Et voilà que ça recommence. La fête de Noël et là, toute spéciale, toute particulière. On se rend compte spontanément que ce n’est pas une fête comme les autres. C’est la raison pour laquelle on s’irrite un peu du caractère commercial de cette fête. C’est un peu sale et dégradant de réduire cette fête à une opération commerciale de vente de d’achat. Et cela ne tient à une question de météo. Il n’y a pas de neige cette année. Il n’y a pas de grand froid. Mais il y a un grand besoin de fraternité et d’amitié. Et c’est cela sans doute l’esprit de Noël : un grand besoin de fraternité et d’amitié.
On l’a entendu dans la première lecture : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Quand on entend cette parole, on pense bien entendu à tous ces hommes et femmes et enfants qui ont traversé la Méditerranée et qui arrivent jusqu’à nous, épuisés, maltraités, souvent dépouillés de tout ce qu’ils avaient. Mais ne sommes-nous pas tous les réfugiés de l’amour ? Ecrasés, bousculés par la vie de tous les jours, nous regrettons les petits moments de tendresse que nous avons pu connaître, nous recherchons les moments de sympathie et de complicité qui nous ont réchauffés.
Car notre cœur est plus grand que tout l’amour qu’on peut nous donner. Nous attendons plus, toujours plus. Et c’est là peut-être un des dangers de notre vie : attendre et exiger des autres et de Dieu ce qu’ils ne peuvent pas nous donner, ce qu’ils ne doivent pas nous donner. Il y a toujours le danger d’être et de devenir de petits enfants capricieux, ou de vieilles personnes grincheuses, jamais contentes, toujours exigeantes. Et c’est là sans doute la belle leçon qui nous est offerte par la deuxième lecture : « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes ». « Pour le salut de tous les hommes ».
Il y a deux façons tout à fait différentes de vivre cette fête de Noël. Ou bien nous sommes comme des citernes percées, comme dit l’Ecriture, comme des outres trouées ou des récipients fendus. On peut y verser autant d’eau qu’on veut, jamais cela ne sera rempli, car il en faut toujours plus, et encore, et encore. Ou bien nous sommes comme de petits enfants, étonnés et émerveillés, surpris de ce que l’on peut nous donner, surpris de voir le monde autour de nous. Serons-nous comme les scribes et les pharisiens de Jérusalem, qui attendent le Roi Soleil, ou sommes-nous comme les bergers, tristes et seuls, qui attendent dans la nuit, sous la pluie ?
Qu’est-ce que l’ange leur dit : « aujourd’hui est né le sauveur du monde. C’est le Messie, le Seigneur ». Magnifique, incroyable, mais aussitôt après l’ange leur précise : « c’est un nouveau-né emmailloté dans une mangeoire ». Quoi ! C’est ça, le sauveur. C’est çà l’amour que tu me donnes. Tu te moques de moi. Je vaux beaucoup plus que ça. Mais non ! Les bergers ont vu, ont reconnu dans ce petit bébé qui crie et qui pleure, ce petit bébé qu’un méchant rhume peut emporter, ils ont reconnu dans ce petit être fragile et insignifiant, la présence de Dieu dans leur vie. Regardons autour de nous. Dieu nous parle aujourd’hui, dans cette vieille personne qui marche avec difficulté, dans cette femme qui, dans sa tête, prépare le repas de ce soir, dans cet inconnu qui vient chercher ici l’amitié de Dieu et le soutien de la communauté.
Oui, jamais nous ne serons dignes de l’amour de Dieu. Il nous donne beaucoup plus que nous ne le méritons. Et c’est à nous de nous ouvrir tout entiers pour le recevoir, lui, le Bien-aimé.