L'évangile de Marc raconte l'institution du sacrement de l'Eucharistie par Jésus au cours du repas pascal : on remarque dans l'évangile qu'il est question des « préparatifs pour le repas pascal » et aussi de « manger la Pâque ». Le sacrement de l'Eucharistie a donc un lien avec la Pâque de Jésus ! C'est « le mémorial » de son « passage » de ce monde au Père (cf. Jn 13,1). Nous célébrons ce « mémorial » dans le cadre d'un repas parce que, selon Marc, mais aussi selon Matthieu, Luc et Paul, Jésus institua ce « sacrement » au cours du dernier repas qu'il prit avec ses disciples avant d'être arrêté et d'entrer dans sa Passion. Les évangélistes ont considéré ce repas comme un repas pascal, mais cela n'est pas possible puisque Jésus fut crucifié la veille de la fête de Pâque, donc bien avant le moment du repas pascal juif qui ne pouvait commencer qu'après le coucher du soleil. L'évangile de Jean évite cette difficulté en présentant Jésus comme l'Agneau pascal ; Jean le Baptiste proclame dès le début du quatrième évangile : « Voici l'Agneau de Dieu ! » Les agneaux qui devaient être consommés au cours du repas pascal étaient en effet mis à mort la veille de la fête, au début de l'après-midi. Or la fête juive de Pâque, cette année là, tombait un sabbat (samedi) ; les agneaux furent donc mis à mort le vendredi, au moment même où « l'Agneau de Dieu » était crucifié ! Pour saint Jean, la célébration eucharistique est donc le « mémorial » de la mort de Jésus, nouvel « Agneau pascal » mis à mort pour le salut du monde, pour le pardon des péchés : « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », avait prophétisé Jean Baptiste. Mais l'agneau pascal était mis à mort pour être mangé dans la nuit de la fête juive de Pâque. Il y a donc deux aspects dans la célébration eucharistique. C'est d'abord un repas pascal au cours duquel nous célébrons la présence du Ressuscité au milieu de nous: comme les disciples au soir d'Emmaüs, nous le reconnaissons à la fraction du pain. Mais c'est aussi le « mémorial » du don que Jésus fait de lui-même par amour de nous tous, de l'offrande qu'il fait de sa propre vie sur la croix (sacrifice ou offrande) et qui conduit au pardon de tous nos péchés et au renouvellement de la communion entre Dieu et toute l'humanité. C'est ce que nous rappellent les paroles de Jésus que nous reprenons : « ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. » Au chapitre 24 du livre de l'Exode, dont on a lu un passage, les deux traditions sont déjà mêlées. Celle du repas fait suite à celle du sacrifice. Le passage qui fait immédiatement suite à celui de la première lecture est celui-ci : « Moïse et les Anciens d'Israël montèrent vers Dieu. Ils virent Dieu. Sous ses pieds, il y avait comme un pavement de saphir aussi pur que le ciel. Ils contemplèrent Dieu. Ils mangèrent et ils burent » (Ex 24,9-11). Il est question ici d'un repas pris en présence de Dieu ! La première lecture (Ex 24,3-8) relate un sacrifice de jeunes taureaux. Moïse répand le sang des taureaux sur l'autel et sur le peuple. Ce rituel sanglant nous étonne : il s'agit d'un vieux rite d'alliance entre Dieu et son peuple. L'auteur de l'épître aux Hébreux (He 9) fait une relecture étonnante de ce rite sanglant en l'appliquant au « sacrifice » du Christ qui, à la fois, remplit la fonction de grand-prêtre et occupe la place de la victime offerte ; « Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache... » : en s'offrant lui-même, Jésus scelle la nouvelle alliance, définitive, entre Dieu et l'humanité, et l'offrande qu'il fait de lui-même est à la source de la rémission des péchés. Il ne s'agit plus d'un rite de purification extérieure par aspersion de sang comme autrefois, mais d'une purification intérieure qui atteint le plus intime de nos êtres et de nos consciences. Ces catégories - qui viennent du vieux culte israélite - nous déconcertent car elles nous sont culturellement étrangères. Il convient néanmoins d'essayer de les comprendre pour découvrir la richesse symbolique de la relecture chrétienne qui en a été faite aux premiers temps de l'Église. L'offrande que Jésus fait de lui-même sur la croix est unique et définitive et elle abolit tous les autres sacrifices sanglants qui n'ont plus de raison d'être : seul le sang de Jésus, versé une fois pour toutes, obtient le pardon des péchés et introduit dans la vie éternelle : « Qui boit mon sang, dit Jésus, a la vie éternelle » (Jn 6,54). Notre célébration eucharistique a donc de multiples significations : c'est la célébration du grand mystère du Christ qui donne sa vie pour le salut du monde ; c'est le « mémorial » du sacrifice sanglant du Christ qui a versé son sang sur la croix ; c'est la célébration de la Pâque victorieuse du Christ qui passe de la mort à la vie ; c'est la célébration de la Présence du Christ au milieu des siens dans le repas qui les rassemble ; c'est le repas où nous communions véritablement à la vie du Christ pascal et qui, en conséquence, nous unit les uns aux autres et construit la communauté de l'Église ; c'est la célébration de « l'action de grâce » (c'est le sens du mot « eucharistie ») que l'Église, rassemblée autour de Jésus ressuscité, adresse au Père dans l'Esprit-Saint, par le Christ, avec lui et en lui. Notre célébration eucharistique a donc de multiples significations : c'est la célébration du grand mystère du Christ qui donne sa vie pour le salut du monde ; c'est le « mémorial » du sacrifice sanglant du Christ qui a versé son sang sur la croix ; c'est la célébration de la Pâque victorieuse du Christ qui passe de la mort à la vie ; c'est la célébration de la Présence du Christ au milieu des siens dans le repas qui les rassemble ; c'est le repas où nous communions véritablement à la vie du Christ pascal et qui, en conséquence, nous unit les uns aux autres et construit la communauté de l'Église ; c'est la célébration de « l'action de grâce » (c'est le sens du mot « eucharistie ») que l'Église, rassemblée autour de Jésus ressuscité, adresse au Père dans l'Esprit-Saint, par le Christ, avec lui et en lui. Dans la troisième prière eucharistique, juste après la consécration, nous trouvons cet admirable résumé : « En faisant mémoire de ton Fils, de sa Passion qui nous sauve, de sa glorieuse Résurrection... nous présentons cette offrande vivante et sainte pour te rendre grâce. Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton Alliance. Quand nous serons nourris de son Corps et de son sang et remplis de l'Esprit-Saint, accorde-nous d'être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. » Nous n'aurons jamais terminé de méditer la profondeur du mystère eucharistique, le grand sacrement de la vie chrétienne depuis les origines du christianisme. Il n'est pas étonnant qu'il ait conduit à de nombreuses relectures des traditions de l'Ancien Testament à la lumière du Christ Jésus. L'essentiel pour chacun de nous est d'en vivre aujourd'hui. Le Seigneur Ressuscité nous invite à son repas pascal ; rendons grâce à Dieu notre Père « par lui, avec lui et en lui » et dans l'Esprit Saint. Frère Dominique CHARLES, o.p.
Le Corps et le Sang du Seigneur
- Auteur: Charles Dominique
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2011-2012