Troisième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 30/04/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017

L’épisode des disciples d’Emmaüs est construit comme une célébration eucharistique. Oui, la rencontre de Jésus avec ces deux disciples se déroule comme une messe. Il y a tout d’abord la liturgie de la Parole : Jésus leur explique l’Ecriture. Il y a ensuite la liturgie du pain : Jésus prend le pain, le bénit et le donne. C’est pour cela que je voudrais aujourd’hui méditer avec vous la première partie du récit : Jésus leur explique l’Ecriture. La liturgie eucharistique fait penser à un repas de fête. Des amis se rassemblent et, avant de passer à table, ils parlent entre eux, ils disent ce qu’ils ont fait, comment ils vont. Cela permet de créer le contact. Parfois même ils évoquent des souvenirs communs. Cela crée une communauté. Il en est un peu de même pendant une Eucharistie. On se rassemble et on évoque celui qui nous rassemble, ce qu’il a fait pour nous. Mais ce n’est pas simplement le rappel d’événements anciens. C’est beaucoup plus que le souvenir. On peut ouvrir un vieil album de photos, c’est émouvant pour les uns, énervant pour les autres. On peut lire les mémoires du Général de Gaulle ou de Churchill, ou même de Jules César.   Cela rappelle des événements, mais cela ne rend pas les personnes présentes comme cela se passe pendant la messe. C’est là toute la différence entre un musée et une église. Un musée, c’est une collection d’objets. Un église, c’est l’occasion de rencontrer quelqu’un, d’être reçu par lui.

            Oui, mais vous me direz : « tout cela, c’est du sentiment. Moi, je peux passer devant une église sans rien ressentir, ou même sortir de la messe sans avoir rien ressenti de spécial. » C’est vrai, mais ce n’est de cela dont on parle. La vie ne se limite pas à ce qui est rationnel d’un côté et sentimental de l’autre. Il y a des choses qui ne sont pas rationnelles et qui sont beaucoup plus profondes que l’émotion superficielle et passagère qu’on peut ressentir. Il suffit de voir la mort du roi Beaudouin. Cela a provoqué une onde de choc incroyable. On ne savait qu’il occupait une place tellement grande dans notre vie. C’est pour cela que je suis un peu embarrassé quand quelqu’un me dit : « voilà ! Ca fait quinze ans que je suis marié et je ne ressens plus rien pour mon conjoint. » Je suis d’accord. Cela fait trente-cinq ans que je suis au couvent et je ne pleure pas d’émotion chaque fois que je célèbre l’Eucharistie, mais je sais que la beauté de ce sacrement nourrit ma vie. C’est comme le Gulf Stream, ce courant marin qui court du Golfe du Mexique à travers l’Océan Atlantique jusqu’aux côtes norvégiennes. C’est lui qui détermine notre temps et notre climat, non seulement pour la Belgique, mais aussi pour toute l’Europe occidentale. Il a une influence bien plus important sur notre vie que les vagues tumultueuses de la mer. Oui, mais, me direz-vous, ce sont ces vagues tumultueuses qui engloutissent les navires et les paquebots. Et je dis : vous avez raison, nous nous laissons souvent entraîner par les flots tumultueux de nos passions passagères, et nous oublions ce qui nous nourrit, ce qui nous transforme, ce qui nous fait vivre.

            Je vais maintenant vous dire le nom de ces deux disciples d’Emmaüs. Le premier, c’est Monsieur Je raisonne tout le temps. Il analyse tout, il ne veut pas se laisser avoir par des sentiments. La preuve, c’est qu’il ne comprend pas pourquoi quelqu’un peut donner sa vie pour lui. « Quel gâchis, se dit-il. Ce n’est pas raisonnable. » Le second, c’est Monsieur Sentiments. Pour lui, il faudrait que tous les jours soient un jour de fête et d’excitation. Il ne comprend pas que Jésus passe tellement de temps à prier tout seul dans son coin. Il faudrait que Jésus soit toujours en train de discuter avec les apôtres et à faire des miracles. Et entre eux deux il y a Jésus. C’est du solide. Ce ne sont pas de grands discours ou de longues réflexions. C’est l’amour qu’il donne. Ce ne sont pas des rires et des cris de joie. C’est sa vie qu’il donne. Et cela il le fait pour l’éternité.