Chers frères et sœurs,
Qu’est-ce qu’on comprend par « conversion »? Prendre la décision au début de ce blocus de mieux étudier qu’en juin dernier ? Changer de marque de chaussures, parce que – en toute honnêteté – elles sont un peu trop chères pour mon portefeuille, ou pour le portefeuille de mes parents ? Ou prenons encore quelques autres exemples : Ne plus jamais prendre l’avion, mais si ensuite je vais partout en voiture, est-ce que c’est vraiment une conversion ? Ou si je n’aime pas quelqu’un, et que je décide de ne plus l’insulter à chaque fois que je le croise, mais juste l’ignorer, est-ce que c’est une conversion ?
Dans la Bible chaque vraie conversion consiste en deux mouvements. Le premier, qui est orienté vers le passé, est un renoncement au péché, un « repentir ». Le deuxième par contre est orienté vers l’avenir, l’ « à venir de Dieu », et désigne un choix : pas un choix pour un péché qui est un peu plus petit que celui d’avant ou un choix pour un moindre mal, mais un choix positif pour le bien. Le baptême que Saint Jean Baptiste proposait aux Juifs, et qui – dans notre contexte actuel – nous est proposé par l’Église, se trouve au point d’articulation entre ces deux mouvements, entre le renoncement au péché du passé, et le choix pour le bien à l’avenir, le choix pour Dieu.
Mais si le baptême se trouve au milieu de ces deux mouvements, cela veut-il dire que le baptême n’est pas la fin du parcours ? Sommes-nous alors sauvés par notre baptême ? Vous ne m’entendrez certainement pas proclamer l’inverse. Mais ce serait une bêtise de mettre toute notre confiance dans notre baptême, comme le seul moment salutaire de notre vie, qui nous permettrait de nous comporter n’importe comment après. Dieu nous demandera les comptes de toute notre vie, et ne regardera donc pas seulement ce moment sacramentel qui, pour la plupart d’entre nous, a été choisi pour nous par nos parents.
La question que nous devons nous poser est la suivante : nos repentirs nous amènent-ils à une situation immobile, à une stagnation – et vous le savez tous : ce qui n’avance pas, recule – ou sommes-nous des arbres qui produisent de bon fruit ? Laissons-nous travailler en nous notre baptême ? Ou est-ce que la cognée se trouve déjà à nos racines ?
Après avoir entendu ces reproches et cet appel de Saint Jean Baptiste, vous vous dites sans doute : « Mais elle est dure, cette parole ! Qui peut l’entendre ? » Et cette réaction est exactement la même que celle des disciples de Jésus à un de ces discours. L’Évangile est la bonne nouvelle, mais elle n’est pas une nouvelle facile. Malgré tout, chers frères et sœurs, n’ayons pas peur. Aujourd’hui Saint Jean Baptiste nous annonce déjà l’aide, que Jésus vient nous apporter. Il dit que Jésus nous « baptisera dans l’Esprit Saint et le feu ». Jésus nous donne l’Esprit, c’est-à-dire la force de l’amour divin. Il nous donne cet Esprit pas seulement comme un symbole, ou comme une confirmation de notre renoncement au péché, mais comme une source d’énergie pour une vie réellement changée, pour devenir un arbre qui a retrouvé son élan vital et qui peut désormais produire de bon fruit.
Dans une lettre pastorale sur l’Avent, Saint Charles Borromée dit ceci : « … de même que le Christ est venu au monde une seule fois en s’incarnant, de même, si nous enlevons tout obstacle de notre part, il est prêt à venir à nous de nouveau, à toute heure et à tout instant, pour habiter spirituellement dans nos cœurs avec l’abondance de ses grâces ». Chers frères et sœurs, souvenons-nous donc, pendant cet Avent, de notre baptême déjà reçu en Jésus Christ et ce, pour accueillir pleinement la grâce de l’Esprit Saint, pour que cet Esprit Saint puisse nous donner la force de nous convertir vraiment, afin de porter de bons fruits qui plaisent à Dieu. Laissons cet Esprit naître en nous, accueillons-le comme un jeune couple de parents accueille son premier-né. Amen.