Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1998-1999

Il y a quand même quelque chose de bien mystérieux dans cette fête de Noël que nous célébrons cette nuit. Tout aussi mystérieux que le mystère de ce Dieu qui s'est fait homme. Dans notre pays, et ce quelle que soit l'intensité de notre foi, nous fêtons Noël. Noël, fête de l'habillement, par excellence. Nous nous mettons sur notre 31 comme aux grandes occasions et nous allons même jusqu'à habiller notre maison : sapin, décoration intérieure et extérieure. Tout est là pour nous permettre de vivre une belle fête. Même si, c'est vrai, chez nous, nous n'allons pas, comme en Suède, jusqu'à changer les tentures et les cadres pour transformer complètement la pièce dans laquelle chaque famille célébrera ce moment tant attendu pour les uns, redouté pour les autres. Il y a vraiment quelque chose de merveilleux dans ce que nous vivons pour l'instant. De plus, au delà de l'habillement, Noël est aussi la fête de l'eau dans son vin et ce, même si notre réveillon a été bien arrosé. Chacune et chacun, nous faisons un effort pour que joie et paix règnent lors des différentes rencontres. Deux mille ans après cette naissance qui va complètement transformer notre humanité, il y a toujours du magique dans cette fête.

Oui, Noël est alors bien la fête d'une émotion. Une émotion qui nous fait remonter aux sources de nos racines les plus profondes. Elle est la première étoile dans notre ciel intérieur. Elle commence là - et se pose dans les tréfonds de nos silences les plus cachés. L'émotion est invisible en ses débuts, indiscernable dans nos visages. D'abord nous ne voyons rien. Nous sentons qu'elle naît en nous, c'est tout. Elle avance par elle-même, vers son propre couronnement : cette quête inlassable du bonheur. L'émotion passe comme une pluie de lumière au jardin. Elle laisse en nous une solitude toute fraîche, une connaissance calme. Elle est en nous comme une lumière douce dans les fins de l'été, à la tombée de l'enfance. Elle éclaire ce que nous aimons mais sans toucher à notre ombre. Elle effleure tout le champ de l'invisible des sentiments. Oui, les émotions donnent vraiment sens à nos vies, tout en les rendant elles-mêmes insensées puisque nous ne pouvons y graver les mots de notre ressenti, de notre émerveillement. Et c'est cet émerveillement qui crée en nous un appel d'air. L'éternel s'y engouffre à la vitesse de la lumière et dans un espace soudain vidé de tout.

Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de ne voler que dans l'espace de nos émotions. Elles sont essentielles à cette quête de vie dans laquelle nous nous inscrivons mais elles ne peuvent se suffire à elles-mêmes. Elles demandent à être reconnues pour devenir fondatrices de ce que nous sommes et devenons. Un peu d'ailleurs, à l'image de notre première lecture, Noël nous convie à vivre, année après année mais sans jamais se lasser, l'expérience d'un recensement intérieur. Un temps que nous nous offrons à nous-mêmes pour retrouver le sens de notre vie. Un chemin personnel pour revenir aux sources de ce qui forment les fondements de ce que nous sommes. Un recensement, entendu comme un retour à l'essentiel, c'est-à-dire à ce désir, voire même à ce besoin existentiel, de comprendre ce qui nous rend heureux. Un peu, comme si Dieu susurrait aux creux de notre ombre : « tu n'es toi-même que lorsque tu nais à toi ». La naissance à soi, c'est peut-être également partir à l'écoute de ses émotions les plus profondes, les faire exister pour remettre du merveilleux dans nos vies. Oh non pas un merveilleux sans attaches mais un merveilleux enraciné dans la naissance de l'enfant-Dieu. Si Noël touche à ce point à nos racines, à nos émotions, c'est parce qu'au fond de nous-mêmes, nous ne sommes pas indifférents au mystère de cet événement. Un événement qui dépasse d'ailleurs tout entendement. C'est pourquoi il reste d'abord avant tout de l'ordre d'une émotion : Dieu s'est fait homme. Si c'est par nos émotions que nous pouvons entrer dans ce mystère de Noël, c'est par notre raison que nous choisissons de chercher à tenter de le comprendre. Oui, cette nuit nous découvrons une fois encore qu'au-delà d'un sentiment merveilleux, Dieu notre Père nous offre un superbe cadeau : Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu. C'est en ce sens précis que cette fête nous touche si profondément, nous découvrons, nous redécouvrons que toutes et tous nous sommes appelés à devenir Dieu, à partager la vie divine. Quelle pari sur notre humanité, quelle espérance pour nous autres. C'est pour cela que nous pouvons chanter : oui, la vie est belle.

Joyeux Noël.

Amen.