Dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

CORPS DISPARU…CORPS EUCHARISTIQUE…CORPS COMMUNAUTÉ

La Bonne Nouvelle qui a jadis donné naissance à l’Eglise, qui aujourd’hui nous rassemble dans la joie et qui doit être proclamée demain et jusqu’à la fin des siècles pour sauver l’humanité est celle-ci : « JESUS CRUCIFIE EST RESSUSCITE ».

Cette nouvelle est stupéfiante pour nous, inadmissible pour des multitudes. Si un faussaire l’avait inventée, on imagine la foule des arguments, les images époustouflantes qu’il aurait utilisées pour tenter de prouver son affirmation. Chez Marc au contraire quelle sobriété ! 8 versets seulement et se concluant sur un curieux silence ! C’est pourquoi très vite on a ajouté à cette fin subite un résumé des apparitions racontées dans les autres évangiles mais les versets suivants, 9 à 20, ne sont pas de Marc.

Méditons ces quelques lignes qui ont paru suffisantes à notre auteur.

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes.

Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. (FIN)

D’abord ce fait était absolument inimaginable pour les premiers disciples. Les hommes, Pierre et les autres, s’étaient enfuis lorsqu’on était venu arrêter Jésus à Gethsémani et ils se terraient on ne sait où. Seules quelques femmes avaient osé rester : Marie-Madeleine et ses compagnes étaient déjà disciples de Jésus en Galilée et elles l’avaient accompagné dans sa montée à Jérusalem (15, 41); au calvaire, elles avaient vu Jésus mourir sur la croix (15, 40) ; ensuite elles avaient vu Joseph d’Arimathée descendre le corps du gibet, le glisser dans une tombe et rouler la pierre (15, 47).

Après l’arrêt de la journée du shabbat, elles « cherchent Jésus de Nazareth le crucifié » et elles viennent à la tombe avec des onguents dans l’intention d’accomplir l’onction qui n’avait pu se faire après la mort. Ces femmes sont donc témoins oculaires du drame : Jésus est bien mort.

La résurrection se découvre en cherchant un Jésus que l’on aime et qui a été crucifié.

La tombe est ouverte et vide : le cadavre a disparu. Cela ne prouve absolument rien car on peut présumer que des disciples, pendant la nuit, sont venus le subtiliser pour l’enterrer dans le désert.

Au lieu de voir Jésus mort, elles voient (Marc emploie un autre verbe) un messager divin mais surtout elles l’entendent : elles venaient voir un cadavre et elles perçoivent un message. Pour Marc, la Résurrection n’est pas une expérience mystique, une extase mais, au creux du silence de mort, l’annonce d’une nouvelle incroyable. Avant, Jésus était vu : maintenant il est dit, proclamé. Les femmes n’exigent plus de voir : elles reçoivent mission d’être les apôtres (messagères) des apôtres hommes. Ceux-ci doivent accepter d’entendre par les femmes la Parole qui porte la vie.

N’est-ce pas normal dès lors qu’au contraire des synagogues et des mosquées qui ne rassemblent que des hommes, les églises chrétiennes soient en majorité fréquentées par les femmes ?

« Il vous précède en Galilée : là vous le verrez comme il l’a dit ». Il faut croire les femmes sur parole puis courir au rendez-vous que Jésus avait fixé : en Galilée c.à.d. là même où l’aventure Jésus avait débuté.

Et, surprise totale de la fin de l’évangile, les femmes n’obéissent pas à l’ordre de Dieu ! Ecrasées, bouleversées, sidérées, elles sont incapables de dire : « Jésus est ressuscité » !

