Pendant des siècles, les prophètes hébreux ont livré un combat sans merci pour convaincre leurs compatriotes, tentés par l'idolâtrie, qu'il n'y a qu'un seul Dieu. A l'encontre de toutes les nations voisines qui rendaient un culte à de multiples divinités, Israël confesse : " ECOUTE ISRAEL : LE SEIGNEUR NOTRE DIEU EST LE SEIGNEUR UN" ( Deutér. 6, 4). A la suite de ses ancêtres, et comme ses parents, et comme les apôtres, Jésus a dit cette prière (appelée le SHEMAH), matin et soir, tous les jours de sa vie. Et à quelques heures de sa mort, lorsqu'un théologien lui demanda quel était le plus grand commandement de la loi, il répondit en la citant. Toutefois, alors que le peuple avait appris, par respect, à ne plus prononcer le Nom sacré, Jésus, lui, confia à ses amis le secret de sa prière. Il parlait à Dieu en disant " PERE...". Et il les autorisa même à prier de la même façon : "Notre Père..."
JESUS EST PLUS QU'UN PROPHETE : LE FILS
Or un jour, à la veille de la Pâque, Jésus fut exécuté sur une croix. Mais un événement inouï, inattendu, survint peu après : Jésus revint vers ses disciples ! Il était transfiguré, le même et tout autre, ressuscité, vivant de la Vie même de Dieu. Et après avoir disparu à leurs yeux, il leur envoya ce qu'il leur avait promis, ce que Dieu lui-même avait annoncé bien des siècles auparavant ( Ezéchiel 36, 25...)
" ...Je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le c½ur de pierre et je vous donnerai un c½ur de chair. Je mettrai en vous mon propre ESPRIT ; je vous ferai marcher selon mes lois, vous serez mon peuple et je serai votre Dieu"
Ce don de l'Esprit de Dieu opéra la transformation radicale de ces hommes et de ces femmes. Eux qui, longtemps, n'avaient vu en Jésus qu'un sage, un prophète, à présent ils étaient obligés de scruter bien plus profondément sa personnalité. Ils le découvraient comme le Sauveur, un Messie de niveau surnaturel, quelqu'un qui partage la Gloire de Dieu, que l'on peut et que l'on doit appeler SEIGNEUR au même titre que son Père. Jésus est bien son FILS !
L'ESPRIT DE DIEU : QUELQU'UN
Après le mystère Jésus, une seconde interrogation tarauda les premiers disciples : quel est donc cet Esprit qu'ils avaient reçu et qui les transportait à ce point ? On pouvait voir en cet Esprit une énergie divine animant les communautés. Mais à la fin de l'Evangile de Matthieu, lorsque Jésus ressuscité fait ses adieux aux disciples, il leur dit :
" Allez ! de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" ( Matth 28).
C'est surtout dans l'évangile de S. Jean, que l'Esprit va transparaître dans sa personnalité. Le grand discours d'adieu de Jésus (chapitres 13 à 17) contient 5 Promesses de l'Esprit. Jésus l'appelle le Paraclet, c'est-à-dire l'avocat, l'Esprit de Vérité - en grec "le pneuma", qui est un mot au neutre...mais il précise : " Il vous enseignera toutes choses, Il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit... il témoignera de Moi... Il confondra le monde..." Et, dans le petit passage qui est proclamé aujourd'hui dans la liturgie :
" L'Esprit de Vérité vous fera accéder à la Vérité tout entière car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra et il vous communiquera ce qui doit venir. Il me glorifiera..."( 16, 13...).
Dans tous ces passages, IL est au masculin. Le "pneuma" n'est pas une force impersonnelle mais bien quelqu'un - quelqu'un qui parle, qui enseigne, qui témoigne...
IL N'Y A QU'UN DIEU : PERE ...FILS ...ESPRIT
En finale de ce parcours, les premiers disciples devaient bien en conclure que si Dieu est UN, il faut en même temps, pour être fidèle à la révélation reçue de Jésus, confesser qu'il est PERE ET FILS ET ESPRIT. Ce dogme, beaucoup de chrétiens n'en voient pas l'importance. Ils acceptent ce mot abstrait qui fait partie de l'héritage du catéchisme de leur enfance. Ils ne voient pas comment "trois égalent Un " !!???. Ce jour de fête de la Trinité justement est l'occasion de se pencher sur ce Mystère qui est bien le c½ur de la foi chrétienne.
Si Dieu n'est que Dieu, il peut demeurer tellement lointain qu'on le laisse au-delà des nuages, dans un monde qui ne nous concerne pas. Ou on le perçoit comme une Puissance gigantesque capable de galvaniser les armées, de susciter des terroristes et on tombe, comme on le voit ces temps-ci, dans l'intolérance et le fanatisme. Ou Dieu serait un Juge impitoyable, un ½il inscrit dans un triangle.
Si Jésus n'est qu'un homme, un leader, un prophète, il reste une figure admirable, un révolutionnaire qui, comme d'autres, a voulu libérer les masses misérables et a été abattu ; son Discours sur la Montagne devient un manifeste humanitaire, le programme des Camarades.
Et par ailleurs, si l'Esprit n'est qu'un fluide subtil et mielleux, qui inspire de grandes envolées poétiques, éveille le sens du sacré, le goût du silence et de la méditation nombriliste, on est en plein NOUVEL AGE. On étiquette "spiritualité" l'évasion dans la sphère éthérée, les rêves de bonheur utopique, le transport dans l'univers fusionnel .
Abandonnons ces caricatures. Dieu est PERE qui donne la Vie. Jésus est LE FILS PREMIER NÉ qui nous modèle à son image ... à condition que nous le suivions sur le chemin du Golgotha. Et l'ESPRIT est Celui qui nous fait entrer dans le message de Jésus, qui nous le fait vivre ; il ne vient que de son c½ur transpercé et il nous rend enfants de Dieu, libres pour aimer. Dire que Père, Fils et Esprit ne sont qu'UN, c'est dire que Dieu est Amour. Non pas d'abord parce qu'il nous aime. Mais parce qu'il est, en lui-même, relations éternellement amoureuses. Dieu n'est pas solitude glacée, puissance imperturbable, chiffre de la Transcendance abstraite. Il est "communion" de personnes, échanges sans retenue ni intermittences, sans envie ni jalousie. La TRINITE n'est pas une invention théologique, un puzzle pour philosophes, une absurdité arithmétique. Elle est ce que nous sommes appelés à être : non plus des monades qui confrontent leurs ambitions, des individus enfermés dans leur ego, mais des "personnes" qui, comme le Vrai Dieu, se donnent à l'autre, reçoivent de l'autre , se communiquent l'une à l'autre... Contre un communisme visant à instaurer la société sans classe - mais également sans Dieu -, le philosophe russe Florensky a eu ce mot resté célèbre : " Notre programme social, c'est la Trinité".
Baptisés dans le Père, le Fils et l'Esprit, nous sommes, à chaque Eucharistie, accueillis par cette antique salutation déjà employée au temps de s. Paul : " La grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous".( 1 Cor 13, 13) Et à la fin nous sommes renvoyés avec cette bénédiction : "Que Dieu tout-puissant. vous bénisse : le Père, le Fils et l'Esprit". Vie chrétienne, liturgie, prière, mission, morale... : toute notre existence baigne dans la Tri-Unité...et elle doit la manifester