Fête de la Pentecôte

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Vivant au c½ur de l'Europe nous souffrons quotidiennement de la barrière des langues et le miracle de la Pentecôte nous fait rêver. J'aimerais saluer mes frères avec humour au petit déjeuner, être sûr d'avoir vraiment compris ce qu'ils m'ont dit, pouvoir leur expliquer avec nuances mon point de vue, partager leur culture... Pouvoir franchir les barrières linguistiques ! Que chacun s'exprime dans sa langue maternelle et que tous l'entendent aussi dans leur propre langue, fidèlement et en simultané, nous en connaissons l'avant-goût dans les rencontres internationales mais c'est encore un gros travail et la fête de Pentecôte se présente comme un horizon où le ciel et la terre se rejoignent.

Alors que nous pouvons désespérer parce que l'Europe à 27 est lourde et que « l'unité dans la diversité » ne signifie pas toujours souplesse et harmonie, fêter la Pentecôte, c'est s'inscrire dans un élan, prendre force et inspiration pour trouver un nouveau souffle et vivre l'enthousiasme d'un grand projet qui ne soit pas seulement humain mais le projet de Dieu ! Il y a deux mille ans, personne n'aurait osé rêver ce que nous vivons aujourd'hui. Mais Dieu rêvait déjà, pour nous et avec nous et il rêve encore beaucoup mieux.

Si la Pentecôte nous rappelle un évènement passé, elle est plus encore un processus, un incendie qu'une étincelle a allumé un jour en Palestine et qui se répand progressivement sur tous les continents. Déjà dans les Actes des Apôtres, la Pentecôte se déroule en trois étapes : à Jérusalem, entre Juifs de différentes langues, puis en Galilée avec les Samaritains, enfin chez les nations païennes. On pourrait dire qu'elle s'étend depuis la communion entre nous, jusqu'à l'½cuménisme et enfin le dialogue inter religieux et inter convictionnel.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre d'un Souffle qui permet de surmonter la tentation du communautarisme fermé, bien sûr mais aussi la tentation permanente d'une fausse unité, celle qui ne respecte pas la diversité. Le mythe de la tour de Babel nous montre le risque permanent d'une uniformité brutale qui écrase les individus dans un projet prométhéen où l'orgueil et le désir de puissance échoue à rejoindre le ciel et sombre dans la folie. Des tours gigantesques se construisent partout. Le bruit assourdissant des armes, le jargon informatique, le langage des chiffres et de l'argent n'ont pas besoin de traduction.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre d'un Esprit qui n'est pas celui de la domination mais celui de l'amitié, de la solidarité et de la communion. L'Esprit de liberté relativise les règlements pour mettre l'homme, le prochain, au c½ur des préoccupations : les pauvres, les faibles, les enfants, les vieillards, les cultures dominées.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre les béatitudes comme un vrai bonheur, la pauvreté, la pureté, la douceur, la paix, la justice, la vérité et le pardon, dans le regard du Ressuscité.

Vivre la Pentecôte, dans un monde désenchanté, c'est l'émerveillement sans cesse renouvelé de la présence de Dieu en nous, frères ennemis réconciliés, différents et semblables, ensemble responsables d'une belle planète bleue, acteurs d'un avenir commun pour les prochaines générations.

Vivre la Pentecôte, c'est l'ivresse sans alcool, l'enthousiasme sans fanatisme, l'absolu sans aucune drogue, la confiance et la réciprocité. C'est la vie de Dieu versée à profusion dans notre c½ur, l'amour plus fort que la mort, la vie libérée de la peur.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre l'Alliance scellée en Jésus Christ, l'amour définitif, offert sans retour. C'est être tous poètes pour le célébrer, artistes, enfants de Dieu, créateurs à l'image et ressemblance du Créateur.

La Pentecôte, le feu qui prend à la baraque parce que la communauté initiale n'est pas un refuge mais un tremplin ; c'est être descellés de l'origine, propulsés à l'extérieur, envoyés. La Pentecôte nous fait prophètes de grand vent, sans besoin de censure ni de contrôle, accordés de l'intérieur

Vivre la Pentecôte, c'est avoir tout donné, n'avoir plus rien à perdre, tout à offrir, à proposer, parce que la faiblesse de Dieu est plus forte que le monde et que seule la pauvreté peut désarmer les puissants. C'est faire le pas d'aller de l'avant, à la rencontre du différent, pour le découvrir et le valoriser. C'est être sel de la terre, lumière du monde, révélateur de la beauté, du goût, de la saveur, de la joie, de vivre et d'aimer. C'est vivre debout, pour la gloire de Dieu !