3ème dimanche ordinaire (année C)

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 27/01/19
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2018-2019

Il y a quelque chose qui m’amuse —et parfois m’irrite— dans les célébrations, et en particulier lors des cérémonies de mariage : c’est l’omniprésence du photographe. Je dis cela d’abord pour moi, car j’ai pris une série de photos hier durant la célébration de profession religieuse du frère Anton au couvent dominicain de Bruxelles.

Lrorsque je célèbre un mariage, il m’arrive souvent que des photographes m’empêchent presque de bouger et de célébrer. Vous avez certainement déjà été témoin de ce genre de situation, lorsqu’une personne s’impose, pour immortaliser, fixer l’instant, ne rien rater de l’événement. C’est comme si le futur souvenir —que représente la prise de photo— était plus important que l’instant présent. Bien évidemment, dans certains cas, il est important de ne pas effacer les traces du passé.

Saint Luc, en composant son récit des événements de Jésus, ne fait pas une collection de souvenirs, d’événements passé. Il rend présent, actuelle, concrète une heureuse annonce. Voilà pourquoi la toute première prédication de Jésus à Nazareth —et d’ailleurs la plus courte de l’histoire— concerne justement notre rapport au présent ! « Aujourd’hui, s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Aujourd’hui ! Les auditeurs de Jésus connaissaient sans doute par cœur le passage d’Isaïe, et recevaient peut-être cette parole du passé comme une vague promesse pour le futur. Or voici que Jésus proclame que cette parole d’hier n’est pas pour demain, ou pour « des lendemains qui chantent », mais pour aujourd’hui. C’est maintenant qu’elle s’accomplit, se réalise, advient à la réalité.  S’il y a une bonne nouvelle, elle est pour aujourd’hui.

La question que je nous pose alors ce soir est la suivante : pourquoi l’écoute de la bonne nouvelle —celle que nous venons d’entendre— ne suffit-elle pas à découvrir que cela s’accomplit pour nous aujourd’hui ? Pourquoi la bonne nouvelle n’est-elle pas plus facilement entendue et accueillie ? Pourquoi —depuis les origines et même du temps de Jésus— des hommes et des femmes se sont fermés à la bonne nouvelle ? Pour le dire autrement, avons-nous réellement le sentiment qu’une parole de bonté s’accomplit pour nous aujourd’hui ?

Si vous répondez oui, alors c’est gagné… Vous pouvez dormir et attendre la fin de l’homélie ! Mais si vous avez le sentiment qu’une parole de bonté ne s’accomplit pas encore réellement, concrètement… alors je m’adresse maintenant à vous, pour quelques très courtes minutes encore.

En effet, si parfois nous avons le sentiment qu’il y a quelque chose qui résiste à l’écoute d’une bonne nouvelle, c’est peut-être que nous ne sommes pas dans les conditions pour accueillir cette bonne nouvelle. Le texte nous le dit. « L’Esprit du Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue ». Celle-ci est adressée aux pauvres. La condition pour entendre la bonne nouvelle, c’est donc de nous découvrir pauvres, fragiles, captifs, opprimés. Finalement, si nous ne sommes pas une de ces catégories-là, alors nous ne pouvons accueillir pour nous, et en nous, une joie profonde. Alors, creusons-nous suffisamment ce manque ? Cultivons nous cette seine insatisfaction ? Ce besoin ? Ce désir de Dieu ? Est-ce que nous ne nous mettons pas trop vite dans la catégorie de ceux qui n’ont pas besoin de promesse, parce qu’ils pensent l’avoir déjà entendue ?

Pour entendre et recevoir aujourd’hui la bonne nouvelle, il y a donc une condition…  et nous passons si souvent à côté. Il faut être pauvre ! Comprenez-moi bien. La pauvreté est un scandale à combattre. Mais il y a aussi cette pauvreté qui nous donne d’accueillir l’Esprit, cette pauvreté qui nous ramène toujours au quotidien, à l’aujourd’hui, à l’instant présent.

Alors, est-ce qu’une parole de bonté s’accomplit pour nous aujourd’hui ?  Pour le découvrir, je nous invite à voir en quoi nous sommes pauvres, captifs ou aveugles ? Alors l’évangile s’invitera dans notre vie. Être captif, c’est lorsque le passé nous tire en arrière. Qu’est-ce qu’être captif, sinon être prisonnier de son passé ? Être captif, c’est s’enfermer d’une histoire ancienne. Décider une fois pour toute qu’un deuil est impossible. Être captif, c’est se considérer comme victime : victime de sa hiérarchie, de son entourage, d’une parole. La bonne nouvelle est annoncée aujourd’hui aux captifs. Vous vous sentez peut-être aussi aveugle, avec un avenir bouché. Alors, l’évangile s’adresse à vous aujourd’hui. Il fait de vous des Théophile, les destinataires d’une promesse qui ne déçoit pas, parce qu’elle s’accomplit au quotidien.

Alors, il ne tient qu’à nous d’accueillir cet esprit qui vient élargir notre cœur, renouveler notre regard, nous libérer de nos enfermements.

Il ne tient qu’à nous de choisir d’être de vrais Théophile, au quotidien. L’Evangile est écrit pour nous tous, pour les théo-philes que nous sommes. Alors à nous de décider d’avoir ce deuxième prénom, d’accueillir en nous, au jour le jour cette amitié de Dieu, d’entendre finalement que quelqu’un nous adresse aujourd’hui personnellement une bonne nouvelle. Pas demain. Aujourd’hui.