3ème dimanche de l'Avent (année A)

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 15/12/19
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

Textes : Lectures du 3ème dimanche de l'Avent (année A)

« Prenez patience ! »  nous dit la lettre de Jacques. Dans les trois petits versets de cette lecture, cet appel revient quatre fois ! « Prenez patience ».

C’est une banalité que de dire que nous vivons dans un monde impatient, qui cherche des résultats tout le temps et tout de suite… Et pourtant, il y a comme une contradiction derrière cette impatience :
notre monde est certes de plus en plus impatient, insatisfait, mais il sait de moins en moins ce qu’il attend, ce pour quoi il se bat réellement. Est-ce que nous attendons vraiment quelque chose ? Dans un monde qui n’attend plus réellement, est-il possible d’être vraiment patient ? Vous aurez compris le paradoxe : un monde impatient est un monde qui n’attend plus. Il n’attend plus, parce qu’il veut des résultats visibles, immédiats…

 « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

La demande de Jean le Baptiste est pourtant criante d’actualité... Mais il y a quelque chose de tout à fait surprenant dans ce que Jésus dit aux disciples ! Je ne sais pas si vous l’avez remarqué. Je vous le relis à nouveau :

« Allez annoncer à Jeance que vous entendez et voyez :
Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent,
les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.

Jésus répond à Jean le Baptiste, en citant ce passage très connu d’Isaïe, en omettant une phrase ! Dans le livre d’Isaïe, la dernière promesse est suivie par une annonce que nous connaissons bien et qui décrit justement la situation de Jean-Baptiste ! « Le Seigneur m’a envoyé proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération » (Is 61,1). Jean le Baptiste est en prison, et ce n’est pas la libération qui lui est annoncée par Jésus. Jean le Baptiste est en prison et y restera.

Annoncer l’évangile, ce n’est pas faire de vaines promesses, des discours coupés du réel. D’ailleurs, Jésus ne répond pas à Jean le Baptiste par un discours. Ce sont des œuvres concrètes qu’il donne en réponse, et que Jean-Baptiste ne voit pas. Les boiteux marchent, les sourds entendent, les malades sont guéris et l'évangile est annoncé aux pauvres. Ce sont les actions concrètes qui comptent.

Jean-Baptiste est ainsi la figure de l’homme patient, qui espère ce qu’il ne voit pas ! Au lieu de s’enfermer dans ses idées, il fait preuve de curiosité. Il cherche, même si le résultat n’est pas visible.  Être patient, c’est être capable d’endurer, de souffrir même, parce qu’il y a autre chose à atteindre et qu’on ne voit pas. C’est entendre ce qui est à l’œuvre chez les autres, et pas d’abord en soi ! Le vrai patient est celui accepte son incomplétude, qui reconnaît que le sens lui reste voilé, mais qui maintient vive son espérance. Être patient, c’est voir les épreuves comme des lieux où, à tout âge, il reste possible grandir.

Je me souviendrai toujours de ce malade que je visitais à l’hôpital de la Citadelle et qui m’a confié ceci : « Avant ma maladie, je voulais sans cesse gagner mon temps, et j’étais impatient de tout. Maintenant, dans cette chambre d’hôpital, je vis l’instant présent qui m’est donné. Je suis devenu un vrai patient. ».

Être patient, c’est finalement accepter de changer son rapport au temps.
Et je crois vraiment que c’est ce que l’Évangile nous invite à offrir au monde : Que nous soyons des êtes patients dans un monde impatient.

« Prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes » nous dit la lettre de Jacques. Notre monde a besoin de tels prophètes, qui témoignent de cette patience lucide, et d’un autre rapport au temps qui passe. Car le vrai prophète est celui est contre son temps, mais qui dans le même moment, donne de son temps.  Être prophète, ce n’est pas tant répondre à l’angoisse de savoir ce que nous allons devenir, mais de regarder ce qui nous empêche d’être vivant, au présent.

Que nous soyons comme Jean-Baptiste, dans la prison de nos combats, ou que nous soyons témoins d’œuvres concrètes comme les disciples. Il s’agit d’être prophètes, des précurseurs, les uns pour les autres.  Le prophète est celui qui nous regarde en vérité, avant que nous fassions cette vérité sur nous-mêmes. Ces personnes ne se sont pas arrêtées à notre personnage, à notre masque, à notre apparence sociale. Elles nous ont aimés, avant même que nous puissions les aimer en retour.

Bien entendu, il se peut que nous soyons dans une période de notre vie où un tel horizon semble lointain, où le désespoir a pris le pas sur la confiance. Il se peut que nous soyons dans une phase de lassitude où « la tendresse a déserté notre maison ». Où nous devenons impatients précisément parce que nous n’avons plus rien à attendre… Mais n’est-ce pas justement quand notre avenir semble voilé, incertain, qu’il faut prendre patience, s’attacher à ce qui ne passe pas, et annoncer —sans fausse promesse— ce qui ne se voit pas ?