16ème dimanche du temps ordinaire (A)

Auteur: Jean-Baptiste Dianda
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

Voici encore trois paraboles sur la construction lente et patiente du Royaume de Dieu. Je voudrais m’attarder sur la parabole du Semeur, ce Semeur généreux, semeur à tous vents !déjà entendue dimanche dernier ! Aujourd’hui ce Semeur doit faire preuve de sagesse face à un nouveau problème dans son champ. Un adversaire a tenté de saboter sa semence en semant de nuit l’ivraie (la zizanie). Lorsque les jeunes pousses sortent de terre, on s’aperçoit qu’elles sont mélangées à l’ivraie, herbacée particulièrement nuisible aux céréales. Que faut-il faire ? Voilà la question ! Nous sommes souvent embarrassés devant les choix à faire. Faut-il éliminer, extirper l’ivraie…Cette réponse est néfaste, nous dit l’évangile, car alors on risque de tout détruire, à la fois l’ivraie et le blé. 

Le monde ancien était séparé en deux camps : celui des choses que l’on croyait « agréables » à Dieu, et celui des choses qu’on pensait « répugnantes » à ses yeux. Cette façon « archaïque » de voir les choses et les gens est plus actuelle que jamais. Où que nous regardions, nous retrouvons la distinction entre juste et faux, bon et mauvais, conforme et non conforme. Ces frontières entre les humains passent aussi par chacun de nous.

Cet évangile veut lutter contre tout ce qui est intolérance, fanatisme et purification. Il est une belle leçon de vie et d’humanité. On ne peut pas se permettre de condamner. Le problème n’est pas de purifier mais de donner toute sa chance à ce qui est bon. Tout ce qui est vrai et veut grandir a besoin de temps et doit le prendre ; c’est une loi toute simple de l’existence. Notre propre vie mérite qu’on croit à ce droit de maturation de tout ce qu’elle porte. Nous ne ferons rien de bon si nous sommes intolérants, fanatiques, si nous faisons le tri en cherchant tout le temps la petite bête partout. Nous serons forts par le rayonnement et non par la condamnation.    

Jésus fait preuve « d’une grande patience et d’une admirable tolérance ». Ce n’est pas une attitude de lâcheté ou de démission ! C’est l’affirmation de ce que Dieu ne désespère jamais de l’humanité et qu’il offre toujours à chacun le temps et la possibilité de devenir meilleur. Le Royaume pousse lentement, et si l’ivraie s’y trouve mêlée, ce n’est que pour un temps. Dieu apparaît comme le cultivateur réaliste, celui qui sait qu’il n’y a pas dans la création un terrain parfait ! Il ne s’étonne pas de découvrir l’ivraie dans le champ du blé. Il nous invite à partager sa patience, à accepter l’ivraie que nous voyons chez les autres et qu’il y a aussi (malheureusement !) en nous : nos limites, nos manques d’amour, nos misères…laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson !       

Frères et sœurs, l’évangile ne peut changer le monde malgré lui. Les disciples de tous les temps, peuvent constater chaque jour que le règne de Dieu advient dans un monde où d’autres options sont possibles, où d’autres influences jouent et restent actives. Ainsi, tant qu’il y aura du blé, il y aura l’ivraie ; tant que le monde sera  monde, le mal restera présent et agissant. Comment réagir alors dans un monde marqué par une telle ambiguïté ?

Il n’entre donc pas dans le plan divin  que le bien puisse se cultiver seul dans un monde préservé. Les valeurs du règne de Dieu ont à prendre corps dans un monde bien réel où elles ne sont pas seules. L’expérience de foi ne saurait se vivre en ghetto, dans un monde aseptisé.  L’évangile doit faire face aux vents contraires. Si en effet la foi doit se vivre au milieu du monde tel qu’il est (teinté d’ambiguïté !), et non au milieu d’un monde préservé (une espèce de ghetto !), cela signifie qu’elle doit considérer comme normal d’avoir à se battre pour survivre, elle doit s’attendre à se trouver confrontée à des façons de vivre et de voir qui ne sont pas les siennes.

Dieu, notre Dieu patiente infiniment. Nous aimerions bien mettre ceux qui font le mal hors d’état de nuire, oubliant que là où il y a zizanie et guerre, les responsabilités sont le plus souvent entremêlées. C’est en chaque homme, en chaque existence que le bon grain et l’ivraie croissent, en même temps, à des degrés divers. Heureux sommes-nous car « la toute puissance » de Dieu se déploie dans la miséricorde et la patience : il donne à chacun le temps de la maturation. Même contredit, concurrencé,  le règne de Dieu fera son chemin et on ne saurait douter de l’aboutissement heureux! Il nous invite donc à la confiance ! Et surtout à « la patience envers les autres et au refus du jugement d’exclusion ». Amen.