5ème dimanche ordinaire (année C)

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 10/02/19
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2018-2019

Il y a parfois des moments d’angoisse où on se demande ce qu’on fait ici sur terre.  Une mère de famille m’a dit : « j’ai travaillé toute ma vie (elle était professeur de sciences au collège), j’ai éduqué mes quatre garçons, j’ai soigné mon mari et maintenant je suis toute seul.  J’ai couru toute ma vie pour rien. » 

Oui, courir tout le temps, toute sa vie.  Eh oui ! On court tout le temps.  Tout le monde s’en plaint, mais personne ne fait rien pour y changer quoi que ce soit.  J’en parlais avec une dame.  On parlait de courses de lévriers et je disais que je trouvais cela ridicule de voir des chiens courir aussi vite après une boule de tissu qu’ils prenaient pour un lièvre.  Et cette dame me répondit : « Et toi, Philippe, qu’est-ce que tu crois qu’on fait tout le temps ? Courir après un leurre ! » C’est un vrai danger.

Et c’est pour lutter contre ce danger que nous sommes ici rassemblés dans cette église ce matin.  C’est pour nous arrêter un instant et  pour faire le point.  Oh non ! Pas tout seul, mais sous le regard bienveillant de Dieu.  C’est comme dans la vie de tous les jours.  On est parfois tellement pris par un petit détail qu’on en oublie l’essentiel.  Oui, il est important de nettoyer la salle de bains, mais il y a une chose plus urgente : la maison brûle.  C’est valable pour les petites choses de la vie, comme pour les grands choix de l’exigence.  Oui, il est bon de faire parfois le point avec son conjoint, mais il est aussi bon de la faire à la lumière de l’amour de Dieu.

Car parfois la monotonie et le poids de tous les jours deviennent trop lourds et on n’a plus la force de tirer les filets ni de les faire monter dans la barque.  Mais on est parfois, souvent, condamnés à continuer cette vie ou cette période de la vie particulièrement difficile.  On avance dans un long tunnel sans fin.  Ou alors c’est une catastrophe qui nous tombe sur la tête et on est là, sonnés, écrasés.

Et Jésus arrive, les deux mains dans les poches.  Il ne vient pas pour nous aider à tirer les filets dans la barque.  Non ! Il ne vient pas pour nous consoler ou nous encourager.  Non ! Il vient pour nous dire de faire la même chose, mais autrement.  « Avance au large, dit-il à Pierre, et jetez les filets pour prendre du poisson ».  Pierre était un pêcheur de poissons et il deviendra un pêcheur d’hommes.  Mère Teresa était Albanaise, elle était entrée dans une congrégation irlandaise et elle était dans un couvent en Inde.  On se méfiait d’elle.  On la soupçonnait d’être entrée au couvent pour échapper à la misère de son pays.  Et elle s’est occupée des mourants dans les rues de Calcutta.  Elle a donné aux autres ce qui lui manquait le plus : la tendresse et le respect.  Dieu était abandonné par les hommes, tous pressés, tous en train de courir.  Et il nous a donné ce qui est le plus important : la chaleur et la lumière de son intimité amoureuse. 

Oui, Jésus nous demande de jeter les filets en partant vers le large.  Il ne nous demande pas toujours de faire des choses nouvelles, mais de les faire autrement, avec plus de sérieux, avec plus de profondeur amoureuse.  Comme maintenant, pendant la messe, nous ne sommes pas invités à prendre un repas comme les autres, mais à recevoir l’Eucharistie, le pain qui donne l’éternité.