La fête de tous les saints sert à honorer tous les hommes et toutes les femmes qui maintenant déjà sont dans le ciel, enveloppés dans la gloire de Dieu. Ce sont les oubliés que nous fêtons aujourd’hui, ceux qui n’ont pas été officiellement reconnus saints par l’Eglise. Mais qui est-ce qui décide qu’un tel est saint, et pas un autre ? C’est tout d’abord le peuple de Dieu. Ce n’est pas Rome qui décide tout seul qu’un tel est saint. C’est tout d’abord le peuple de Dieu qui spontanément se rassemble sur la tombe d’un homme ou d’une femme et commence à le prier et à le vénérer.
Et qu’est-ce qu’il faut faire pour mériter toute cette dévotion ? Il n’y a pas de règle générale. Regardez sainte Thérèse de Lisieux. Elle est restée toute sa vie cloîtrée dans son carmel, mais elle a tellement bien médité le mystère de l’amour de Dieu qu’elle est devenue la patronne des missionnaires ! Regardez saint Thérèse d’Avila. C’est une autre carmélite, mais, elle, elle a parcouru toute l’Espagne pour y fonder et y construire de nouveaux couvents. Cela ne l’a pas empêché de méditer l’amour de Dieu et d’écrire de magnifiques livres de mystique, comme Le Château de l’âme. Il n’y a donc pas de recette universelle, mais, si pendant cinq ans un homme ou une femme est ainsi entouré de vénération, alors seulement l’évêque du lieu décide d’entreprendre une enquête. Et cette enquête porte sur quoi ? Sur les vertus de cet homme ou de cette femme.
Vertu, voilà bien un mot désagréable. Est-ce que cela veut dire que tous les saints ou toutes les saintes doivent ressembler à de petites filles modèles tout droit sorties d’un pensionnat de religieuses pour jeunes filles de la belle bourgeoisie ? Non, les saints que nous honorons sont des hommes et des femmes qui, dans les situations difficiles de leur vie, ont trouvé une manière nouvelle, chrétienne de vivre leur foi. Cela ne demande pas de situations exceptionnelles, comme la guerre ou les persécutions. Il y a pourtant, au milieu de nous, tant d’hommes et de femmes qui sont écrasés par la vie et qui n’ont plus la force de se relever. Et les saints, ce sont qui ont pu sortir vainqueurs, non pas par la violence contre les autres, mais par la force et la confiance dans l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.
Prenons l’exemple concret du surmenage et de la dispersion. Nous sommes tous occupés à faire mille choses différentes à la fois. Il y a la vie professionnelle, la vie familiale, les petits-enfants, la paroisse, le club de bridge ou de football, etc. Il y a des hommes et des femmes qui, dans le tumulte de toute cette agitation, arrivent à garder et à préserver l’essentiel, leur rapport avec Dieu. Et c’est cela, l’essentiel que tous les saints nous rappellent, c’est la place de Dieu dans notre vie. Si nous oublions un instant que nous sommes d’abord et avant tout des enfants de Dieu, nous sommes comme des feuilles arrachées à l’arbre et emportées par le vent dans mille directions différentes.
Mais cette fête nous rappelle également que nous ne sommes pas seuls. Une goutte d’eau, quand elle tombe sur terre, est aussitôt avalée par le sol. Elle disparaît. Mais des centaines, des milliers de gouttes d’eau forment une rivière, un fleuve que rien jamais ne pourra arrêter. Nous ne sommes pas seuls parce que nous sommes portés par la prière et par la ferveur de frères ici réunis, comme par la prière de tous les hommes et de toutes les femmes qui aujourd’hui et maintenant prient avec nous, sans oublier la prière de tous ceux et de toutes celles qui sont maintenant dans le ciel et qui, avant nous, ont essayé de faire la même chose que nous : aimer Dieu, le servir et faire partager aux autres la joie de le connaître.