Saint Dominique

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 8/08/21
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2020-2021

Comme vous le savez, Dominique a vécu au temps de saint François d’Assise, c’est-à-dire au Moyen Âge.  C’était un prêtre espagnol qui vécu dans le sud de la France, dans la région de Toulouse.  Et c’est là qu’il avait rencontré les cathares, c’est-à-dire des gens qui croyaient que la nature, le monde créé étaient mauvais, qu’il n’y avait qu’une seule bonne chose, l’étincelle divine qui était dans le corps de l’homme et que cette pauvre étincelle était prisonnière d’un corps sale et appelé à pourrir. 

Ces cathares ne pouvaient donc pas imaginer que c’était Dieu lui-même qui avait créé tout cela, la terre, le ciel, les arbres, les oiseaux, l’homme, la femme.  Non, pour eux, pour les cathares, tout cela n’était que pourriture et il valait mieux mourir tout de suite, ou en tout cas ne pas avoir d’enfant.  C’est contre cela que Dominique avait voulu réagir et dire partout dans le sud de la France que non, ce n’était pas vrai, tout ce qui existe a été créé par Dieu, qu’il l’avait créé par amour et que Dieu avait trouvé tout cela beau et bon.  Alors, on pourrait croire que Dominique a eu tout de suite du succès, qu’il a été tout de suite entouré de frères et de sœurs, et qu’il a pu continuer sa vie, entouré d’amour et d’amitié.  

            Mais non ! Il n’en est rien.  Dominique a été seul pendant dix ans.  Pendant dix ans, il a parcouru la région de Toulouse, sans or, ni argent, sous la pluie, comme sous le soleil brûlant, et pis encore, entouré de la haine des habitants, les cathares.  Il arrivait parfois que, lorsqu’il arrivait dans une ville ou un village, les enfants lui jetaient de la boue et des détritus à son passage.  Les hommes lui lançaient même de la paille sur le dos comme s’il était un âne.  On a même voulu le tuer.  Il y a près de Fanjeaux, dans la région de Toulouse, une grosse pierre qui est dressée au bord de la route.  Elle rappelle l’endroit où des cathares s’étaient rassemblés et avaient prévu de le tuer.  On l’appelle la pierre de l’attentat.  Oui, c’est intéressant de méditer cette partie de la vie de Dominique, quand Dominique n’était pas encore dominicain, quand il n’avait pas encore autour de lui des frères et des sœurs pour partager son idéal.

             Et la question qui se pose est de savoir comme il a pu faire pour tenir ainsi pendant dix ans, au milieu de la haine des cathares, sans argent et sans succès.  Il a dû connaître le doute, il a dû connaître des moments de découragement où il a dû se dire que ce serait plus simple et plus utile d’être de retour à Osma, dans son diocèse, en Espagne.  Là au moins il ferait du bon travail et il serait soutenu par les prêtres, ses frères.  Mais non, il a continué sans doute parce que ce n’était pas possible pour lui de laisser tous ces gens croire que la vie sur terre est une punition et que Dieu ne les aimait pas tels qu’ils étaient, avec leurs qualités, comme avec leurs défauts.  Il a sans doute vécu les mêmes moments que Mère Teresa ou que le Père Damien.  Des moments de doute et puis brutalement l’éclair d’une conviction : non, je ne peux pas laisser ces gens comme cela.

            Et c’est sans doute cela une leçon que nous pouvons tirer de cette célébration : retrouver en nous ce cri d’amour que nous avons tous pour quelqu’un en particulier.  On raconte que Dominique le soir pleurait en disant : « que vont devenir les pécheurs ? » Mère Teresa et le Père Damien, eux aussi, ont dû se dire : « que vont devenir les pauvres mourant à Bombay ? », ou « que vont devenir les pauvres lépreux de Molokai ? » Et nous, nous avons nous aussi tous notre petite mission à remplir ici sur terre : celle de veiller sur notre prochain.  Non pas en voulant le sauver malgré lui, mais en faisant comme la petite Thérèse de Lisieux dans son monastère de carmélites.  Quand elle était trop fatiguée pour marcher, elle décidait de se lever et de marcher, en pensant aux missionnaires qui, dans les forêts les plus épaisses, comme dans les plaines les arides, avaient du mal à marcher pour aller à leur poste de mission.  Il y a mille choses que nous pouvons faire les uns pour les autres, et la première, c’est de prier.  C’est ce que nous faisons ici, réunis pour porter et être portés par la prière communautaire.  Il y a aussi le chapelet.  C’est si simple d’offrir une dizaine, rien qu’une dizaine de chapelets pour l’une ou l’autre personne que nous aimons bien ou que nous n’aimons pas assez.  C’était peut-être cela qui a soutenu saint Dominique pendant ses dix années passées seul dans la région de Toulouse.  Il était soutenu par la prière de son évêque, Diègue d’Osma qui depuis le ciel veillait et priait pour lui. Mais il y avait aussi l’eucharistie, car Dominique y croyait et la célébrait régulièrement même pendant les moments les plus difficiles de haine et de mépris.  Nous ne sommes pas seuls, nous sommes portés par la prière de nos frères et sœurs, et nous sommes soutenus par la force de la sainte eucharistie.  Avec elle, grâce à elle, transmettons aux autres ce que nous avons reçu de Dominique, une parole de vie et de liberté.


Philippe Henne