques, il y a eu un mouvement universel de répulsion à l’égard des lépreux ; tous, toujours, partout, ils ont été mis à l’écart. Certains noms de lieu rappellent les endroit soù les lépreux étaient aprqués jusqu’à la mort : ce sont les ladreries ou encore les maladreries.
Il a fallu un père Damien pour qu’on commence à s’occuper d’eux. Il a fallu un Raoul Follereau pour que le monde commence à les soigner. Raoul Follereau les touchait, les embrassait, manifestant ainsi qu’ils n’étaient pas immédiatement contagieux. Et nous, nous sommes tous les lépreux de quelqu’un. Nous avons tous été pendant un moment plus ou moins long le lépreux de notre voisin, de notre frère, de notre conjoint : « Oh ! tu es encore et toujours dans le chemin. Avec toi, la maison n’est jamais assez grande » : tel est le cri que l’on entend parfois, même dans les couples les plus unis. On est tous à un moment ou à un autre le lépreux de quelqu’un. Cela peut être dû à certaines maladresses que l’on a pu commettre. Cela peut être dû à la méfiance de l’entourage dans lequel on est brutalement plongé. Et nous pouvons songer aux étrangers qui vivent au milieu de nous. Ils sont parflois blessés par la réaction violente de certains d’entre nous, agacés parce qu’ils ne font comme nous, alors qu’on a toujours fait comme cela. Et cela peut être une première leçon à retenir de cet Evangile : dans quelle mesure sommes-nous accueillants, patients avec ces étrangers venus d’ailleurs et vivant parmi nous ? Comment accueillons-nous ces hommes et ces femmes que Dieu nous envoie, que Dieu nous offre sur notre chemin ? Seront-ils des lépreux que nous rejetons, ou des missionnaires, des porteurs de Dieu que nous accueillons ?
Mais il y a pire encore : l’Evangile parle d’un lépreux, l’Evangile nous parle d’un corps en décomposition. Et cela me fait penser à un roman de Dostoïevsky, Crime et Châtiment. Le héros principal rencontre une jeune femme prostituée, qui livre son corps pour pouvoir soutenir financièrement sa famille. Le héros monte dans la chambre de la jeune femme. Il voit sur la table de chevet un livre : c’est la Bible. Ce livre est ouvert. Il offre une page de l’Evangile selon saint Jean. Le héros pousse la cruauté à exiger que la jeune fille lise cette page. C’est la résurrection de Lazare et la prostituée lit la protestation effarée de Marthe, la sœur de Lazare, quand Jésus demande qu’on roule la pierre et qu’on ouvre le tombeau : « mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là ! » Ici, comme là, Jésus nous rejoint dans nos plus profondes turpitudes, que ce soit celles de la solitude, du désespoir ou de l’échec. Dieux va à notre recherche là où nous sommes et nous ne sommes jamais trop loin pour lui. Il nous guérit. Nous pouvons alors aller vers les autres, tout rayonnant de cette grâce de son amour infini. Plus de lèpre, plus rien d ‘autre que la grâce de la résurrection.
Offrons-nous, frères et sœurs, cette grâce de la guérison, même à celui qui nous paraît bien lépreux, car nous avons tous telleemnt besoin de la grâce de Dieu.