11eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 14/06/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B

PARABOLES POUR ECOUTER LES MESSAGES

Après 4 mois consacrés au mystère pascal (préparation et célébration), nous reprenons aujourd’hui la lecture continue de l’évangile de Marc et nous nous retrouvons au chapitre des paraboles. Celles-ci ne sont pas des images pour enfants du catéchisme, des petites histoires glissées pour agrémenter le récit, mais un mode fondamental d’enseignement de Jésus.

En effet le message qu’il ne cesse de proclamer est : « Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché ; convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (1, 15). Mais que signifie ce Règne de Dieu ? Comment « s’approche-t-il » ?

C’est pour répondre à ces questions que Jésus invente des paraboles. Il n’est pas possible en effet de donner une définition abstraite de cette réalité : que Dieu vienne régner n’est pas un dogme à croire mais un événement, une histoire qui se déroule et dans laquelle nous sommes invités à entrer. On ne parle pas du Royaume de Dieu comme d’une philosophie dont on peut discuter à l’infini, d’une religion qui apaise l’angoisse par quelques croyances et des rites. Le Royaume est acte dans l’histoire et c’est par nos actes dans notre histoire que nous l’accueillons, que nous le vivons et qu’il se développe. Celui qui fait comprend.

Il ne s’agit donc pas seulement d’une exhortation morale, d’un encouragement à être gentil et à faire le bien mais d’un appel à prendre la décision ultime qui décide du sens de la vie. « Le temps est accompli » c.à.d. il ne faut plus attendre un événement postérieur, une occasion meilleure : si « Dieu vient régner », il n’est pas et il ne sera jamais de meilleure nouvelle.

Mais ce Règne ne s’impose pas comme les souverainetés terrestres, il ne trace pas les frontières de son territoire et ne recourt pas à la puissance. C’est à chaque auditeur de se décider, de « croire », de faire confiance à Jésus en « se convertissant » c.à.d. en abandonnant ses idées mondaines, en remettant en question l’échelle de valeurs que le monde lui inculque, en changeant de manière de vivre, en choisissant de conduire son existence comme Jésus l’explique dans son Evangile.

Le Royaume se propose à la liberté : c’est pourquoi il se proclame, il est annonce, il est parole. Ce n’est pas un hasard que la première parabole soit celle du semeur : « Ecoutez ! Voici que le semeur est sorti pour semer… » (4, 3) et que le premier mot soit « Ecoutez ! ».

Le Règne de Dieu se reçoit par l’écoute du cœur et non de l’intelligence seule. Il n’exige aucun préalable, aucune condition. Il ne faut pas d’abord étudier la théologie ni avoir des mœurs impeccables ni montrer un bon caractère. Caïphe le grand prêtre le refuse tandis que Zachée le voleur l’accepte ; Ponce Pilate ne comprend pas, le bon larron s’y jette.

Ce Royaume, une fois inauguré par Jésus et l’Evangile, continuera son expansion sans que rien ne l’arrête ; et après un début infime, il se développera immensément. C’est ce que nous apprennent les deux petites paraboles de ce jour.

LA SEMENCE POUSSE …POUSSE …

Parlant à la foule en paraboles, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »

Lorsque nous avons un projet, nous réfléchissons aux potentialités offertes, nous craignons les obstacles éventuels qui vont surgir, nous appréhendons l’échec toujours possible. Il n’en va absolument pas de même pour le progrès de l’Evangile, dit Jésus, car, comme une graine, il possède en lui une force interne de croissance. Le fermier n’a pas à se tracasser, à tirer sur les feuilles, à venir en pleine nuit contrôler pour voir si tout va bien. La poussée est imperceptible, rien ne se remarque d’une heure à l’autre mais la vie éclot, le brin sort de terre, il grandit, devient épi et blé.

Jésus n’était pas un optimiste naïf: il était certain que le Royaume était le projet de son Père, qu’il devait l’annoncer, lancer ses paroles à tout vent. Certes il y aurait beaucoup d’échecs, beaucoup d’applaudissements factices, beaucoup d’adhésions sans lendemain mais le projet allait grandir dans tous les continents et jusqu’à la fin des temps. Alors le Grand Moissonneur récolterait tout le bien possible.

Un curé n’est pas un chef d’entreprise et le croyant ne peut être défaitiste. Osons poursuivre nos tâches, semons sans nous décourager, soyons créatifs, attentionnés mais surtout soyons certains que Dieu vient régner, que le mal ne l’emportera jamais.

Le bon Pape Jean XXIII racontait qu’au début, il vivait avec beaucoup d’anxiété, écrasé par l’ampleur de sa charge. Et, une nuit d’insomnie, il entendit l’Esprit lui souffler : «  Dis, Jean, qui dirige l’Eglise ? C’est toi ou moi ? » - Oh, c’est Vous, Seigneur – Eh bien alors, dors tranquille et laisse-moi faire ».

PETIT DEBUT … GRAND DEVELOPPEMENT

Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ?...Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Aujourd’hui tout le monde constate la présence de l’Eglise : ses édifices imposants, ses réseaux d’œuvres hospitalières et scolaires, ses chefs-d’œuvre artistiques. Mais au point de départ ? Comment apparaissaient Jésus, cet ouvrier de la campagne avec son ramassis de pêcheurs et d’hurluberlus qui le suivaient naïvement ? Ponce Pilate, Caïphe et les autorités, tous étaient bien d’accord : ce groupe allait disparaître aussi vite qu’il était apparu. Il y avait toujours des soi-disant révolutionnaires, des « prometteurs de Bon Dieu » qui se succédaient sur la scène publique et tous étaient oubliés après quelques années. Il en irait de même avec ce Jésus. Et on en était encore plus convaincu lorsqu’il avait été condamné et mis en croix comme un infâme. On avait fait une croix sur Jésus, il ne reviendrait plus.

Et pourtant ce même Jésus tourné en dérision ose paisiblement affirmer au peuple : L’œuvre que j’inaugure ne s’arrêtera jamais. Elle est minuscule : un petit groupe de pauvres perdus dans un coin de l’Empire romain, sans armes, sans ressources, sans intellectuels, sans appui de la grande finance. Eh bien je vous l’assure, des empires crouleront, des ambitieux ne laisseront que le souvenir de leurs carnages, des livres salués comme des chefs-d’œuvre moisiront dans les bibliothèques…mais la petite graine de l’Evangile n’en finira pas de s’étendre.

Comme des païens, nous misons souvent sur les grandes choses, nous cherchons des moyens importants avant de nous mettre à l’œuvre ; les rassemblements et les pèlerinages de masse nous impressionnent plus qu’une petite Eucharistie vécue avec quelques personnes âgées dans une église froide.

Il nous faut opter pour des moyens pauvres, miser sur le minuscule, cesser de guetter les taux d’audience et les chiffres de l’audimat. Un jour, le jeune héritier d’un très riche marchand renonça à la richesse et à la réussite sociale et s’en alla, seul, pauvre, le cœur plein de joie en chantant l’Evangile : François d’Assise plantait une graine minuscule qui a rempli le monde.

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.

Plusieurs autres paraboles apparaissent dans les évangiles : c’est en les méditant toutes ensemble que nous pouvons pénétrer dans le mystère du Royaume. Mais nous n’y parviendrons qu’en priant Jésus de nous les expliquer lui-même. Les difficultés de lecture nous appellent à nous approcher de Jésus pour lui demander la grâce de la lumière et ainsi les paraboles remplissent leur fonction : nous faire croire. Ainsi Dieu étend son Règne.