23ème dimanche ordinaire (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 5/09/21
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2020-2021

Jamais, ô combien jamais, je n’aurais cru que ma chère maman se nourrissait à ce point de l’évangile pour vivre sa vie.  Ce fut pour moi une véritable surprise.  J’ai compris cela en méditant l’évangile de ce jour.  En effet, tout comme Jésus, lorsque nous étions petits et que nous tombions ou que nous étions piqués par des orties ou par une guêpe, elle mettait un peu de sa salive sur un morceau de mouchoir et elle l’étendait sur le lieu meurtri.  C’était vraiment magique.  Elle accomplissait ainsi de véritables miracles.  Nous étions guéris et nous pouvions reprendre nos jeux là où nous les avions laissés avant notre blessure. 

Aujourd’hui encore je me pose la question de savoir comment il est possible qu’un peu de salive puisse à ce point nous guérir et nous remettre debout ?  Il est évident qu’avec toutes les règles sanitaires actuelles, ce genre de traitement médical n’est plus tout à fait conseillé.  J’imagine mal le Christ nous demander d’enlever notre masque pour pouvoir toucher notre langue.  Quoiqu’il en soit, il se passe quelque chose d’extraordinaire et pourtant de tellement banal.  Il s’agit en fait de cette attention toute particulière que nous pouvons exprimer les uns aux autres.  Cette attention conduit à une forme de compassion, d’empathie par rapport à ce que nous vivons.  Faire attention à la blessure de l’autre, tout en douceur, tout en tendresse, c’est lui permettre de se rendre compte qu’il n’a pas à s’enfermer dans sa douleur.  Il n’est ainsi plus seul dans son malheur.  Voici donc le premier pas vers une guérison possible : prendre conscience que je ne suis plus seul dans ma peine.  Je découvre que l’épreuve que je traverse est moins lourde à vivre parce qu’elle est tout simplement partagée.  Je ne suis plus le seul à la porter.  Pour le dire autrement, je peux en tout quiétude me déposer en celle ou celui qui porte une attention à mon égard et qui par son attitude, son regard, une parole peut me faire découvrir que la compassion se vit toujours de manière partagée.  Cette attitude est essentielle car, tout comme le sourd-muet de l’évangile, celui-ci est amené au Christ.  Il est accompagné dans sa démarche pour nous rappeler que nous avons toujours besoin les uns des autres.  Sortir de la solitude est le première condition de la guérison.  Vient ensuite le moment où l’autre prend le temps de s’arrêter pour contempler cette personne en souffrance.  Par ces marques d’attention et de compassion, il permet à l’être blessé de ne pas se réduire à sa souffrance ou à se blessure et lui rappelle ainsi qu’il est beaucoup plus que ce qu’il traverse pour le moment.  Mieux encore, en redonnant tout sa dignité à la personne, celle-ci peut sortir de sa solitude et découvrir qu’elle compte à nouveau pour quelqu’un d’autre.  Il n’est plus seul. Il existe.  Il compte pour un autre.  Il a tout sa place au cœur de ce monde.  Ce que le Christ a fait et nous invite à faire à notre tour, c’est d’aider un autre être humain à sortir de sa prison intérieure dans laquelle il s’était peut-être enfermé.  Sa surdité mais également son mutisme étaient les expressions de son mal-être, de sa difficulté à entrer en relation car tout lui semblait si hostile.  Pire, peut-être que sa propre situation ne lui donnait plus aucun droit de parler.  Il n’existait plus aux yeux de la société.  Par lassitude, il était devenu sourd à tout ce qui se passait autour de lui.  Il suffit alors d’une rencontre pour à nouveau ouvrir ses oreilles et oser prendre la parole.  Par son attitude, le fils de Dieu exprime de manière claire ce qui permet à un être humain d’entrer dans son chemin de résilience telle qu’elle a été décrite par le psychiatre Boris Cyrulnik.  Il suffit de pas grand-chose, juste une attention parfois suivie d’une compassion lorsque la relation prend, voire reprend naissance.  Il suffit donc de pas grand-chose pour permettre à un autre être humain de se libérer de ses propres surdités et de son mutisme.  Il suffit juste de cela pour que la parole puisse à nouveau se dire puisqu’elle a été libérée.  La communication à nouveau établie devient alors véritable communion.  Alors, si lorsque j’étais enfant, ma chère maman, tout comme les vôtres vraisemblablement, a pu accomplir de tels miracles, aujourd’hui arrivés à l’âge adulte, c’est à notre tour de nous arrêter, de porter notre attention et de vivre de cette compassion.  C’est tellement humain.  Mieux encore, c’est tellement divin.

Amen