Deuxième dimanche ordinaire (B)

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 14/01/18
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

« Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kepha, ce qui veut dire pierre » (Jn 1, 42) Dans la Bible, certains personnages changent de nom, comme Saul qui devient Paul.  Et le nom dans la Bible est quelque chose de très important puisque cela indique une nouvelle mission.  Simon devient pierre parce que « sur cette pierre je bâtirai mon Eglise », dit le Seigneur.  Et l’ange dit à Marie que son fils s’appellera Jésus, ce qui veut Dieu sauve. 

            Il y a aussi dans l’histoire de l’Eglise des personnages qui ont changé de  nom et qui ont ainsi manifesté la nouvelle mission qu’ils allaient assumer.  Il en est ainsi d’Ignace, l’évêque d’Antioche.  Vers 110, il est condamné par les autorités romaines à participer aux jeux du cirque à Rome et d’y être livré aux bêtes, c’est-à-dire dévoré par elles.  Et c’est pendant son transfert d’Antioche à Rome qu’il écrit sept lettres à différentes communautés chrétiennes d’Asie.  Ces lettres sont bouleversantes parce que normalement nous avons le récit de certains martyres, mais ce sont des témoins extérieurs qui écrivent ces récits.  Ici, c’est le martyre lui-même qui parle en ayant devant le yeux le circonstances épouvantables de sa mort : manger par les lions.  Et c’est la peur au ventre qu’il encourage les chrétiens à rester fidèles au Christ et à leur évêque.  Ignace est un peu dans la même position qu’un homme qui vient d’apprendre qu’il est condamné par un cancer incurable et qu’il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre.  Et quelle est la réaction de cette personne ? Tout d’abord, c’est l’incompréhension, l’abasourdissement : « comment ? C’est incroyable.  Ce n’est pas possible ».  Ensuite, c’est la révolte : « non pas moi ! Pourquoi est-ce que je dois mourir ? Ce n’est pas juste ».  Enfin, c’est l’acceptation résignée : « eh bien ! Tant pis ! Puisqu’il le faut, mourons ».  Ignace a sans doute connu ces différentes étapes, mais il va plus loin encore : il ne veut pas être victime de cette condamnation injuste et cruelle, il veut en être l’acteur.  Oui, cette mort qu’on lui impose,  non seulement il l’accepte, mais il la veut, non pas dans une envie de suicide, mais dans une volonté d’imiter le Christ jusqu’au bout.  De même que le Christ n’est pas mort de vieillesse ou de maladie, ni par accident, mais tué de façon cruelle par une décision injuste et brutale, de même Ignace veut mourir comme le Christ de façon à être entièrement avec lui et près de lui.  Et c’est ce que nous faisons dans la vie de tous les jours.  Quand nous sommes confrontés à une situation difficile, nous nous demandons ce que le Christ a fait dans une telle situation ou ce qu’il aurait fait s’il était à notre place.

Et pour manifester sa volonté d’imiter parfaitement le Christ, Ignace change de nom.  Au début de chacune de ses lettres, il s’appelle théophore, c’est-à-dire porteur de Dieu.  C’est son nouveau nom ou son surnom.  Un surnom, c’est quoi, si ce n’est une caractéristique unique qui permet d’identifier immédiatement une personne.  C’est le rouquin, ou c’est celui qui a gagné au loto, ou c’est celui qui répète toujours vingt fois la même chose.  Bref c’est une caractéristique unique qui permet d’identifier immédiatement une personne.  Et Ignace, c’est maintenant le théophore, le porteur de Dieu.  Et on peut voir cela chez certains croyants qui ont comme en eux cette façon de voir le monde et les autres avec cette même bienveillance lucide.  Ils sont conscients des faiblesses de leur entourage, mais ils ne l’accablent pas, parce qu’ils savent qu’il y quelque chose de plus grand et de plus beau dans le cœur de chacun.  C’est Dieu.  Oui, nous sommes tous porteurs de Dieu.  Nous portons tous en notre cœur la trace des doigts de Dieu parce que Dieu nous a façonnés.  C’est comme sur une porterie : on peut voir la trace des doigts du potier sur la surface de la poterie.  Mais c’est aussi parce que nous avons été baptisés et que nous portons dans notre cœur la marque du baptême et que nous avons ainsi reçu l’Esprit Saint.  Mais c’est aussi parce que nous sommes ici en prière et prêts à recevoir l’Eucharistie, prêts à nous laisser peu à peu remplir par la grâce de Dieu et de l’Esprit Saint.  C’est à nous à nous laisser remplir de la lumière de son amour pour chacun d’entre nous afin d’être partout où nous sommes porteurs de Dieu, illuminés par sa tendresse. 

Tel est notre nouveau nom, telle est notre nouvelle mission : être porteur de Dieu.