14ème dimanche du temps ordinaire (A)

Auteur: Didier Croonenberghs
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

Voilà un conseil tellement plus facile à dire qu'à vivre ! Surtout, lorsque nous avons l'impression que tout nous tombe dessus. Cependant —si on y réfléchit— prendre le joug d’un autre, n’est-ce pas justement accepter de se dessaisir d’une partie de nous-même, de ce qui nous pèse peut-être, pour nous lier à un autre ? Il s’agit d’accepter qu’un autre porte, avec nous, ce que nous avons à porter. Au sens premier, le joug n’est pas ce qui pèse ou fait peser, mais ce qui relie, ce qui attache. Qu’est qu’un joug, sinon ce qui nous impose de ne pas avancer tout seul ? Qu’est-ce qu’un joug, sinon cette pièce de bois, —comme une croix—  qui nous rappelle que la vie n’a de sens que si elle est reliée...

La question de ce jour est toute simple. Quelles sont nos vraies attaches ? Ces personnes, ces lieux qui rendent notre vie plus légère. Quelles sont ces « dépendances » qui nous font grandir et avancer ?

Mon joug est facile à porter, nous dit le Christ. N’y a-t-il pas quelque chose de très libérant dans le fait d’accepter de se dessaisir d’une part de sa liberté ? Prendre le joug du Christ, c’est finalement accepter de ne pas tout porter soi-même. Accepter de ne pas être seul à choisir la direction de sa vie … Nous le savons, à force de vouloir être seul maître de sa vie, on ne découvre parfois plus aucun but dans celle-ci…

Prendre le joug du Christ, c’est donc déposer son cœur dans celui de Dieu. Et ce à quoi le Christ nous invite ce soir, c'est en définitive à accepter de poser en lui les fardeaux qui nous semblent trop lourds. Nous ne pouvons pas tout porter ! L’être humain a ses responsabilités, mais aussi ses conditionnements, ses angoisses.  Il y a ces valises de la vie, de nos histoires, que nous ne pouvons porter, tirer seuls : qu’elles soient humaines, affectives, transgénérationnelles… Il y a tellement de choses qu’il faut porter ensemble, et donc déposer en l’autre… Dès lors, c’est comme si cet évangile nous conviait une fois de plus à trouver un nouvel équilibre dans nos relations, à faire le tri entre les pharisiens de nos existences, qui font peser sur nous « de lourds fardeaux », et ceux qui, par leur douceur, donnent de la légèreté, de la bienveillance, de l’humour,…

Telle est bien la question paradoxale de l’évangile : quelles sont ces attaches, ces liens qui nous libèrent ?

Et l’évangile va plus loin : Si le fardeau de ce que tu portes est trop lourd, n’écoute pas les sages et les savants, autrement dit ceux qui croient savoir ! N’y a-t-il pas, en effet, un danger à vouloir tout comprendre, tout expliquer ? A force de vouloir tout rationaliser, nous risquons de tomber dans le piège des certitudes… Voilà bien un joug pesant ! Si le fardeau que tu portes est trop lourd, dépose plutôt le poids de ce que tu traverses en Dieu, qui saura toujours croire en toi…  Si ton cœur est trop lourd —parce que la vérité reste cachée— dépose ce que tu es en celles et ceux que tu aimes. Alors, tu trouveras le repos…

"Je suis doux et humble de cœur" 

Le joug du Christ est bien celui de la douceur ! Et voilà notre programme d’été, nos travaux de vacances ! Avoir avec les personnes que nous rencontrerons, les uns envers les autres, une douceur d’avance ! Nous le savons, la douceur n’a pas bonne presse. Dans le langage courant les ‘doux’ sont un peu mous, faibles, presque lâches ! Au contraire, la douceur évangélique est cette faculté d’ouverture à l’autre. C’est elle qui nous donne de nous relier, d’écouter sans juger ce qu’un proche a des difficultés à partager. La douceur est ce qui nous met à sa hauteur, à sa vitesse. La douceur est ce qui calme la raideur des principes, la froideur des arguments des savants, des sachants ! La douceur est cette tendresse, cette humilité, cette non-violence, cette capacité d’adaptation aux circonstances.

La douceur est bien ce mystère humain qui offre toujours du sens, et que les tout-petits de l'évangile ont compris avant tout le monde ! Oui, lorsque nos fardeaux deviennent légers, le mystère de Dieu se découvre en nous, se dévoile, se révèle peu à peu, pas à pas. Dans le temps d'une rencontre. Dans la douceur et l’humilité. Amen.