Pâques

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 14/04/22
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Hier, dans la nuit pascale, nous avons médité sur la Résurrection.

Nous avons d’abord scruté les morts en nous : les deuils que nous portons : deuils des autres – les êtres chers dont la présence nous manque – deuils de nous-même – ces vies rêvées, ou simplement envisagées, que nous n’avons pas eues, toutes les blessures et les méchancetés que nous avons subies et qui nous ont changés.

Autre deuil que nous portons : celui de la personne juste et aimante que nous voudrions être et que notre péché tue à petit feu.

La confrontation à la mort est toujours un challenge pour notre foi – peut-être vous souvenez-vous, j’avais pris l’exemple de Mère Teresa tombée dans la nuit spirituelle à force d’avoir enterré des morts. Précisément, la mort met à l’épreuve notre foi en la toute-puissance de Dieu et donc celle en la Résurrection.

Dans notre enquête sur la Résurrection, nous avions d’abord évoqué le fait de maintenir vivant en nous le souvenir de nos chers défunts, de continuer à les aimer au-delà de la mort, d’incarner à notre tour ce qu’ils nous ont transmis. Et peut-être que nous-même, nous suffirait-il qu’au-delà de notre mort, on se souvienne simplement de nous avec amour et tendresse ? Que la mémoire de quelqu’un ressuscite lorsque l’on pense à lui, nous le concevons fort bien mais cela n’explique pas la résurrection des corps.

Une intuition peut-être plus parlante est de considérer que, comme il y a des paroles qui blessent et qui tuent, il y a des paroles qui nous retissent de l’intérieur et nous ressuscitent. Il y a des paroles de mort et il y a des paroles de vie. Si ceci n’explique pas pleinement la résurrection des corps, cela démontre au moins la puissance charnelle de la parole de Dieu : les paroles d’amour nous reconstruisent autant spirituellement que physiquement.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les Évangiles eux-aussi restent flous sur le sujet. Deux constantes, cependant, au fil des récits : tous les disciples peinent à reconnaître le Jésus qu’ils ont connu quand ils voient le Ressuscité et, par ailleurs, les textes insistent beaucoup pour nous faire comprendre qu’il n’est pas un pur esprit : il mange ; il marche ; on peut le toucher ; il a un corps.

Évidemment, un mystère élucidé n’en est plus un. Et la résurrection d’entre les morts restera pour nous un mystère tant que nous ne la vivrons pas. Ici-bas, nous ne pouvons compter que sur une apparition du Ressuscité ou le témoignage d’une telle apparition, toutes affirmations qui pourront toujours être mises en doute.

La Résurrection d’entre les morts est donc une question de foi, au même titre que la divinité du Christ. Au fond, toute la foi de l’Église repose sur un seul mot – ὤφθη – aoriste du verbe ὁράω qui signifie voir : « Ils l’ont vu revenir d’entre les morts », littéralement « Il s’est donné à voir ressuscité. »

Comme tout article de foi, le dogme de la Résurrection s’incarne dans l’Église d’aujourd’hui. Essentiellement sous les deux formes de la Communion : l’Eucharistie et la communauté ecclésiale. C’est sous ces deux réalités que le corps du Christ nous apparaît désormais. Que l’on supprime le dogme de la présence réelle de Dieu, dans l’hostie consacrée ou lorsque quelques uns sont réunis en son nom, et nous ne sommes plus qu’un club de penseurs chrétiens qui partagent un simple repas. Nous aurions alors perdu l’incarnation de Dieu avec la mise au tombeau du Christ, dont nous ne ferions plus que partager le souvenir.

Si nous ne sommes plus que ça – un groupe qui partage et propage la philosophie du Christ – alors nos assemblées ne sont plus communions au mystère divin ; elles ont perdu la présence réelle de Dieu.

Si nous proclamons que le Christ est ressuscité et aujourd’hui vivant parmi nous, alors nous devons incarner cette présence, cette résurrection. Le Christ nous a envoyé en mission et, pour ce faire, il nous a dotés de l’Esprit Saint. C’est à travers notre communion, le mystère de l’amour que nous éprouvons entre nous et pour Dieu, que désormais la puissance résurrectionnelle de Dieu – la vie du Christ – se donne au monde.

Aujourd’hui c’est Pâques et c’est à travers nous que le Christ ressuscite. C’est à travers nous que cette puissance d’amour qui transcende la mort est désormais donnée au monde. C’est à nous qu’il appartient de vivre, d’aimer comme si nous étions éternels. La foi en la Résurrection d’entre les morts n’est pas qu’une séduisante idée, une belle théorie qui nous aiderait à affronter les aléas de la vie voire la mort. La foi en la Résurrection des morts, ce doit être notre mode d’être au monde, notre mode de vie, notre mode d’aimer. La foi en la Résurrection d’entre les morts, ce n’est pas tant pour nous une croyance. C’est avant tout le ressort vital qui tend toute notre existence, toutes nos relations, tout notre amour vers le divin.