Vendredi Saint

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Pourquoi Jésus est-il mort ?

Certains diront « Jésus est mort pour nos péchés » et cette formule toute faite, qui s’apparente à de la langue de bois, dit encore qu’il est bien mort.

Car réfléchissons-y sérieusement : Jésus serait-il mort à cause des alcooliques, des adultères, des menteurs ou des voleurs ? Non, il ne les dérangeait pas. Ce sont tout au contraire les gens bien, les champions de la bonne conscience, les grands prêtres et les pharisiens, en un mot les religieux, les pratiquants, comme vous et moi, qui ont voulu et qui ont obtenu sa mort.

 Vous avez entendu l’Evangile est très clair. Jésus a des ennemis. Ses ennemis, ce sont les défenseurs du Temple, les obsédés de la Loi, les névrosés du sacré. Jésus a des ennemis : ceux qui veulent imposer le Sabbat, les sacrifices, l’exclusion des pécheurs, la mise à distance des femmes et des étrangers, la culpabilisation des malades et des handicapés. Jésus a des ennemis : les partisans de l’ordre, compris comme le statut quo, ceux qui décident qu’il est bon qu’un seul homme meure pour le salut national. Jésus est sacrifié aux plus hauts intérêts, ceux de la religion et ceux de l’Etat, curieusement alliés dans cette barbarie.

Plus encore, Jésus est mis à mort au nom de Dieu. Ce ne sont pas les athées, les incroyants ni même les pécheurs qui veulent sa mort, ce sont ceux qui s’opposent à la manière de Jésus d’impliquer Dieu dans la vie humaine, dans la guérison, dans la réconciliation, dans la libération. Nous le voyons au Proche Orient, mais c’est également vrai partout, plus ou moins douloureusement : il n’est pas vrai que toutes les représentations de Dieu soient complémentaires. Certaines théologies sont incompatibles. Sur ce point Jésus n’a pas eu peur du conflit. Son Dieu n’est pas celui des religieux au pouvoir. Son Dieu n’est pas non plus César divinisé, le politique qui se prend pour le tout. Son Dieu n’est pas davantage l’idole de la foule et son culte des solutions simplistes dans la facilité. Le Dieu de Jésus est tellement puissant qu’il est capable d’être faible, de renoncer à la force, ainsi qu’aux mécanismes habituels de la culpabilisation et de la peur. Son Dieu n’est pas un terroriste mais un Dieu Père. Sa victoire sera celle de l’amour. Sa victoire sera une victoire dans les cœurs. Et cela suppose la liberté, l’égalité, la vulnérabilité, conditions indispensables pour que puisse s’établir une vraie réciprocité.

Dans le conflit des valeurs, dans le conflit des absolus, dans le conflit des représentations de Dieu, à notre tour, nous devons choisir. Ou bien des soi-disant valeurs qui sont en fait des idoles déguisées, comme celles de la purification ethnique, de la sécurité à tout prix, ou des soi-disant lois du marché… ou bien des pseudo dieux, des absolus que nous avons en fait fabriqués, tout comme les Temples ou les règlements, ou bien le Dieu de Jésus-Christ. Ou bien les sacrifices humains, ou bien le pardon et la réconciliation. Ou bien la guerre et l’apocalypse, ou bien la vraie fraternité qu’établit un Père commun.

Pourquoi Jésus est-il mort ? Il est mort parce qu’il n’a jamais cessé, dans ses paroles, dans ses actes, jusque dans son procès et même son exécution, de manifester qui est son Dieu. Pourquoi Jésus est-il mort ? Parce que ce Dieu là, son Père, son Dieu, n’était pas compatible avec les représentations de Dieu, sociales, politiques et religieuses de son temps.