Premier dimanche de Carême

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 6/03/22
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Jésus jeûna quarante jours ; après cela, il eut faim.  Cela n’a rien d’étonnant.  Après quarante jours de jeûne, Jésus pouvait bien avoir faim.  Déjà, nous, quand nous jeûnons, nous avons faim dès le début de la journée.  C’est peut-être psychologique, mais c’est comme cela : on a tout de suite faim.  Cela peut même devenir une obsession.  En tout cas, cela prouve une chose : c’est que Jésus est vraiment un être humain.  Un esprit n’a pas faim.  Non, Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu. 

            Mais il y a quelque chose de plus subtil dans cette précision : « après quarante jours ».  La tentation ne vient pas au début d’une entreprise.  Ce n’est pas au début du mariage que les tentations sont les plus fortes, mais c’est après des années et des années de vie commune, parfois après quarante ans.  Parce que, au début, c’est l’enthousiasme avec la découverte, puis c’est l’habitude, et parfois c’est la monotonie qui s’installe, avec la déception et la désillusion.  C’est alors que les tentations sont les plus fortes.  Il y a la tentation du changement, le désir de changer de vie, de voir ailleurs, de faire autre chose.  C’est pour cela que Jésus peut répondre aussitôt au diable : « l’homme ne vit pas seulement de pain », c’est-à-dire que l’homme n’a pas seulement besoin de changer de partenaire, de métier, de cadre ou d’environnement.  L’homme a surtout besoin de vivre autrement.

            Vivre autrement, cela veut dire vivre plus profondément, quitter la lourdeur de la monotonie pour trouver un nouvel objectif commun.  C’est pour cela que l’évangile de Matthieu ajoute que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.  On a tous besoin de pain pour vivre, mais il nous faut quelque chose d’autre, quelque chose de plus vrai, de plus profond.  Et c’est le défi qui est lancé dans tous les couples, dans toutes les paroisses : dépasser la routine de l’habitude pour arriver à avoir de nouveaux projets, de nouveaux défis que l’on pourrait relever ensemble.  Et c’est cela sans doute ce que le pape nous propose avec la nouvelle démarche synodale : trouver une nouvelle façon de vivre la même chose, de vivre notre foi d’une façon plus ouverte et plus engagée.  Cela pourrait être en rendant visite aux malades, ou en donnant un peu de son temps à la banque alimentaire, ou en accueillant une personne seule et isolée.

            C’est sans doute cela que la liturgie nous apprend avec sa nouvelle formule de prières.  Après le Notre Père, nous demandons à Dieu de nous mettre à l’abri de l’épreuve.  De quelle épreuve s’agit-il ? Des épreuves, il y en a toujours, les épreuves de la maladie, de la séparation, de la mort.  Mais ici il s’agirait de l’épreuve de la tentation, car nous vivons dans la tentation du désespoir et du découragement.  Beaucoup de chrétiens se plaignent des églises qui se vident, de enfants qui ne pratiquent plus, de la guerre qui menace.  Et c’est la tentation du découragement après quarante ans de vie chrétienne, de prières et de découragement. 

            Or c’est justement en ces périodes difficiles qu’il faut retrouver l’essentiel de notre vie : non pas les foules, mais la qualité de la prière pour chacun d’entre nous, non pas la gloire extérieure, mais la joie intérieure, celle qui vient de la vie à proximité de Dieu, dans la prière et dans le service.
            Non, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais après quarante jours de jeûne et de désert il a besoin de la Parole de Dieu, de cette parole pleine de tendresse et d’amour que Jésus nous murmure tous les jours à notre oreille.