Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Mt 2:1-12

Pendant des siècles, les Evangiles ont été lus de façon simple, ils étaient crus au premier degré. Avec l'esprit critique, l'interrogation historique s'est acérée et l'homme moderne se demande toujours "si cela s'est bien passé comme c'est écrit ?" Ainsi la T.V. vient de nous présenter un documentaire qui scrutait la "réalité" de l'histoire des mages que nous fêtons aujourd'hui. Trop de croyants sont déstabilisés et craignent d'avoir été victimes de superstitions. Or la critique moderne nous conduit à une lecture vraie.

Il importe tout d'abord de revenir au texte original et d'éliminer les traits légendaires qui s'y sont ajoutés : Matthieu ne parle pas de "rois", ne précise ni leur nombre ni leur nom, n'évoque pas un impressionnant cortège de chameaux avec soldats et esclaves. Tout cela fait partie de la légende.

Ensuite il faut essayer de comprendre le sens profond de ce récit et voir comment il nous atteint. A quoi servirait de trouver la date de l'apparition de cette mystérieuse étoile si moi, aujourd'hui, je ne découvre pas l'étoile qui est le Christ de mon existence ? Pour actualiser le texte, on peut le lire comme une illustration du grand problème - très moderne - des rapports de la raison et de la foi.

LE GRAND LIVRE DE LA NATURE

Les mages ne sont pas des rois mais les savants de l'époque. En Mésopotamie, en Arabie comme en Egypte et en Grèce, il y avait des observateurs qui scrutaient le ciel pour y déceler les messages des dieux et comprendre les signes avertisseurs de l'avenir. Tous les grands événements (fondation d'une ville nouvelle, déclaration de guerre, naissance du prince héritier) devaient être référés au ciel afin que tout se déroule selon la volonté des dieux. Et la majesté des astres en faisaient des dieux que l'on adorait. Depuis longtemps, nous avons appris à séparer astronomie et astrologie, recherche scientifique et divination hasardeuse. Une nuée de savants scrutent le ciel avec l'aide d'extraordinaires moyens techniques : grâce aux télescopes géants et aux navettes spatiales, nous pénétrons de plus en plus profondément dans les secrets du monde, nous remontons jusqu'aux origines de l'univers. Pour les croyants, ces découvertes provoquent la reconnaissance d'un Dieu Créateur et conduisent à l'adoration émerveillée. "Les cieux racontent la Gloire de Dieu ; le firmament proclame l'½uvre de ses mains" (psaume 18)

Mais l'univers continue de poser la question de son sens pour nous. Il ne suffit pas de préciser son âge et de percer ses lois : nous avons besoin de nous tourner vers l'avenir.

Où allons-nous ? L'histoire n'est-elle qu'"une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien" ( Shakespeare) ? Sommes-nous enfermés dans l'éternel retour des choses, condamnés à accepter la loi de la jungle, la victoire des puissants ? Devons-nous nous résigner à l'injustice régnante, à l'écrasement des plus faibles en attendant la chute dans le néant ?

La tyrannie du mal et l'obscurité de l'avenir posent des questions auxquelles il est impératif de répondre. Y a-t-il ou non une clarté dans notre nuit ? Où trouver la réponse ?

Bref LE LIVRE DE LA NATURE nous émerveille et nous intrigue : nous restons "à sauver" et demain que serons-nous ?...Aucun astre, aucun soleil, aucune science ne peut nous sauver. Donc la raison doit aller outre. Il est raisonnable d'aller au-delà des calculs. Là est la première audace des mages : ils ont compris que la solution du mystère n'apparaîtrait jamais au bout de leurs lunettes. Il fallait quitter leur observatoire et se mettre en recherche. Vers quoi ?

Vers le peuple qui détenait un AUTRE LIVRE.

LE GRAND LIVRE DE L'ESPERANCE.

