Tous les Saints

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

L'origine de la fête de la Toussaint est la consécration au 7°siècle, par la pape Boniface IV, à Rome, d'un temple païen auparavant dédié à toutes les divinités et désormais consacré à tous les martyrs et les saints chrétiens. Le culte des martyrs et des saints était bien antérieur au 7°siècle. Il était né dès le lendemain des persécutions. Comment ne pas honorer, en effet, ceux et celles qui avaient été si proches et qui avaient été des exemples de foi et de vie évangélique. Au départ cependant, chaque église locale avait ses saints, célébrés le jour anniversaire, non pas de leur naissance, mais de leur mort puisque leur mort était leur naissance à la vie nouvelle en Christ. Petit à petit aussi, des saints se sont imposés comme figure universelle pour toute l'Eglise. Bientôt la figure exemplaire du saint allait l'emporter sur la mémoire du proche. Le culte des saints allait se dégager tout en restant proche du culte funéraire. C'est ainsi que, dans la tradition latine, le souvenir des défunts est resté associé, bien que distinct, à la fête de tous les saints. Celle-ci n'est cependant pas un hommage à une espèce de « soldats inconnus » parmi les saints mais bien plutôt une fête de la sainteté elle-même.
Dieu nous appelle en effet à la sainteté, rien de moins. Dès les traditions patriarcales, on entend Yahvé dire à Abraham : « Marche devant moi et sois parfait. Je mettrai mon Alliance entre moi et toi et je te multiplierai à l'extrême ». L'enjeu de la perfection à laquelle nous sommes appelés est l'Alliance même entre Dieu et l'homme ; son fruit est une fécondité qui serait inaccessible à l'homme seul. A la suite de l'appel adressé à Abraham, le livre du Lévitique est ponctué par cette appel fameux : « Soyez saints car je suis saint ». Dieu est saint au sens où il est « séparé » (c'est la signification étymologique du mot), absolument transcendant par rapport à ce monde. L'homme doit être saint au sens où, tout en étant de ce monde, il doit prendre l'engagement de se comporter autrement qui suivant les lois de ce monde. Les lois de celui-ci sont que le bonheur se trouve dans la richesse, la force, la domination, l'arrogance et la luxure. Le Sermon sur la montagne, évangile de ce jour, Loi nouvelle qui régit le Royaume de Dieu, nous dit simplement l'inverse, point par point. Le Sermon sur la montagne est le renouvellement, pour nous, de la Promesse faite à Abraham, non plus d'une terre à entendre au sens géographique du terme, mais d'un Royaume vivant selon cette Loi nouvelle et seul susceptible d'apporter un bonheur qui soit bonheur à long terme et bonheur pour tous. Il y a une différence en effet d'avec les satisfactions immédiates conquises en créant le malheur des autres et où la somme des dégâts est disproportionnée par rapport à la futilité des satisfactions de quelques uns. Que gagne l'humanité dans ce calcul ?
Le calcul ! L'Apocalypse le fait pour nous. Tout, en effet, n'est pas égal. Il y a du bien dans le monde et il y a du mal. L'Apocalypse transpose en une scène céleste une histoire bien terrestre, pour bien nous faire comprendre que l'enjeu de nos actes en bien ou en mal n'est pas limité à notre seule petite personne mais affecte l'histoire universelle, l'histoire du Salut, le sort de l'humanité de l'homme et le sort de la relation, de l'Alliance, entre l'homme et Dieu. C'est bien l'enjeu de la sainteté, de celle de nos actes.
Les quatre anges (quatre symbolisant ici les quatre points cardinaux) avaient reçu pouvoir de dévaster la terre et la mer. Nous sommes dans une situation proche de celle qui avait mérité le Déluge dans le livre de la Genèse. Un autre ange est, par contre, envoyé pour marquer d'un sceau le front des serviteurs de Dieu, comme l'avait fait l'ange de l'Exode pour faire échapper les Hébreux à l'extermination dans l'Egypte de la servitude. Cette fois, c'est un nouvel Israël, innombrable au sens où il unit toutes nations, races, peuples et langues ; mais dénombré du point de vue de la conscience de chacun d'avoir souscrit à une alliance précise avec Dieu. C'est un nouvel Israël qui est debout dans un acte de louange à Dieu. Car le salut, finalement, ne vient pas de nos seuls actes ; il n'est pas une conquête méritée et due, même par nos sacrifices. Il reste un don de l'Agneau, c'est-à-dire du sacrifice du Christ.
« Voyez comme il est grand l'amour dont le Père nous a comblé ». Ces paroles, nous pouvons nous les redire en pensant à tout ce que les saints et nos défunts nous ont apporté et nous apportent toujours. Puissions-nous nous-mêmes laisser cette phrase à notre postérité.