Il n’a même pas un lit, ni une maison, l’enfant de la crèche. C’est non seulement dans un grand dénuement et ignoré de tous, que le Christ vient au monde. Mais c’est aussi dans un grand désarroi familial : Joseph sait qu’il n’est pas le père. C’est difficile d’accueillir d’emblée comme le sien l’enfant qui ne l’est pas, de le reconnaître comme son propre sang.
Ce petit enfant qu’il est difficile d’accueillir c’est le Christ en nous. Et l’effort qui nous est demandé, c’est de le reconnaître comme notre propre chair.
Nous aussi, il nous arrive d’être dans un grand dénuement, de nous sentir ignoré de tous. Qui ici n’a pas vécu des élans de générosité qui ont été mal reçus, des gestes d’amour qui ont été méprisés ? Qui parmi nous n’a jamais connu le désarroi, ressenti de la solitude, éprouvé de l’abandon ? au point parfois de ne pas se sentir mieux traités que des animaux dans une étable ? Ce petit enfant dans la crèche, c’est nous.
Nous avons tous gardé ce désir qu’ont les enfants d’aimer spontanément. Peut-être en avons nous juste enfoui l’innocence, à forces de blessures. Mais au départ, tous ici, nous ne désirions qu’aimer. Et si les aléas de la vie ont tempéré cet élan naturel d’amour pour les autres que nous avions étant enfants, nous ne désirons toujours qu’aimer. Si nous sommes rassemblés ici, particulièrement en ce temps de Noël, c’est bien parce que nous voulons proclamer notre désir authentique d’amour. Il est toujours vivant le petit enfant de la crèche qui habite en nous, l’amour innocent qui veut s’incarner au milieu du désarroi du monde et des familles. C’est aujourd’hui que nous célébrons sa venue. Voilà Noël.
Comme Marie, tout au long de notre vie, nous enfantons le Christ humain – par nos relations, par notre générosité quotidienne, par les élans de notre cœur – mais c’est Dieu qui enfante en nous le divin. A l’instar de Joseph, tous, tout au long de notre vie, nous peinerons à reconnaître cette parcelle de divin qui nous habite comme notre propre chair. Au point de parfois douter de nos propres capacités d’aimer. Il y a des fois où l’enfant innocent que nous étions – et qui ne désirait qu’aimer – nous semble désormais étranger, comme une autre chair. Mais que dire alors de la présence de Dieu en nous que cet enfant incarnait plus spontanément que nous, désormais adultes ? Nous restons humains et nous peinons à reconnaître notre caractère divin. Noël, c’est aussi le temps de retrouver notre préciosité propre – la valeur que nous avons aux yeux de Dieu et que l’innocence de notre enfance incarnait si bien. Il n’y aura pas d’authentique désir d’aimer si nous ne nous aimons pas nous-même. Noël, c’est aussi accepter de reconnaître la merveille que nous sommes aux yeux de Dieu.
Finalement, le confinement correspond assez bien à l’esprit de Noël. Tout est sombre ; c’est la solitude de la nuit ; seule brille une petite crèche. Cette crèche c’est nous – elle brille au fond de notre intimité – et c’est en nous que naît l’enfant-dieu, en nous que s’incarne l’amour divin. Voilà Noël. Si nous nous replongeons dans l’innocence de notre enfance, nous voyons que c’est à travers nous que naît le divin enfant. Tous, chrétiens, nous sommes de réelles crèches vivantes.
Prenez le temps de regarder ceux qui vous entourent et dites-leur « tu es, pour moi, la plus belle de toutes les crèches ». Faites cet exercice en famille, avec ceux que vous aimez. Regardez-les et dites-leur : « c’est en toi que je vois naître l’amour divin. » Voilà Noël.
Faites-le avec vous-mêmes aussi. Je vous conseille cette petite prière pour ce soir : « Merci mon Dieu de naître en moi. »
C’est Noël. C’est le moment où, au milieu des vicissitudes de notre temps, nous retrouvons l’enfant qui toujours dit en nous : « Depuis que je suis venu au monde, je ne désire qu’aimer. »