25ème dimanche du temps ordinaire (année C)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 22/09/19
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2018-2019

[ Textes liturgiques ]

Depuis des années, lorsqu’ils en avaient le temps, ils aimaient aller se balader toute une après-midi et terminer leur journée par un bon repas festif.  Certains étaient étonnés de leur amitié : comment un prêtre et un rabbin pouvaient-ils si bien s’entendre ? se demandaient-ils.  Ce jour-là, le prêtre dit à son rabbin d’ami : « J'ai découvert un truc pour manger gratuitement ». « Donne-moi ton secret », répond le rabbin, très intéressé.  « Je vais au restaurant, assez tard, et je commande deux entrées, un plat, du fromage, un dessert et puis je prends mon temps en dégustant un café, un cognac et un cigare et j'attends la fermeture. Comme je ne bouge pas, et que toutes les autres chaises sont déjà rangées sur les tables, le garçon vient me voir pour encaisser.

Alors je lui réponds quelque peu outré : "Mais j'ai déjà payé à votre collègue qui est parti !" Et le tour est joué ! », conclut le prêtre.  Très astucieux, répondit le rabbin.  Essayons tout à l’heure après notre promenade.  Si tôt dit, si tôt fait, les deux compères vont au restaurant et tout se passe comme prévu. Au moment de la fermeture, le garçon demande s'il peut encaisser et le prêtre lui répond : « Désolé, mais on a déjà payé à votre collègue qui est parti ». Et le rabbin d'ajouter : « Et d'ailleurs, nous attendons toujours notre monnaie... ». 

Cette histoire illustre de manière humoristique ce que le Christ dénonce en s’adressant à ses disciples.  Jésus ne rejette pas l’argent pour l’argent.  Il avait bien évidemment conscience qu’une société ne peut pas vivre sans celui-ci.  Peut-être même savait-il que l’argent peut contribuer au bonheur sans pour autant le garantir.  L’argent est donc une réalité nécessaire même si nombre de catholiques souvent de culture latine sont mal à l’aise avec cette notion.  Il y a juste lieu de le mettre à sa juste place et il devrait faire partie de l’éducation de tout être humain pour être toujours utilisé adéquatement.  Car lorsque cela ne se fait pas, l’argent peut devenir ce que le Christ dénonce et que la traduction rend par les termes d’ « argent trompeur ».  Or les mots en grec sont beaucoup plus forts : tou mamônia tès adikias, c’est-à-dire le Mamon d’injustice, l’argent d’injustice.  Effectivement, l’argent peut devenir injuste lorsqu’il est utilisé de manière impropre et n’élève pas l’être humain à sa juste grandeur.  A une époque, des hommes en achetaient d’autres au titre de sous-hommes, d’esclaves.  L’Eglise elle-même ne s’est pas privée de cet argent d’injustice en faisant croire qu’il était possible d’acheter son salut en payant des indulgences.  Le Christ n’a-t-il pas lui-même été vendu pour trente pièces d’argent ?  Ces trois exemples tirés de l’Histoire nous convient à rester vigilant quant à l’utilisation de l’argent car aujourd’hui encore, l’argent de l’injustice continue de couler à flots au sein de nos sociétés modernes et mettent tant d’êtres humains dans des situations impossibles de vie.  Ce Mamon de l’injustice est « l’argent démoniaque, celui qui prend possession de l’être humain, à n’être plus un serviteur mais le maître de celui qui le possède ».  Il occupe alors toute la place et devient le centre unique de nos préoccupations.  « Toujours plus » est sa devise.  C’est pourquoi, l’argent doit rester à sa juste place et nous ne pouvons le mettre au même niveau que Dieu puisque, par définition, nous ne pouvons pas faire confiance à l’argent.  La crise de 2008 nous l’a singulièrement rappelé et nous ne sommes jamais à l’abri d’une nouvelle catastrophe financière.  Mettons-le donc à sa juste place et reconnaissons qu’il est également un merveilleux outil mis à notre disposition pour construire une société plus juste.  Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’argent peut être un merveilleux outil pour la construction du royaume de Dieu. Certains se disent peut-être que je suis en train de plaider pour la prochaine collecte dans cette église.  C’est vrai que la collecte est un prêt à Dieu et qu’il nous rendra cent fois plus mais dans l’éternité.  Si je me permets cette constatation, c’est pour entendre l’invitation du Christ à mettre uniquement notre confiance en son Père.  Lui, jamais ne nous trahira et nous redonnera chaque fois sa confiance lorsque nous revenons à Lui.  Avec Dieu, il n’est pas nécessaire de thésauriser.  La seule chose qui compte c’est d’aimer.  N’amassons pas tous ces biens sur cette terre, partageons-les et surtout devenons solidaires de celles et ceux qui en ont besoin.  De toute façon, nous ne prendrons ni nos actions et ni nos livrets d’épargne avec nous lors de notre dernier voyage vers la vie éternelle.  Notre seul bagage sera constitué de tout l’amour que nous avons donné et reçu car seul l’amour importe puisque toujours il nous emporte.

Amen