Dédicace de la Basilique du Latran

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 9/11/14
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2013-2014


Il y a déjà quelques années, des novices dominicains visitaient une cathédrale. Dans ce groupe, il y en avait deux qui étaient particulièrement très pieux. En arrivant dans ce bel édifice, ils cherchaient un lieu pour se recueillir et méditer du mystère de la vie. Après avoir quelque peu déambulés, ils découvrirent une crypte. Ne trouvant pas l’interrupteur et leurs yeux s’étant habitués à la lumière, ils virent au fond de celle-ci, une petite lumière rouge. En bons novices dominicains, ils s’agenouillèrent devant ce qui devait être le tabernacle et prirent le temps de prier. Etant spirituellement rassasiés de ce moment d’intimité divine, ils décidèrent de rejoindre leurs autres co-novices qui étaient restés dans la nef centrale. En sortant de la crypte, par hasard, l’un des deux trouva l’interrupteur et alluma la pièce. Avec stupeur, ils virent qu’ils venaient de faire leur méditation non pas devant un tabernacle mais bien devant la chaudière. La petite lumière rouge était celle du brûleur.

Si je me permets de vous raconter cette histoire réelle, c’est parce qu’elle dit quelque chose de notre inconsistance de croyants catholiques. Lorsque nous visitons des églises, nous savons que celle-ci est de notre confession lorsque nous découvrons la petite lumière rouge indiquant le tabernacle. Or si nous étions consistants avec nous-mêmes, nous devrions porter une telle lumière sur nous puisque, selon saint Paul, le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est nous. Evidemment, matériellement, il ne nous est pas possible de nous balader avec une lumière en permanence. Et pourtant, pourtant, nous devrions avoir le sentiment que celle-ci est toujours à nos côtés si nous prenons au sérieux les mots de l’apôtre : « N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ». Oui, nous sommes aujourd’hui encore les tabernacles vivant de notre Dieu au cœur de notre humanité. Telle est notre responsabilité. Et c’est à cet endroit précis que le Christ vient mettre un peu d’ordre. Avec tendresse et force, il vient nous désencombrer de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes afin que nous puissions, ainsi libérés, nous rendre plus disponibles à ce que Dieu attend de chacune et chacun de nous. Le Christ vient chasser en nous tout ce qui ne nous permet plus d’être ajustés à la volonté divine. Nos églises ne sont donc pas le seul et unique lieu de l’expression de notre foi. Elles sont des espaces qui nous permettent de nous rassembler, de méditer, de partager cette foi qui nous fait vivre. Elles sont donc un lieu de la foi mais peut-être pas le lieu de la foi par excellence puisque l’histoire nous a montré qu’à différentes époques ces bâtisses ont été saccagées, profanées, détruites. Ici à Liège, nous en avons pour preuve la destruction de la cathédrale saint Lambert, il y a un peu plus de deux siècles. Toutefois, il est un lieu de foi qu’il n’est pas possible de détruire, c’est celui qui est en nous, ce temple de Dieu qui nous constitue et où l’Esprit Saint a choisi d’y construire sa propre demeure. Etre temple de Dieu, c'est reconnaître qu'il y a en chacune et chacun de nous quelque chose de sacré, c'est-à-dire quelque chose qui nous dépasse et qui va bien au-delà de nous. En tant que temple de Dieu, tout sacré que nous soyons, nous portons en nous une part de Dieu qui est plus grand que nous. Dieu prend donc à ce point son humanité au sérieux qu'il choisit de venir résider en nous. Nous avons de la valeur à ses yeux. Cela peut sembler bien prétentieux de se dire que nous sommes « temple » de Dieu. Toutefois, ce n'est pas nous qui nous sommes octroyés un tel titre, c'est un apôtre qui nous l'affirme. Nous sommes « temple » de Dieu car nous sommes toutes et tous des êtres sacrés. Tant dans notre corps que dans notre âme. En tant que temple de Dieu, c'est notre être tout entier qui est sacré. Puissions-nous ne pas trahir cette réalité qui nous a été donnée et permettre ainsi à Dieu de continuer de nous façonner chaque jour un peu plus dans la vérité de nos relations afin de devenir sacrement de Dieu sur terre, c'est-à-dire signe visible de sa présence au cœur de notre humanité. De la sorte, être « temple » de Dieu n'est plus un titre honorifique mais un état de vie, un état de foi.

Amen