18ème dimanche ordinaire (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 1/08/21
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2020-2021

En 1858, le poète Frédéric Caumont écrivit ces vers :

« Tout ne va pas, dans ce bas monde,
Toujours au gré de nos désirs,
Et bien souvent un ver immonde
Se glisse au cœur de nos plaisirs.

Alors nous faisons bouche amère ;
Nous nous plaignons de notre sort,
Et toujours notre dépit éphémère
Trouve des charmes à la mort.

L'homme est étrange créature !
Si sottement il se conduit
Que, pour un peu de pourriture,
Il jette au loin le meilleur fruit.

L'homme se tourmente de chimères,
Il court après ce qui n'est pas ;
Il est la cause de ses misères ;
Puis lâchement redoute le trépas !

Nous avons cent raisons pour rire,
Contre une, à peine, pour pleurer ;
Sachons donc le voir et le dire,
Et cessons enfin de tant soupirer ». 

Cette poésie, vieille de presque un siècle et demi, illustre assez bien l’attitude du peuple hébreu, telle que nous l’avons entendue dans la première lecture ainsi que celle de la foule qui suivait Jésus après avoir mangé à satiété.  Un peu comme si nous n’étions pas capables d’apprendre au long de tous ces siècles.  Commençons par le peuple hébreu.  Ils sont à peine sortis de l’esclavage qu’ils sont prêts à y retourner.  Etrange paradoxe : d’un côté, il y a l’attrait pour la liberté avec toute sa part de responsabilité et de l’autre, un retour en esclavage où une certaine tranquillité leur est assurée puisqu’ils pourront avoir à manger.  Un peu comme si l’être humain avait peur de la liberté.  Il est vrai que devenir un être libre n’est pas de tout repos.  La liberté demande à la fois la connaissance et la volonté.  Je dois toujours chercher à savoir ce que je fais ou ce que je vais faire.  L’apprentissage de la connaissance demande ainsi un peu de temps.  Vient ensuite mon désir de vouloir le faire.  Connaissance et volonté sont les fondements de la liberté et c’est à partir d’eux que se fonde notre responsabilité puisque toute entrave tant vis-à-vis de la connaissance que de la volonté va avoir une incidence sur notre degré de responsabilité.  La liberté ainsi comprise n’est pas donnée une fois pour toute, elle se vit et se construit à partir des choix que nous posons.  Elle est exigeante et requiert un effort sérieux de notre part.  Mais n’est-ce pas justement cela être capable de prendre sa vie en main, d’accomplir sa destinée ?  Cette dernière ne peut se faire qu’avec l’arme de la liberté.  Nous pourrions alors, comme le peuple hébreu, être tenté de revenir en esclavage.  L’esclavage de la paresse qui n’attend plus de nous que nous réfléchissions.  L’esclavage des personnes qui préfèrent simplement obéir aux ordres comme des automates et non plus comme des êtres autonomes.  L’esclavage des gens à qui ont dit ce qu’ils doivent faire.  C’est cet esclavage précisément qui anéantit la liberté des enfants de Dieu à laquelle nous sommes appelés.  Et nous nous trouvons à notre tour, comme la foule qui suivait le Christ, devant un choix : tranquillité ou responsabilité ? Cette foule, à son tour, recherche plutôt la tranquillité.  Pourquoi Jésus ne pourrait-il pas continuer de les nourrir ?  Ils n’auraient plus qu’à le suivre tout en ayant plus rien à faire et tout en vivant sans tracas.  Notre Dieu satisferait ainsi tous nos désirs et tous nos manques.  Il serait une sorte de Dieu Touring-Secours, disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.  Un tel Dieu ferait tomber la pluie lorsque nous l’estimons nécessaire et ferait ensuite briller le soleil.  Il est ce Dieu que nous sommes tentés de rechercher lorsque nous sommes confrontés à l’injustice de la souffrance et de la maladie.  Nous aimerions alors tant qu’il nous guérisse ou nous rende l’être aimé parti trop tôt.  Nous accepterions qu’il puisse changer ainsi le cours naturel des événements pour que nous n’ayons plus à souffrir. Quête humainement légitime ?  Sans doute !  Et pourtant, pourtant le Dieu de Jésus-Christ refuse que nous l’enfermions dans de telles images.  Il ne nous veut pas des êtres tranquilles mais plutôt des êtres responsables !  Notre Dieu révélé en Jésus-Christ et inspiré par l’Esprit, nous convie à devenir des êtres libres qui participent activement à son œuvre de Création.  Il a besoin d’hommes et de femmes debout, en marche, prêts à s’engager pour son Royaume.  Il ne nous laisse pas seuls cependant, il nous offre ce qu’il est : le pain de vie.  Puissions-nous ne jamais oublier : Celui qui vient à lui n’aura jamais faim ; celui qui croit en lui n’aura jamais soif.

Amen