« Les apôtres avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient par peur ». Il n’y a pas que les petits enfants qui se réfugient dans leur chambre… Les apôtres eux aussi ont fermé la porte à double tour et se sont enfermés, comme s’ils ne voulaient voir personne... Par peur, par sécurité… Ils enferment leurs esprits, leurs espoirs, leur histoire. Ils sont incapable de parler. Ils ont perdu leur langue… Vous le savez, toute personne au cours de sa vie doit apprendre à conquérir son espace propre. Il ne s’agit pas de se replier, mais justement de découvrir son lieu d’intimité, pour pouvoir l’ouvrir ensuite.
Dans son livre « Les territoires de l’intime », le psychologue Robert Neuburger aborde la manière avec laquelle tout individu développe ces espaces d’intimité. Il y a d’abord l’espace physique, bien entendu. Mais aussi l’espace psychique et le domaine de la compétence. En d’autres termes, il y a trois lieux fondamentaux d’intimité : l’être, la pensée et l’agir. Toutefois, dans la chambre haute et verrouillée, à huis clos, c’est comme si les apôtres avaient perdu leur raison d’être, leur langue, le pensée… Ils sentent incompétents et ils s’enferment… il n’ont plus d’espace propre ! La Pentecôte est cette fête qui nous rappelle que Dieu, par l’effusion de l’Esprit, nous dévoile son intimité même. De la sorte, l’Esprit vient ainsi libérer notre être, notre pensée, et enfin notre agir. Dieu par son Esprit vient illuminer chacun de nous, au plus intime de nous, même dans nos zones d’ombres et nos lieux d’enfermements. Par l’effusion de l’Esprit, Dieu dévoile son intimité au cœur de la nôtre. Car l’Esprit est précisément cette respiration qui inspire notre être profond et nos pensées pour que nos paroles ne soient pas du vent, pour que nos actions aient du souffle.
Reprenons ces trois éléments. L’être, la Parole et l’action. L’Esprit de Pentecôte vient d’abord délier notre être. « Jésus était là, au milieu d’eux » nous dit l’Evangile. Lorsque notre existence semble coincée, lorsque notre avenir semble fermé et que ne voyons pas d’alternative, il nous arrive parfois d’aller voir ailleurs, à l’extérieur. Nous nous plaignons. Nous nous considérons comme victimes. L’Esprit de sagesse ouvre justement une brèche à l’intérieur de notre être, dans ce qui semble coincé et verrouillé au fond de nous. Dans nos propres nœuds. C’est comme une brise légère qui vient nous assurer et nous dire : il y a en toi —que tu le croies ou non— les ressources de ta propre libération. Celle-ci n’est pas à attendre de l’extérieur. Une paix intérieure peut se révéler si tu portes un autre regard sur ton être, si tu y discernes la Présence d’un Autre.
Le souffle de Pentecôte vient ainsi délier notre être, mais deuxièmement, il vient aussi délier notre pensée, nos paroles. L’Esprit est ce qui délie nos langues. Vous le savez, il faut parfois une simple parole pour offrir un nouvel horizon. Pour cela, il s’agit d’accepter que quelqu’un vienne mettre des mots sur nos histoires et peut-être nos contradictions. Délier nos langues pour mettre des mots. C’est cela qui nous permet « d’entendre parler dans notre propre langue les merveilles de Dieu. ». Tous entendent les merveilles de Dieu dans leur langue maternelle. Mais, troisièmement, ce sera toujours au geste maternant que l’action de l’Esprit de fera sentir. Ces gestes maternants sont tout ce qui console, ce qui prend soin, ce qui délie, ce qui apaise. « Que la paix soit avec vous !» nous dit Jésus. Un salut, un shalom vient ainsi germer au fond de nous, lorsque la parole d’un proche apaise notre peur, lorsque qu’un simple geste vient défaire nos nœuds, délier notre esprit de ses peurs. Un salut se dessine, lorsqu’une personne nous ouvre son cœur, son côté, ses blessures, lorsqu’elle nous montre que l’échec peut être traversé.
En nous insufflant son Esprit, Dieu s’est retiré en nous, mais il nous invite à prendre en mains notre vie ; à agir là où nous sommes, car l’Esprit de Dieu passe désormais par nous sur cette terre. Pour cela, il s’agit d’accepter nos propres compétences ! L’Esprit de Dieu ne changera pas le monde. Mais il nous aidera à le voir et à agir autrement.
Voilà pourquoi l’Esprit n’est pas cet être qui nous parle de l’extérieur, mais ce qui nous fait parler de l’intérieur.
L’Esprit n’est pas ce qui se fait prier, mais cette énergie qui prie en nous. L’Esprit n’est pas ce qui agit dans ce monde, mais cette énergie qui nous donne d’agir, et de porter la paix. Alors demandons d’être soufflés par cet Esprit qui réside au plus intime de nous, pour devenir des êtres inspirés, avec une pensée aérée, un agir soufflant ! Amen.