11e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Jésus est vraiment compliqué.  Pourquoi ne parle-t-il pas comme tout le monde ? Pourquoi parle-t-il en paraboles ? Est-ce qu'il vous viendrait à l'idée, un jour, de demander à table : « ô aimable personne qui m'accompagne dans la vie, ne pourrais-tu me passer un peu de cette poudre blanche qui donne tant de goût aux aliments et qui les protège parfaitement ? » Ce serait plus simple de dire : « passe-moi le sel, s'il te plaît »  Et ce n'est pas fini.  Non seulement Jésus parle en paraboles, mais il donne des explications, en particulier, aux apôtres.  Et pourquoi, s'il vous plaît ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de recevoir moi aussi toutes les explications nécessaires ? Pas étonnant que je me sente parfois perdu, si on me cache tout, si on ne me dit rien.   Voyons tout cela calmement. 
Commençons par les paraboles.  Les paraboles sont de petites histoires qui cachent ou qui révèlent de profondes vérités sur l'homme et son destin.  Ce n'est pas comme les fables.  Prenons les fables de La Fontaine, le renard et le corbeau, par exemple.  C'est comme une petite pièce de théâtre qui illustre les dégâts de la flatterie.  C'est amusant, c'est vivant, c'est plus amusant qu'une homélie.  Mais une fois qu'on a entendu l'histoire, bon, ça va, ça suffit, on a compris.  Par contre, une parabole se médite toute la vie.  Regardez la première de ce jour.  « Qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit ».  On ne lit pas, on ne comprend pas, on ne médite pas cette phrase de la même façon quand on a sept ou septante-sept ans.  « Qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit » : à sept ans, le plus effrayant, c'est de se lever et de travailler, au lieu de jouer.  A septante-sept ans, la semence ne grandit plus, la plante se fane peu à peu, et c'est avec envie et admiration que l'on voit les plus jeunes se développer, rayonner de vie et de vigueur.  C'est le cycle de la vie qui est ici évoqué en peu de mots.  Non, on ne lit pas de la même façon une parabole à sept ou à septante-sept ans.  C'est qu'il y a des vérités tellement fines, tellement profondes que l'on n'ose pas les révéler à n'importe qui, n'importe comment.  Je me suis senti un jour comme violé quand une personne a tellement insisté et m'a tellement manipulé que j'étais comme obligé d'expliquer quand et comment j'ai rencontré Jésus.  C'est ma vie.  C'est le plus intime de ma vie.  Je l'ai parfois raconté, c'est vrai, mais uniquement à des personnes avec lesquelles j'étais en grande intimité et confiance.  Il y a des choses trop belles pour être jetées comme cela au grand public, dans les journaux, à la télé, sur le net.  L'amour que Jésus a pour chacun d'entre nous est tellement beau, tellement grand qu'il ne peut pas être jeté n'importe comment, n'importe où, à n'importe qui.  Il doit tout d'abord être vécu, il doit tout d'abord être ressenti. 
Et c'est sans doute la raison pour laquelle Jésus explique davantage de choses aux apôtres.  C'est parce qu'ils ont beaucoup marché ensemble.  Ils ont eu faim, ils ont eu chaud, ils ont connu la fatigue, le découragement, la joie d'être accueillis, l'humiliation d'être rejetés.  Ils ont partagé beaucoup de choses ensemble, des choses simples, des choses vraies, pas des choses intellectuelles, de belles discussions sur l'amour et la solidarité.  Cela, ils l'ont vécu, l'amour et la solidarité quand ils marchaient le soir sous une pluie battante, quand ils cherchaient le midi un peu d'eau sous un soleil brûlant.  Il y avait une telle solidarité entre eux, une telle connivence que Jésus pouvait leur parler de son Père qui est dans les cieux.  Les apôtres ne comprenaient pas, mais ils sentaient que c'était sérieux et ils ne se sont pas moqués de Jésus parce qu'il disait des choses incompréhensibles. 
Et c'est là sans doute le cheminement qui  nous est proposé aujourd'hui au cours de cette Eucharistie, de nous laisser impressionner par  Jésus, d'admettre que nous ne comprenons pas, mais que nous sentons qu'il se passe ici quelque chose d'important, quelque chose qui dépasse notre intelligence.  Alors, nous pourrons lui dire : « Merci, Jésus, pour tout ce que tu m'as dit et que tu me dis encore, je sens que c'est parce que tu m'aimes tellement et que tu me fais tellement confiance ».

Philippe Henne