22ème dimanche du temps ordinaire (année C)

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 1/09/19
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2018-2019


Durant ces deux mois d'été, certains d’entre vous ont, je suppose, eu la chance de partir quelques jours prendre un peu de repos. Et dans vos déplacements —alors que vous espériez ne plus avoir à subir les bouchons de notre bonne cité ardente— il vous est probablement arrivé de devoir encore une fois… faire la file. Quelle joie ! La file pour déposer vos bagages à l’aéroport, pour vous engager dans un rétrécissement sur une autoroute… Être dans une file : voilà un moment typique de comparaison, d'énervements chez certains d’entre nous, avec son lot de questions inutiles. Est-ce que j’ai choisi la bonne file ? Suis-je sur la bonne bande de circulation ? C’est toujours celle d'à-côté qui semble aller plus vite... Dans bien des cas, la raison de nos crispations est évidente… et il est légitime de ne pas vouloir se laisser dépasser par certaines personnes,  qui veulent elles aussi les premières places...

Chercher la première place… Quoi de plus naturel ! Pour la plupart d’entre nous, l’éducation reçue depuis notre enfance nous a poussé à grandir, à nous améliorer, à ne pas viser bas. Il ne s'agit pas d'être carriériste ou orgueilleux, mais bien d’avancer pour donner le meilleur de soi-même. Cependant, une lecture superficielle de l’évangile pourrait inciter certains à la démission, voire à la soumission. C’est pour cela qu’il faut dans le texte retenir la petite nuance qui change tout :  « Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places ». En réalité, le problème n'est pas la première place. C’est la manière avec laquelle nous la cherchons. Est-ce par nos forces seules, ou avec l’aide de Dieu ? Est-ce dans le calcul, le donnant-donnant, est-ce au détriment des autres ou dans la gratuité et l’humilité ?

L’humilité ne nous empêche pas de viser haut, de chercher la première place. Le souci est voir comment nous essayons d'y arriver.  J'imagine que Jésus a dû voir avec amusement le manière avec laquelle les chefs des pharisiens cherchaient les premières places. Pour l’anecdote, je connais un dominicain un peu fantasque —jusque là, c'est normal— qui est tellement paniqué à l'idée de faire la file dans un aéroport qu'il fait semblant de boiter pour qu’on lui permette d’aller plus vite dans la file... Chercher la première place n’est donc pas incompatible avec l’humilité, mais une humilité juste et qui vise haut ! Pour la comprendre, permettez-moi de revenir à mon image du début, les files dans les autoroutes ! Je nous invite —comme souhait de rentrée— à appliquer dans nos vies le principe de… la tirette, destiné à fluidifier nos relations !

Comme vous le savez, lorsque le trafic est fortement ralenti, les conducteurs sur une bande qui prend fin doivent s'intercaler sur la bande libre adjacente seulement juste devant le rétrécissement. Il ne s’agit pas de le faire trop tôt… Les modèles montrent que cela ne fluidifie en rien le trafic. Dans la vie, il faut donc aller jusqu’au bout. Jusqu’au bout de ce qu’on peut donner, offrir. Être humble, c’est être conscient de ses forces et de ses limites. Il ne faut donc pas se rabaisser trop tôt, trop vite… Mais précisément viser haut, loin, pour soi, et pour les autres…

Humble est celui qui sait lorsqu'il doit passer la main, qui connaît son seuil d’incompétence. Humble est celui qui sait lorsqu’il doit dire non, parce que quelqu'un —à côté— est plus compétent que lui...
Humble est celui qui sait accueillir en lui plus grand que lui.
Viser haut, viser juste, c’est savoir à quels moments de sa vie il faut laisser la place à l’autre, à Dieu, et parfois toute la place.
Être humble, ce n’est donc jamais se rabaisser, se rabattre sans raison. C’est tout au contraire se connaître soi-même.  Une telle humilité demande un chemin intérieur de compréhension de sa propre réalité, pour augmenter en soi la vie, fluidifier les relations.

Être humble, c'est donc être capable de revenir au lieu même de ce qui fait que nous sommes humain. C’est avoir une juste estime de soi et donc accepter que les autres puissent m’apprendre, m’élever, m’aider à me construire. Notre humilité est finalement le lieu même où Dieu vient nous rejoindre, pour nous élever. L'évangile de ce jour nous le rappelle : il y a pour chaque être humain, une juste place, qui peut nous faire grandir plus encore. A nous de la découvrir.

« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité,
et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. » nous dit le Sage.

Bon temps de rentrée à toutes et tous. Amen.