Certes elles surmonteront leur peur et parleront – sinon Jésus serait oublié et Marc n’aurait pas écrit son évangile – mais il n’est pas simple d’annoncer la résurrection. Nous-mêmes qui aimons tant raconter nos voyages, les spectacles auxquels nous avons assisté, les films que nous avons vus…sommes-nous capables, demain, de transmettre ce que la fête de Pâques nous a affirmé : « Jésus crucifié est ressuscité » ? Or il s’agit de la nouvelle la plus essentielle de l’histoire  

Marc ose terminer son livre sur ce silence. Dès lors il ne reste plus au lecteur qu’à « aller en Galilée », non y faire un pèlerinage (il n’y a plus rien à voir) mais retourner à la première page de l’évangile où tout a commencé. C’est en reparcourant la vie de Jésus et en méditant ses paroles et ses actions, que nous pourrons comprendre la fin. Puisque les hommes refusaient le changement de vie qu’il exigeait pour que vienne le royaume de Dieu, il ne pouvait que se heurter à l’hostilité et à la haine. La croix n’était pas une fatalité imposée par le destin mais la conséquence du NON des hommes à Dieu et à son Fils. Et parce qu’il a accompli sa mission jusqu’au paroxysme de la souffrance et de l’amour, il devait être mis à mort par les hommes et être ressuscité par son Père.

Bref l’évangile de Pâques ne s’ouvre pas quand nous fermons l’évangile: au contraire la résurrection nous renvoie au commencement, à nouveau à la suite de Jésus, sur le chemin des disciples. C’est en tentant de vivre selon l’Evangile que nous découvrirons Jésus vivant.

Enfin plus précisément la finale de Marc termine le récit de la Passion qui commence avec le chapitre 14. Or ce récit débute par deux actions capitales.

D’abord une femme a versé un parfum sur la tête de Jésus attablé chez un pharisien et Jésus a justifié cet acte fou : « D’avance elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement » (14, 8). C’est pourquoi, après sa mort, le corps n’a pas reçu d’onction : la pécheresse, au nom de tous les pécheurs, avait déjà oint celui qui, par sa miséricorde, allait devenir Roi de l’humanité pardonnée.

Et ensuite, Marc a raconté l’ultime repas de Jésus avec les siens : « Il prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit : « Prenez : ceci est mon corps ». Puis il prit un coupe, la leur donna …et leur dit : « Ceci est mon sang de l’Alliance, versé pour la multitude » (14, 22-25). Parce que ce corps était consacré puis donné aux disciples, il ne pouvait être retenu dans l’antre de la mort.

Notre rencontre du Ressuscité, selon Marc, se réalise en relisant sa vie écrite dans l’Evangile et en partageant son Corps – c.à.d. en prenant part à l’Eucharistie du dimanche.

Car Marc insiste sur l’importance de ce jour : « Le shabbat fut passé…De grand matin, le premier jour de la semaine…le soleil étant déjà levé », les femmes vont découvrir la Résurrection. Or, dès le début, évoquant le mystère de la création, la Bible avait raconté que « le premier jour » Dieu avait créé la Lumière (Gen 1,3). Quelle était cette lumière alors que le soleil et les astres n’étaient pas encore apparus ? … Les rabbins expliquaient que cette Lumière mystérieuse, créée puis évanouie, était celle du Messie que Dieu enverrait un jour pour illuminer l’humanité égarée dans les ténèbres du péché.

C’est pourquoi les premiers disciples tout de suite ont fait du 1er jour de la semaine (car le shabbat est le 7ème et dernier) le grand jour de fête où les croyants se rassemblent pour lire la vie de Jésus depuis la Galilée, manger son Corps et devenir son Corps. Ils l’appelèrent « jour du Seigneur » - en latin « domenica » qui donna notre mot « dimanche » et qui fut, pendant plus de 2 siècles, la seule fête que les disciples célébraient (ce n’est que plus tard que l’on inventa le cycle annuel)

 Convertis à l’enseignement de Jésus, soucieux des pauvres et des malades, en butte comme lui à la persécution et obligés de porter leur croix, ils n’allaient plus au tombeau de Jérusalem et ne demandaient plus d’apparitions : leur assemblée fraternelle et réconciliée était l’apparition, imparfaite mais réelle, du CORPS DE JESUS VIVANT.

Nous avons encore à l’être aujourd’hui. ALLELUIA.