Les pyramides égyptiennes, la philosophie et l'art grecs n'apportant pas la solution à leur inquiétude, les voyageurs se dirigèrent vers un petit peuple, Israël, qui présente au monde un livre unique : la Bible. Plus que les archives d'une nation, elle est fondamentalement le livre de l' espérance. Toute tournée vers le futur, elle révèle qu'il n'y a qu'un monde, qu'un Dieu, qu'un avenir. Donc que nous ne tournons pas en rond dans une cage.

L'histoire, dit la Bible, est le déroulement d'un projet du Créateur, elle est histoire du salut. L'humanité sera sauvée, c'est-à-dire libérée de son mal et conduite à son accomplissement par un Roi que Dieu désignera et couronnera. On l'appelle le MESSIE, le CHRIST, le SAUVEUR.

Les mages se rendent donc à Jérusalem, la capitale d'Israël, persuadés que le Messie est là. Or il ne se trouve ni au palais ni au temple. Mais un ancien prophète a dit jadis qu'il naîtrait à Bethléem, un petit village de Judée. Les théologiens transmettent cet oracle aux mages...mais au lieu de les accompagner vers cet endroit, ils restent enfermés dans leurs palais, leurs liturgies et leurs études. On peut être un bon exégète et refuser de suivre les indications du texte !

Les mages, pugnaces, persévérants, reprennent seuls la route et effectivement ils découvrent à Bethléem un nouveau-né. Le Roi du monde n'est pas né dans un palais, ne repose pas dans un berceau luxueux : il n'est qu'un fils d'artisan, endormi dans un logis tout simple. Nouvelle audace des mages : ils osent CROIRE. Ils sont convaincus : c'est bien lui, Messie aussi pour les païens ! Ils reconnaissent la vérité de cet enfant pauvre : ils lui offrent leurs cadeaux en signe de reconnaissance et d'adoration. Cette découverte du Christ change les c½urs, elle modifie la vie, elle pousse à prendre d'autres routes ; c'est pourquoi S. Matthieu termine son histoire en disant : Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin

La RAISON et la FOI ne sont donc pas ennemies ; au contraire elles sont comme "les deux ailes" (Jean-Paul II repris par Benoît XVI) qui permettent d'assurer le voyage et d'aboutir à la découverte adorante du Seigneur. Devant Jésus le pauvre, science et Evangile se rejoignent. Sans la foi la raison resterait aveugle ; sans la raison, la foi tomberait dans la superstition.

ACTUALITE DE L'EPIPHANIE

Voyons comment l'aventure des mages est "vraie" lorsqu'elle devient notre histoire. Perdus dans l'immensité de l'univers, nous sommes émerveillés parce qu'il nous révèle la Grandeur et la Splendeur de Dieu. Et nous admirons le travail prodigieux des savants, l'audace des cosmonautes. Mais plus les découvertes progressent, plus l'énigme s'aiguise : quel est le sens de cette aventure cosmique et humaine ? Le laboratoire appelle à un oratoire. Où est la lumière ? Où est la vérité que notre c½ur pressent ? Chercher. Ouvrir le Livre de la Révélation : " Jésus dit : Je suis la Lumière du monde". Et nous mettre en route. Ne pas seulement étudier et connaître les Ecritures mais se laisser mobiliser par elles. Abandonner un Dieu de Puissance pour reconnaître un Dieu petit, faible, pauvre. Au lieu de chercher à s'enrichir, ouvrir son c½ur et ses mains. Offrir son or ( partage ) ; offrir l'encens ( élan de prière et d'adoration ) ; offrir la myrrhe ( aromate pour ensevelir les défunts - càd. accepter la mort par amour) Et ainsi se convertir, modifier sa façon de vivre, prendre un autre chemin. Devenir soi-même pour les autres non une "star" mais "une flamme" qui témoigne doucement de la vérité. Car la chose essentielle qui manque aux hommes, c'est l' ESPERANCE. Prenons la route 09 et suivons l'Etoile.